Steven Van Gucht © belga

Steven Van Gucht: « Ces vaccins à ARN, ils sont excellents »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Steven Van Gucht reconnaît certains avantages suite à l’arrivée d’Omicron. « Le prochain variant aura encore plus de difficultés à causer une vague importante », déclare-t-il au Vif. Le virologue se dit « très optimiste pour ce printemps », et tient à souligner l’efficacité -souvent décriée- des vaccins actuels. « Ils sont excellents », affirme-t-il. Le porte-parole interfédéral Covid explique également pourquoi un vaccin universel, totalement efficace contre les transmissions, sera très dur à obtenir. Entretien.

Steven Van Gucht, que peut-on déduire des derniers chiffres Covid dans le pays?

On observe que les hospitalisations augmentent, mais légèrement. C’est une bonne nouvelle. Une meilleure nouvelle encore est que le nombre de patients en soins intensifs semble diminuer. Il y a toujours des malades sévères, mais la proportion semble moins importante que par le passé. Les gens sont bien protégés par le vaccin d’une part, et d’autre part, le variant est un peu moins pathogène.

Peut-on définitivement affirmer que la létalité d’Omicron est moindre?

Tout n’est pas noir ou blanc. Le risque n’a pas disparu, d’un coup. Il faut apporter de la nuance. Le nord-est des Etats-Unis est frappé par une vague Omicron importante ; les hôpitaux y sont débordés et on constate une mortalité élevée. La différence avec nous, c’est leur taux de vaccination, beaucoup plus bas. En regard de cet exemple, Omicron peut toujours se manifester comme un virus assez grave.

On constate tout de même plus de points positifs, en comparaison avec les variants précédents…

Le point positif, c’est que la proportion des gens qui sont très malades a diminué. C’est une combinaison de la vaccination et du variant moins pathogène. Les vaccins fonctionnent. Et le virus, au lieu de devenir plus agressif, est devenu moins agressif. Cela nous aide dans la gestion ; il ne faut plus de lockdown, et on peut gérer la crise avec des mesures plus légères.

Vous êtes donc relativement optimiste?

Espérons que dans quelques semaines, on puisse réévaluer la situation et à nouveau assouplir les mesures. Je suis assez optimiste pour le futur. Maintenant, il s’agit encore de ralentir la dissémination virale. Stopper le virus, c’est une illusion. Il va continuer à circuler. Mais le ralentir, ça va aider nos hôpitaux. Et à la fin, on peut espérer une immunité collective. La base pour y arriver, c’est le vaccin. Mais comme beaucoup de gens seront exposés avec Omicron, cela va encore stimuler l’immunité et l’élargir à plus de personnes.

Graduellement, on va sortir de la pandémie.

Steven Van Gucht

En conséquence, le prochain variant aura encore plus de difficultés pour causer une vague importante. C’est pour cela que graduellement, on va sortir de la pandémie. Le message n’est pas du tout « faites-vous infecter », car il y a toujours un risque. Ce que nous devons faire, c’est ralentir le virus car sinon, nous pouvons encore avoir des problèmes. J’ai conscience que c’est un message compliqué.

Vous évoquez des possibles assouplissements d’ici quelques semaines. Un été « plein » et une désillusion en automne: peut-on encore s’attendre à ce schéma?

Je suis très optimiste pour le printemps et l’été. Pour l’automne prochain, il y a encore trop d’inconnues. Comme, par exemple, l’état de notre immunité. Peut-être va-t-elle un peu diminuer avec le temps. Peut-être y aura-t-il un nouveau variant qui provoquera une nouvelle vague d’infections, mais qui sera moins lourd pour les hôpitaux. Tout cela, ce sont des hypothèses.

On aura toujours de nouveaux variants, ce phénomène ne va jamais vraiment se stopper. Mais là où on peut avoir un impact, c’est sur le rythme avec lequel ils arrivent. Si plus de personnes sont vaccinées, il y aura moins d’infections. Et les variants se suivront moins vite.

Les détracteurs sur les vaccins actuels sont de plus en plus nombreux. Ils ne sont plus adaptés aux nouveaux variants actuels et sont beaucoup moins efficaces sur les transmissions. Quel est votre regard sur la problématique?

Le problème actuel, c’est qu’on n’a même pas le temps d’adapter le vaccin car le nouveaux variants arrivent et se propagent très vite. Omicron a été repéré la première fois fin novembre. Un mois et demi après, on est déjà en pleine vague Omicron. Dans ce laps de temps, c’est impossible d’adapter un vaccin.

Avec la grippe, on est dans une situation plus stable, c’est différent. Car on sait déjà estimer six mois à l’avance quels seront les variants les plus importants. Il est donc possible de choisir la bonne composition du vaccin à l’avance.

Avec le coronavirus, tout va encore trop vite. On a encore beaucoup trop d’infections car il n’y a pas encore assez de personnes vaccinées dans le reste du monde, surtout en Afrique et en Asie. Graduellement, cela va se stabiliser. Dans le temps, on aura plus de contrôle et de prévision.

Certains experts réclament l’arrivée d’un vaccin universel. Est-ce réaliste, selon vous?

C’est quelque chose sur lequel on doit travailler. Mais je veux aussi souligner que les vaccins qu’on a actuellement, ils sont excellents. Honnêtement, ils sont excellents. Je lis parfois dans la presse qu’il faut des meilleurs vaccins. Mais ces vaccins à ARN, ils sont magnifiques. Ils fonctionnent très bien.

Dire qu’il faut un vaccin universel pour le Covid, c’est un peu facile. Et je ne suis pas sûr qu’on va y arriver, d’ailleurs.

Steven Van Gucht

Pour la grippe, cela fait 30 ans qu’on dit qu’il faut un vaccin universel. Mais on n’y est toujours pas parvenu, depuis toutes ces années. Donc, dire qu’il faut un vaccin universel pour le Covid, c’est un peu facile. Et je ne suis pas sûr qu’on va y arriver, d’ailleurs.

Pourquoi?

Le vaccin, c’est quelque chose qui doit stimuler notre immunité dans le sang. Donc, on développe des anticorps dans le sang. On va y stimuler les cellules T. Le problème, c’est que le vaccin va être moins bon pour stimuler l’immunité locale, dans le nez. Cela veut dire que le virus peut toujours entrer dans le nez et l’infecter. Et seulement après quelques jours, notre système immunitaire sait le contrôler. Les anticorps doivent sortir du sang, les cellules T doivent migrer vers le nez. C’est ce qui fait qu’on peut toujours être infecté et parfois transmettre. Le vaccin vous protège de 60 à 70% contre l’infection. Mais cela veut donc dire qu’il y a une possibilité d’infection entre 30 et 40%.

Il faut différencier l’immunité dans le sang et l’immunité dans le nez.

Steven Van Gucht

Il faut donc différencier l’immunité dans le sang et l’immunité dans le nez. L’immunité dans le sang est très importante. C’est cette immunité qui va protéger nos poumons, qui va faire qu’on ne développe pas une pneumonie, qui vous nous protéger d’une intubation ou d’un manque d’oxygène. Donc, les vaccins ARN sont très efficaces pour nos poumons, mais moins efficaces pour protéger le nez. Pour faire évoluer ça, je peux vous garantir que ce n’est pas si facile.

Quelles évolutions peut-on alors espérer sur le court/moyen terme?

On peut plus facilement envisager des vaccins qui seront davantage actifs contre une diversité de variants. Dans les vaccins futurs, il est probable qu’on n’y intègre pas un seul variant. Actuellement, il y a un seul composant dans le vaccin. Mettre différents composants dans un vaccin, c’est ce qu’on fait déjà pour le grippe. Dans une dose contre la grippe, il y a quatre virus à l’intérieur, avec différents types d’influenza. On peut imaginer un concept identique pour le coronavirus. Pour notre système immunitaire, ça ne pose pas de problème, il peut réagir à plusieurs composants. Mais trouver un vaccin qui protégera mieux contre l’infection, ce sera plus difficile. Car il faudra alors stimuler l’immunité locale dans le nez.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire