© belga

La ruée sur les autotests pour garder son CST valide? Un effet pervers qui devient « une réalité »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Alors que la vague Omicron déferle en Belgique, les tests PCR semblent moins utilisés, au profit des autotests. C’est peut-être là un des effets pervers du Covid Safe Ticket : après un test PCR positif, le pass sanitaire est désactivé pour 11 jours, et ce alors que la quarantaine a, elle, été réduite à 7 jours. Un décalage qui poussent certains à sauter l’étape PCR pour retrouver une liberté plus rapidement. De quoi fausser les statistiques officielles ? Le point sur la question avec Yves Van Laethem et Steven Van Gucht.

Omicron et ses symptômes plus légers, la prolifération autotests, la désactivation du CST pendant 11 jours après un test PCR positif : voici plusieurs éléments combinés qui laissent penser que les chiffres officiels des contaminations au coronavirus ne sont que la partie émergée de l’iceberg. « Les statistiques des contaminations ont toujours été une sous-estimation », rappelle Steven Van Gucht, porte-parole interfédéral Covid-19. « Aujourd’hui, c’est encore plus le cas que par le passé, car il y a beaucoup de gens vaccinés qui développent peu de symptômes, et ne savent pas qu’ils sont infectés », précise-t-il.

Yves Van Laethem rejoint son confrère néerlandophone. « Actuellement, les symptômes sont éventuellement plus faibles. Donc, on sous-estime encore plus que d’habitude la réelle étendue des chiffres. Il y a probablement un nombre important de personnes qui ont de légers symptômes, différents de ceux que l’on a classiquement en tête pour le Covid. Ils ne font donc pas de test ni de quarantaine, alors qu’ils sont positifs. »

Autre élément qui vient renforcer ce constat : le changement des règles pour les tests PCR. Désormais, il faut être porteur du virus et symptomatique pour pouvoir se faire tester gratuitement. Mais avec Omicron, et ses symptômes souvent plus légers, comment cela se traduit-il concrètement? « J’ignore si cette évolution des symptômes est reproduite ou non dans l’algorithme qui permet de générer un code pour un test PCR (sur le site masante.be, NDLR.), sans consulter votre médecin », admet Yves Van Laethem. « Si les nouveaux symptômes sont acceptés par le système informatique, tant mieux. Mais si cela n’a pas été modifié, je crains en effet que l’on rejette les gens qui ont des symptômes assez banals, alors qu’ils pourraient être positifs », pointe-t-il. « Comme on répète aussi aux gens de ne pas téléphoner à leur médecin pour ne pas embouteiller le système, il y a probablement un tas de personnes potentiellement positives qui n’obtiennent pas de tests », estime Yves Van Laethem.

La montagne d’infections ru0026#xE9;elles est beaucoup plus large.

Steven Van Gucht.

Steven Van Gucht avance un autre argument qui tend à prouver cette large sous-estimation des chiffres. « Le pourcentage des tests positifs est très élevé : entre 25 et 30%. Chez les jeunes symptomatiques, c’est encore plus flagrant : presque 50% des tests sont positifs. Ça laisse donc penser qu’il y a beaucoup d’autres cas qui ne sont pas comptés. La montagne d’infections réelles est beaucoup plus large. Des biostatisticiens sont en train de réaliser des estimations à ce sujet », précise le virologue.

La question est aussi de savoir si la désactivation du Covid Safe Ticket pendant 11 jours après un test PCR positif va pousser ou non la population à utiliser davantage encore les autotests, afin de retrouver leur liberté plus rapidement (la durée de quarantaine étant réduite à 7 jours).

Pour Steven Van Gucht, le risque est évidemment présent. « C’est le désavantage de ce système. Ce sont des effets collatéraux qu’on redoute, et qui peuvent jouer un rôle, c’est vrai. Mais d’un côté, il faut aussi faire confiance et compter sur la bonne volonté des gens. Si l’autotest est positif, il faut espérer que les gens s’isolent et préviennent leurs contacts. » Le virologue en profite pour rappeler une statistique parlante. « Les contacts à haut risque non-vaccinés sont positifs à 47%. Donc, la probabilité d’être infecté est grande. Pour les vaccinés, elle est de 30%. Quand on est positif avec un autotest, c’est donc important d’avoir une confirmation. Mais avec la prolifération de ceux-ci, les gens ne vont pas toujours demander une confirmation avec un PCR. »

La crainte est aussi de mise chez Yves Van Laethem. Le porte-parole pense que ce « boudage » du PCR est une réalité qui éclot. « Certains pourraient ne pas avoir envie de se faire tester pour ne pas mettre en péril leur CST pendant quelques jours », redoute-t-il.

En cas de test positif, le CST est donc désactivé pour une durée de 11 jours. Mais la quarantaine, elle, peut s’arrêter après 7 jours. Ne serait-il dès lors pas logique de synchroniser les deux périodes ? « Réduire le temps de désactivation du CST paraitrait logique », reconnaît Van Laethem.

u0022Ru0026#xE9;duire le temps de du0026#xE9;sactivation du CST paraitrait logique.u0022

Yves Van Laethem.

« Les gens qui sont positifs suite à un autotest seront certainement civiques en s’isolant quelques jours. Mais à J+5 ou à J+6, si ces personnes ont une activité qui nécessite un Covid Safe Ticket, je crains que le pas soit facilement franchi. Le CST fonctionnera, alors qu’il ne fonctionnerait pas si un PCR avait été effectué. Et donc, il y a en effet un risque que le test PCR soit plus rarement effectué qu’auparavant, dans le but de ne pas voir son CST désactivé pour une plus longue durée que la quarantaine. De plus, le résultat de l’autotest est immédiat, alors qu’il faut prendre un rendez-vous pour un PCR, et attendre 24h voire plus pour le résultat. Cela rallonge donc la durée de désactivation du CST », ajoute le porte-parole.

Et d’illustrer autrement la problématique qui entoure les autotests. « Ils sont un peu l’équivalent de l’argent noir, du travail au noir. Car ils sont « non-déclarés », étant donné que seule la personne connaît le résultat. Ensuite, elle peut être civique, ou non. C’est un peu le problème des autotests : c’est la personne qui gère elle-même sa maladie et son impact sur les autres », conclut-il

Les dernières observations montrent qu’il n’y a pas de problème de fiabilité avec les autotests face à Omicron, nous confirme enfin Steven Van Gucht. « Plusieurs études montrent que les autotests savent détecter Omicron. Ce qui est important, c’est l’interprétation d’un autotest. Il a seulement une valeur lorsqu’il est positif. S’il est négatif, vous pouvez tout de même être infecté. »

Propos recueillis par Noé Spies

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire