Stéphane Moreau se dit victime d'un acharnement judiciaire. © Danny Gys/reporters

Stéphane Moreau à Nice : « il y a une nuance que vous ne saisissez pas… »

Invité ce jeudi par le Parlement de Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour discuter de L’Avenir, Stéphane Moreau se trouvait au même moment à Nice, dans le bureau du maire Christian Estrosi. La veille, il a rencontré les syndicats d’un autre quotidien en difficulté : Nice-Matin.

Alors que la commission conjointe du Parlement de Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles se penche une fois de plus, ce jeudi 6 décembre, sur l’avenir de L’Avenir, Stéphane Moreau, pourtant invité, se trouvait à Nice dans le bureau du maire de la Cité des Anges.

Christian Estrosi (LR) a la haute main sur les permis de construire dans le secteur très convoité de Nice Meridia où est installé le groupe Nice-Matin. Nethys est propriétaire de celui-ci à 34 %, le reste des parts appartenant aux salariés-actionnaires du quotidien. Lors du sauvetage de leur journal, le personnel avait acheté son immeuble un million d’euros. Il en vaudrait aujourd’hui 40 millions. D’où l’intérêt du ceo de Nethys pour une opération immobilière qui permettrait d’injecter du cash dans l’entreprise, sans garantie que cela suffise dans le délai de la transaction, tant les besoins sont pressants. Nethys a déjà mis 19 millions d’euros dans Nice-Matin. Il devrait en remettre autant en 2019 sans compter les pertes éventuelles d’exploitation, nous revient-il de source sûre.

La veille, après une rencontre avec Jean-Marc Pastorino, le président du directoire du groupe Nice-Matin, Stéphane Moreau avait rencontré une délégation de l’Intersyndicale CGT, SNJ -CGC-FO, en tout, huit syndicalistes, qui ont écrit leur déception dans un communiqué daté du 6 décembre que Le Vif/L’Express a lu.

« Les déclarations de notre principal actionnaire belge ne sont pas de nature à nous rassurer. Pour la bonne et simple raison que M. Moreau dit tout et son contraire. Il est capable de nous affirmer qu’il respectera le pacte d’actionnaires qui nous lie, tout en précisant que Nethys pourrait bien ne pas devenir actionnaire majoritaire de Nice-Matin au 31 décembre 2018 comme cela est prévu. » Selon les syndicats, c’est la clause de cession à neuf millions d’euros qui est la cause du blocage. En France, les journalistes ont le droit de faire valoir une clause de conscience indemnisée lorsqu’un changement qui ne leur convient pas se produit dans l’actionnariat de leur employeur. Or Nethys (L’Avenir Développement) doit monter à 51 % dans le capital de Nice-Matin, le 31 décembre prochain, selon le pacte d’actionnaire enregistré au tribunal de commerce de Nice.

Les personnel de Nice-Matin ne veulent pas non plus des synergies envisagée avec le groupe La Provence de Bernard Tapie dont Nethys est également actionnaire (11 %).

Bien qu’elle ait duré une heure et demie, la réunion du 5 décembre n’a donc pas permis aux représentants des salariés-actionnaires de Nice-Matin d’avoir une vue réelle sur les intentions de leur partenaire. Stéphane Moreau était accompagné de Pol Heyse, directeur financier de Nethys, et de Marc Beyens, membre Nethys du conseil d’administration de Nice-Matin.

Extraits révélateurs de ce dialogue de sourds rapporté par un membre du Syndicat national des journalistes (SNJ), dont le compte-rendu complet se trouve ci-dessous.

-« Le CA de Publifin vous demande de quitter le domaine de la presse, il y a des injonctions du Parlement wallon… »

– « Il y a une nuance que vous ne saisissez pas: le CA de Publifin ne décide pas à la place du CA de Nethys, la filiale. Et le CA de Nethys n’a jamais pris cette décision ».

– « Serez-vous là le 1er janvier? »

– « Un conseil d’administration stratégique de Nethys doit en décider dans les jours qui viennent ».

– « Serez-vous à 51 % le 1er janvier ? »

– « Nous voulons respecter le pacte d’actionnaires ».

-« Nethys a été absent durant de trop longs mois.

– « Nous avons fait l’objet d’attaques d’une rare violence en Belgique, la situation aux éditions de L’Avenir a été très compliquée, mais nous avons toujours été là pour vous soutenir en cas de coup dur ».

– « Nos projets sont à l’état de brouillon faute de moyens, notre trésorerie exsangue, nous ne sommes pas en mesure de présenter des budgets pour 2019… »

– » « Nous espérons revenir dans les dossiers pour avancer sur les projets stratégiques ».

Conclusion dépitée du journaliste qui a tenu la plume de ce compte-rendu : « Nethys, représenté par Stéphane Moreau est venu à Nice jouer la montre, entretenir le flou sur la montée à 51% au 1er janvier 2019… et rencontrer Christian Estrosi ce jeudi matin car il rencontre « tous les représentants institutionnels là où Nethys est présent ». Aucune réponse claire à quelques jours d’une montée au capital prévue depuis près de trois ans. Conclusion: soit ils découvrent le 5 décembre qu’ils ont acheté une boîte qu’ils vont devoir gérer le 1er janvier, soit ils veulent éviter la clause de cession, soit ils sont nuls. »

Stéphane Moreau réagit

Stéphane Moreau a appelé Le Vif/L’Express dans l’après-midi, alors qu’il se préparait à quitter Nice. Il conteste avoir mentionné Publifin dans son entretien avec les huit syndicalistes présents. Pol Heyse, dit-il, peut soutenir sa version. C’est la phrase suivante, confirmée par l’auteur du compte-rendu, un membre du Syndicat national des journalistes, qui est contestée : « Il y a une nuance que vous ne saisissez pas: le CA de Publifin ne décide pas à la place du CA de Nethys, la filiale. Et le CA de Nethys n’a jamais pris cette décision ». Stéphane Moreau utilise d’autres termes : « Nethys est dans une réflexion stratégique sur l’ensemble de ses activités, également sur son pôle presse, et l’analyse se déroule au sein de Nethys, déclare-t-il au Vif/L’Express. Le conseil d’administration de Nethys n’a jamais eu ce point à son ordre du jour. D’autre part, il y a un administrateur judiciaire, à Nice, qui n’a qu’un objectif : la continuité de l’entreprise et la sauvegarde de l’emploi. Huit cent emplois sont en jeu. Nous avons aussi signé un pacte d’actionnaires. En sortir a des conséquences. Tout n’est pas blanc ou noir. J’ai précisé que j’étais en mission, je ne me suis pas engagé, mais j’ai présenté les difficultés de la situation, et je ferai rapport au conseil. »

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