La Commission européenne a annoncé vouloir réduire de 25 à 30% les surfaces qu'elle occupe à Bruxelles. © BELGA IMAGE

Spécial Bruxelles: vers une nouvelle manière de travailler dans la capitale

Au-delà de l’aspect purement économique, la Covid-19 touche les entreprises au plus profond de leur organisation. Cela ne sera pas sans conséquences, à long terme, sur les travailleurs, mais aussi sur la mobilité et l’immobilier de bureau à Bruxelles.

Dossier spécial Bruxelles

Durement frappée par la pandémie, l’économie bruxelloise panse ses blessures alors qu’elle reste à la traîne sur le plan de la vaccination. L’instauration, depuis le 15 octobre, du Covid safe ticket n’arrange pas les affaires des secteurs obligés de le contrôler, surtout l’Horeca. Mais là comme ailleurs, la reprise semble s’amorcer et on espère que le plus dur est passé. Tour d’horizon, du tourisme et de la restauration à la culture, en passant par le commerce et les entreprises. Sans oublier les Bruxellois, qui peinent à retrouver le sourire derrière le masque qu’ils n’ont jamais quitté.

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Le coronavirus a engendré du chômage et des pertes financières dans de nombreuses entreprises bruxelloises, mais ce n’est pas tout. La crise sanitaire a également bouleversé de manière durable le quotidien des sociétés, et plus particulièrement l’organisation du travail, la mobilité des travailleurs et jusqu’à l’occupation des espaces et des bâtiments. Ainsi, après un premier semestre 2021 en demi-teinte, la société de conseil JLL a observé récemment une augmentation de 31% des surfaces de bureaux prises en occupation à Bruxelles. Olivier Willocx, CEO de Beci (Brussels Enterprises Commerce and Industry), constate également cette évolution: « C’est un phénomène un peu inattendu, mais il s’explique, notamment, par la distanciation sociale. Pour un même nombre de personnes, on prévoit désormais à peu près le double de mètres carrés d’espaces de travail ou de réunion. »

Les chiffres de la mobilité bruxelloise semblent confirmer la prolongation du télétravail.

Le taux de vacance des bureaux est ainsi resté plutôt stable à Bruxelles, passant de 7,5% en 2019 à 7,7% en 2020. Comme le souligne le dernier baromètre des bureaux de perspective.brussels, ce bilan cache toutefois de grosses disparités selon les quartiers et les immeubles: plus de deux tiers des surfaces vides sont implantés dans des bâtiments âgés de plus de quinze ans, et le taux de vacance grimpe autour des 13 à 14% dans certains endroits, comme la deuxième couronne sud et sud-ouest. On constate aussi un vide plus important dans les bâtiments inadaptés à la demande actuelle, alors que les projets neufs qui se veulent durables et sont équipés de services combinables avec le télétravail tirent leur épingle du jeu.

A long terme, il semblerait pourtant qu’on se dirige, à Bruxelles, vers une diminution des surfaces consacrées aux bureaux. Ce mouvement existait déjà avant la Covid, la crise sanitaire risque de la renforcer, car elle entraîne des fermetures d’entreprises, des renégociations des baux à la baisse, des sous-locations de bureaux, des réductions de personnel et, bien sûr, davantage de télétravail. La crise n’est cependant pas terminée, et les stratégies des entreprises ne sont pas encore bien redéfinies. En résumé, les conséquences de la pandémie sur l’immobilier de bureaux pourraient mettre plusieurs années à se préciser.

Rationaliser les coûts

Il en va de même pour l’organisation du travail, même si plusieurs effets sont déjà palpables. « Les sociétés qui avaient des processus parfaitement décrits, qui tournaient bien et disposaient d’équipes matures s’en sont globalement bien sorties alors que les autres ont connu d’importants problèmes de productivité à cause de la crise et du télétravail, constate Olivier Willocx. En réaction, certaines ont choisi de remplacer des employés par de l’intelligence artificielle, ou par des services moins coûteux à l’étranger. » Dans ce domaine aussi, la Covid-19 n’a fait qu’accélérer des tendances préexistantes. Parmi celles-ci, les questions autour de la notion de salarié, selon le CEO de Beci: « Dans le monde de demain, la majorité des travailleurs ne seront plus des salariés, payés même lorsqu’ils sont malades. On observe déjà aujourd’hui chez des employeurs une volonté d’accorder plus d’importance à la performance et au résultat final qu’au temps de travail à proprement parler. A l’avenir, les entreprises sous-traiteront peut-être davantage, seront plus flexibles sur la question du travail. »

Le CEO de Beci pointe une chance pour Bruxelles, la petite taille de ses entreprises qui facilite leurs valeurs d'ajustement.
Le CEO de Beci pointe une chance pour Bruxelles, la petite taille de ses entreprises qui facilite leurs valeurs d’ajustement.© BELGA IMAGE

Au-delà des obligations ou recommandations des autorités, certaines organisations et institutions ont, par exemple, bien intégré le télétravail et comptent le pérenniser. La Commission européenne a annoncé vouloir réduire de 25 à 30% les surfaces qu’elle occupe à Bruxelles, alors que ING a décidé d’autoriser ses employés à télétravailler en moyenne 50% du temps. Les chiffres de la mobilité bruxelloise semblent confirmer cette prolongation du télétravail: les transports publics affichent aujourd’hui un taux de fréquentation autour des 80% par rapport à la période pré-Covid, et le trafic automobile reste lui aussi inférieur. « On ressent toujours l’effet du télétravail et de l’épidémie, car, traditionnellement, le trafic augmente progressivement de la mi-août à fin septembre, précise-t-on chez Bruxelles Mobilité. En 2021, la progression est moins marquée et on ne constate pas de tendance claire à la hausse depuis septembre. »

La crise sanitaire a aussi favorisé les déplacements personnels et professionnels à pied et à vélo, et leur nombre a littéralement explosé à Bruxelles en 2020. Un mouvement qui a incité les employeurs à proposer des solutions de mobilité alternatives à leur personnel, comme le leasing vélo. Le télétravail suscite aussi des questionnements et pousse à des choix différents en matière de mobilité: certaines entreprises hésitent à octroyer des voitures de société à des employés qui travaillent à domicile et à qui ils versent des indemnités pour cela. « La question se pose aussi pour les abonnements de train, ajoute Olivier Willocx. C’est notamment pourquoi la SNCB a mis en place des abonnements flexibles, qui s’adaptent à la proportion de télétravail. »

Que ce soit au travers de la mobilité, de l’organisation du travail ou encore de l’occupation des espaces, beaucoup d’entreprises cherchent en tous les cas à rationaliser les coûts, car elles doivent désormais aussi faire face à l’augmentation des prix des marchandises et de l’énergie. Un défi de plus pour elles, mais, selon le CEO de Beci, « Bruxelles a une chance: la taille moyenne de ses entreprises est globalement petite. Leurs valeurs d’ajustement sont donc plus faciles. »

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