Gouvernement De Croo
Alexander De Croo © belga

Socio-économique: ce que l’accord de la Vivaldi ne contient pas

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Pour situer politiquement le programme socio-économique de cette Vivaldi, sans doute vaut-il mieux commencer par lister ce qu’il ne contient pas que d’énumérer ce qu’il recèle.

Encadré par cette remarquable symétrie qui fait trouver ses projets beaucoup trop à droite au PTB, et beaucoup trop à gauche à la N-VA et au Vlaams Belang, l’accord de gouvernement de la Vivaldi est porté, par la force gravitationnelle de l’heptapartite, vers le centre.

Les dernières heures avant l’accord entre Alexander De Croo et Paul Magnette se sont prolongées, au fil de dures bilatérales au palais d’Egmont, autour d’une dissension pécuniaire, les socialistes poussant aux dépenses sociales et à une fiscalité plus redistributrice, les libéraux les repoussant. Des étincelles entre ces deux coformateurs, la lumière ne pouvait briller que vers le milieu. Les écologistes et même le CD&V (son aile démocrate-chrétienne, Beweging.net, était un partisan discret mais opiniâtre d’un exécutif sans la N-VA) ont pu aider Paul Magnette à peser plus que les 28 sièges de la famille socialiste. Mais les libéraux avaient le dernier mot, si bien que beaucoup des grandes revendications socialistes durent être abandonnées tandis que pas mal des ambitions libérales ne purent même pas être énoncées.

Ce que l’accord ne contient pas

C’est ainsi que pour situer politiquement le programme socio-économique de cette Vivaldi, sans doute vaut-il mieux commencer par lister ce qu’il ne contient pas que d’énumérer ce qu’il recèle.

Car ce qui arrange ainsi très bien le PTB, c’est que l’exigence de campagne socialiste de replacer l’âge légal de la retraite à 65 ans a été promptement abandonnée. Tant Paul Magnette qu’Elio Di Rupo, pourtant, en avaient fait une condition pour jamais remonter au gouvernement fédéral. A peine nommé préformateur royal, en novembre 2019, et tout juste élu président du PS, Paul Magnette s’empressa de discrètement baisser ce drapeau.

La hausse du salaire minimum à 14 euros de l’heure, qui nécessite une modification de la loi sur la compétitivité de 1996, ne figure pas plus dans l’accord des quatre saisons : une circulaire interprétative rendra un peu de latitude aux interlocuteurs sociaux, patrons et syndicats, pour négocier des augmentations barémiques. Mais rien ne dit que le banc syndical pourra imposer sa volonté, et beaucoup dit qu’il ne le pourra pas. L’imprécision de la formulation stipulant, dans l’accord, que « le gouvernement demandera une contribution équitable aux individus qui ont la plus grande capacité contributive », sans que soit établie une méthode pour y parvenir, sinon qu’une « proposition sera introduite lors du prochain contrôle budgétaire » fait elle aussi déjà les délices du PTB, qui la traite comme ce qu’elle sera : un slogan. Un slogan qui arrange également très bien la N-VA, puisqu’elle pourra, postulant que sur les épaules les plus larges reposent des têtes qui parlent néerlandais, établir que ce gouvernement veut financer le hamac des pauvres Wallons avec l’argent des riches Flamands.

L’accord du gouvernement Vivaldi ne contient pas non plus le désaveu formel des politiques menées par la suédoise

Le parti dont  » le Voka est le vrai patron « , selon la formule de Bart De Wever, soulignera également une absence pesante pour les libéraux dans la feuille de route de la législature : on ne trouvera pas de réductions significatives de la fiscalité, sur le travail en particulier, quand bien même le nouveau gouvernement s’engage à réfléchir à une nouvelle réforme fiscale, budgétairement neutre, qui devrait « réduire la charge sur le travail ».

Les bleus en avaient pourtant, après le tax-shift et la réduction de l’impôt des sociétés, fait l’axe principal de leurs campagnes. Le MR plaidait même pour un choc fiscal à dix milliards d’euros de baisses d’impôts :  » On va rendre au minimum 1 000 euros de salaire annuel net aux citoyens « , s’engageait, en avril 2019, Charles Michel.

Dans le gouvernement qui succède au sien, et auquel participe son parti, il n’y en aura que pour quelques centaines de millions d’euros, consacrés à alléger la déclaration des PME et des indépendants qui investiraient.

Par rapport à la suédoise

L’accord du gouvernement Vivaldi ne contient pas non plus le désaveu formel des politiques menées par la suédoise. Il ne revient pas non plus sur les plus emblématiques de ses réformes, et c’est déjà une victoire pour les trois formations qui y participèrent, MR, Open VLD et CD&V. Mais celles-ci, et en particulier les libérales, ont dû concéder, en échange de cette immunité, des dépenses qui, d’ores et déjà, établissent que le ministre dont le bilan sera, en 2024, le plus critiqué, sera celui du Budget.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire