Olivier Mouton

R.I.P. Vivaldi. Qui va sortir notre pays du ridicule?

Olivier Mouton Journaliste

La décision du CD&V tue la coalition sans la N-VA. Notre pays devient la risée de l’Europe. Mais quel parti va enfin prendre des risques pour faire face aux multiples crises de l’heure?

La messe sociale-chrétienne flamande est donc dite: R.I.P. Vivaldi. La coalition sans la N-VA rêvée par les partis francophones (alliant socialistes, libéraux, écologistes et CD&V) semble bel et bien morte et enterrée. Le CD&V a pris connaissance des opinions de ses membres. A une majorité de 63%, ils considèrent qu’un gouvernement fédéral doit disposer d’une majorité dans le groupe linguistique néerlandophone, donc que la présence de la N-VA est indispensable. Il s’agit d’un simple entérinement de la position du top du parti.

Passons sur le fait que le sondage du CD&V en question pose des questions de fiabilité: des votants ont pu s’exprimer plusieurs fois et des non-membres (journalistes) ont pu y prendre part. Passons sur le fait que des réponses peuvent paraître contradictoire entre le fait, par exemple, de vouloir la N-VA au gouvernement et de revendiquer une politique de santé plus forte. Le président du CD&V, Joachim Coens, a confirmé le sort funeste réservé à la Vivaldi. A vrai dire, ce n’est pas une surprise: aucun geste fort n’a été posé pour convaincre le CD&V à changer de point de vue, le vote au parlement d’un premier texte éthique (sur l’euthanasie) avec une majorité alternative n’ayant rien arrangé.

Les missionnaires royaux, Patrick Dewael (Open VLD) et Sabine Laruelle (MR), se sont donc se présentés bredouilles au palais, pour leur premier rapport ce lundi après-midi. De guerre lasse, le palais a prolongé leur mission jusqu’au 16 mars en insistant sur la nécessité de répondre aux urgences du moment.

Le CD&V assumera la responsabilité de cet échec, non sans préciser à juste titre que certains (visez, les écologistes) n’ont même pas pris la peine de parler avec la N-VA Mais peu importe, finalement, qui est responsable. Notre pays devient peu à peu la risée de l’Europe avec son incapacité à former un gouvernement à l’heure où les crises s’entrechoquent: sanitaire, boursière, migratoire, démocratique… La télévision hollandaise a été la première à s’emparer de notre chaos existentiel. Il semble vain de répéter que l’on ne peut se permettre un vide du pouvoir en ces moments préoccupants: cela ne change apparemment rien.

Que reste-t-il comme perspective? L’idée d’une coalition miroir, aux relents confédéraux assumés, a été relancée ces derniers jours par le CD&V (la paternité en revient à Joachim Coens), mais aussi par la N-VA. Elle associerait les coalitions régionales (N-VA, CD&V et Open VLD en Flandre; PS, MR et Ecolo en Wallonie; ajoutez DéFi à Bruxelles) et ferait des entités fédérées le socle de stabilité du pays. Les socialistes francophones avaient tué l’idée rapidement et les francophones se sont indignés pratiquement en choeur du fait que l’idée niait Bruxelles. Ces obstacles pourraient-il être surmontés?

La perspective d’un gouvernement d’urgences, avec un programme resserré, de courte durée, est une autre piste. Maintenant que même le ministre de la Santé, Maggie De Block (Open VLD), n’exclut pas que notre pays doive prochainement passer à un stade supérieur dans la gestion de l’épidémie et que les bourses dévissent, les réticents pourraient changer d’avis. François De Smet, président de DéFi, a appelé à « former un gouvernement maintenant ». L’arc-en-ciel (socialistes, libéraux et écologistes) n’ayant plus de majorité, son parti pourrait faire l’appoint. La formule semble très fragile. Mais 41% des membres du CD&V opteraient pour l’opposition si une formule avec la N-VA s’avérait impossible. Rappelons aussi qu’il reste une autre option très fragile, celle d’une coalition de droite avec la N-VA et sans le PS.

Notre pays n’a pas de temps à perdre avec les vagues qui déferlent sur lui, mais on ne cesse de tergiverser, en multiplie$ant les incapacités de dialogue. Stop! Combien de temps le gouvernement minoritaire en affaires courantes devra-t-il encore gérer des crises qui dépassent – et dépasseront toujours plus – ce simple cadre des affaires courantes? Il est temps d’élargir l’assise de la majorité fédérale pour lui permettre de prendre les décisions qui s’imposent.

La perspective d’élections anticipées ne doit jamais effrayer les démocrates. Mais dans la phase délicate que nos pays traversent, ce serait gaspiller des énergies indispensables par ailleurs.

Alors, quel parti va enfin prendre le risque de se lancer et assumer ses responsabilités, sans réfléchir aux lendemains électoraux?

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