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« Qui dit banalisation, dit déni »: le sexisme ordinaire dans l’enseignement supérieur dénoncé dans une carte blanche

Le Vif

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes doit devenir une priorité des établissements d’enseignement supérieur, en actes et non plus uniquement en paroles, appelle une carte blanche publiée mercredi soir.

Initiée par Françoise Tulkens, professeure extraordinaire émérite à l’UCLouvain, Olivier De Schutter, professeur à l’UCLouvain et Bruno Humbeeck, chargé de recherche à l’UMons, et signée par plus d’une centaine de personnes du secteur, francophones et néerlandophones, la carte blanche dénonce une certaine banalisation du sexisme ordinaire dans le secteur académique.

« Montage grossier » de vidéos pornographiques truquées mettant en scène une autorité, démission d’une membre du personnel de l’université « afin de ne plus être confrontée au harcèlement de son supérieur hiérarchique à défaut que l’institution ait pu donner une réponse satisfaisante à ses plaintes »,… Ces exemples de situations réellement vécues montrent, selon les signataires de la carte blanche, à quel point il est urgent que les autorités académiques se saisissent de la question de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

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Les signataires dénoncent également une certaine banalisation du sexisme ordinaire, fondement des violences sexistes et sexuelles. « On s’insurge face à une main aux fesses mais les commentaires déplacés sur une tenue ou sur le physique continuent d’être banalisés. Et qui dit banalisation, dit déni », alerte la carte blanche. Demander à une femme si elle a ses règles n’équivaut pas à une plaisanterie, dire qu’une robe met ses formes en valeur n’est pas un compliment, lui demander si elle est célibataire n’est pas flatteur, martèlent les signataires. « Ces remarques en apparence anodines constituent bel et bien du harcèlement sexiste et sexuel, et ont un impact considérable sur la santé mentale des personnes concernées, en grande majorité des femmes (avec des effets tels que l’anxiété, la dépression, l’abandon des études, etc.). »

Cinq ans après #Me Too, le harcèlement sexuel reste la faute de la victime

Les victimes elles-mêmes ainsi que les témoins de ces violences « ont parfois intériorisé cette banalisation ou ont peur des représailles si elles parlent », ajoute la carte blanche. Les personnes de confiance qui doivent recueillir les plaintes manquent de formation et de ressources et « la portée de ces propos pourtant destructeurs est encore trop souvent minimisée ». Les femmes sont accusées de « fragilité excessive » ou d’un « manque de sens de l’humour ».

« Cinq ans après #Me Too, le harcèlement sexuel reste la faute de la victime », constatent les signataires.

Mais alors comment lutter ? La carte blanche donne des pistes comme renforcer le cadre légal mais appelle surtout les établissements d’enseignement supérieur à passer « de la parole aux actes ». Il est temps de faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles « une priorité (…) dans les faits et non plus seulement dans les discours ». Les signataires, dont des membres du corps professoral, scientifique, étudiant, du personnel administratif et technique, plaident ainsi pour qu’une formation sur le continuum des violences et la place qu’y occupe le sexisme ordinaire soit prodiguée à l’ensemble de la communauté universitaire. Le continuum renvoie au fait que les femmes subissent des violences dans tous les espaces de leur vie, et celles-ci prennent des formes multiples qui s’articulent, faisant partie d’un système plaçant les femmes dans une position d’infériorité par rapport à l’ensemble des hommes.

La carte blanche suggère également une meilleure protection des victimes et témoins, ainsi que la mise en place d’une interaction entre les établissements et les instances telles qu’Unia et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. « Il est temps de sortir du déni : pour que les violences sexistes et sexuelles cessent d’être un autre ‘Don’t Look Up’ (Ne regardez pas, NDLR) », conclut la carte blanche.

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