Caroline Lallemand

Pourquoi j’en veux à la SNCB

Caroline Lallemand Journaliste

Si la SNCB râle sur « les faits de tiers » qui le mois passé, représentaient près de 40% des causes de retard, on peut aussi lui faire part de notre rancune et de notre agacement.

14 mai, 6H28: dans la chaleur des foyers belges, on se prépare un petit café pour bien démarrer la journée. 6h28 : un SDF, dans un abri de fortune installé le long de la voie 12 de Bruxelles-Nord s’allume un petit feu pour se réchauffer ou se préparer, lui aussi, un petit remontant. Ce qu’il n’avait pas prévu c’est que les flammes se propagent à des câbles électriques, puis aux boîtiers qui mettent tout le système de sécurité de l’infrastructure ferroviaire à l’arrêt. Résultat: les six voies qui font la jonction entre Bruxelles-Nord et Bruxelles-Midi, une portion cruciale du réseau au vu du nombre de lignes passant par la capitale, ont été totalement paralysées pendant 1h30. Autant dire une éternité, à l’heure de pointe, quand chaque minute est comptée dans le rush matinal.

Des dizaines de trains ont été retardés, déviés, voire carrément supprimés. Des milliers de navetteurs dans toutes les petites et grandes gares du pays se rendant à Bruxelles pour le travail, l’école, une formation, ou prendre l’avion se sont retrouvés sur le carreau, sans plan B. Les perturbations perdureront encore pendant toute la journée, voire jusqu’à mercredi matin. En un mot : LA cata.

Une heure trente, voire beaucoup plus, de râleries et de stress pour ces navetteurs désemparés pour qui la journée commence avec de nouvelles frustrations causées par l’usage de La Société nationale des chemins de fer belges. Très loin de nous l’idée de blâmer cette personne sans domicile fixe peut-être à l’origine de ce chaos – le parquet ne confirme pas pour le moment cette hypothèse – et qui n’était heureusement pas ou plus dans son abri quand celui-ci s’est embrasé. Le ministre fédéral de la Mobilité François Bellot s’en est chargé en « dénonçant cet acte tout à fait irresponsable impactant un très grand nombre de voyageurs sur le réseau« . Tout comme Charles Michel sur Twitter qui parle d’un « acte de malveillance supposé ».

Au final, on ne s’u0026#xE9;tonnera pas que de plus en plus de navetteurs pru0026#xE9;fu0026#xE8;reront reprendre leur voiture pour aller gonfler les files en direction de la capitale.

Par contre, si la SNCB râle sur « les faits de tiers » qui le mois passé, représentaient près de 40% des causes de retard, on peut lui faire part de notre rancune et de notre agacement en retour. Les raisons sont multiples et le couac de ce matin – qui n’est pourtant pas la faute ni de la SNCB, ni d’Infrabel – est certainement la goutte qui a fait déborder la vase après plus de 10 ans de navette quotidienne vers Bruxelles. En pagaille, comme le rail ce matin : on lui en veut pour sa communication défaillante, pour son app’ de planifications des trajets qui n’est pas à jour et son site qui ne donne que très peu d’informations sur la situation en temps réel. On peste sur les informations données au compte goutte par des accompagnateurs tout aussi désemparés (et bien courageux) qui hésitent eux-mêmes sur les arrêts et la destination exacts du train dans lequel on a sauté, au petit bonheur la chance, en espérant rejoindre le bureau au plus vite.

On en veut tout autant à Infrabel, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, quand deux lundis matins d’affilée, on se retrouve devant un tableau d’affichage des horaires où les 3/4 des trains sont supprimés, car les travaux qui devaient être finis le dimanche soir ont pris du retard. On en a marre des retards à répétition en fin de journée qui font stresser les parents qui ne seront pas à l’heure pour la fermeture de la garderie ou de la crèche. On lui voue une rancune quand elle allonge nos journées de travail et qu’elle nous oblige à zapper notre pause de midi (car, oui, il faudra bien récupérer ces heures perdues un moment ou à un autre).

On lui reproche aussi de faire payer les parkings de ses gares à ses abonnés alors que le service aux voyageurs et que la ponctualité ne suivent pas, pire, que les tarifs ne font qu’augmenter. On critique le manque de places assises, la lenteur de son service de plaintes, l’amabilité toute relative de certains de ses guichetiers, la décrépitude des gares de province, ses wagons étouffants en été ou ces trains qui ne roulent pas parce qu’il y eu un peu de givre ou de neige en hiver. On râle d’être immobilisé de longues minutes dans un train bondé au milieu de la campagne sans savoir pourquoi, de voir le dernier train de la journée supprimé sans aucune alternative proposée et de découvrir avec effroi que le train suivant est à 5h du matin…

Alors, oui, à la décharge de la SNCB et d’Infrabel, et pour ne pas être taxée de mauvaise foi ou réagissant au quart de tour sur le coup de la colère, on pourra invoquer pour justifier ces désagréments le sous-financement des chemins de fer belges, voire le désinvestissement progessif de l’Etat belge dans le développement des infrastructures ferroviaires et le service aux voyageurs au cours de ces dernières législatures. Et il est vrai que la réduction des dotations accordées (environ – 20% en 5 ans) met les finances de la SNCB et d’Infrabel sous pression. Un véritable défi à relever pour les prochains responsables politiques, et surtout ceux qui mettent en avant dans leur programme l’intermodalité, en encourageant les citoyens à utiliser le plus possible les transports en commun. Sinon, qu’on ne s’étonne pas que de plus en plus de navetteurs préfèreront reprendre leur voiture pour aller gonfler les files en direction de la capitale, incendie (in)volontaire ou non déclaré au petit matin.

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