Marion Maréchal répondant à une invitation du Vlaams Belang, en 2013. © Belga

Peut-on déjeuner « à titre personnel » avec l’extrême droite? (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La rencontre entre un conseiller du président français, Emmanuel Macron, et Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, provoque des remous jusqu’en Belgique. Ahmed Laaouej (PS) s’en indigne.

C’est une rencontre, révélée par Le Monde, qui fait du bruit en France. Bruno Roger-Petit, « conseiller mémoire » du président Emmanuel Macron, a invité Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen et figure de l’extrême droite identitaire dans un restaurant parisien. C’était le 14 octobre dernier à la brasserie Le Dôme, à Paris.

Marion Maréchal dirige désormais l’Institut des sciences sociales, économiques et politiques (Issep), une école supérieure de management politique lui permettant de diffuser ses idées. Elle est proche, chez nous, du Vlaams Belang, un parti avec lequel elle a des contacts réguliers. Elle s’amuse forcément à confirmer l’information au quotidien: « Bruno Roger-Petit est passé par un ami pour me proposer de me rencontrer. J’ai accepté: je ne refuse jamais de discuter par principe. Surtout que j’étais assez curieuse de connaître celui qui s’amusait à me traiter de nazie toutes les deux semaines quand j’étais députée. »

Joint par Le Monde dimanche 27 décembre dans l’après-midi, Bruno Roger-Petit n’a pas nié avoir rencontré Marion Maréchal. « A titre personnel, insiste-t-il. Je voulais savoir ce qu’elle avait à dire et si elle était en résonance avec l’état de l’opinion – ce qui n’est pas le cas. J’ai dû constater que nous étions en désaccord. C’est un peu ce que Xavier Bertrand a fait quand il a rencontré Eric Zemmour. ». Une allusion à une récente rencontre entre le président de la région Hauts-de-France, issu des rangs Républicains, avec le chroniqueur du Figaro.

Le débat rebondit en Belgique

Ce « à titre personnel » et cette volonté de de « savoir si ce qu’elle a à dire est en résonance avec l’état de l’opinion » défraient évidemment la chronique chez nos voisins. Mais pas uniquement. Le débat rebondit aussi en Belgique francophone, où les ruptures du cordon sanitaire ou médiatique avec l’extrême droite font régulièrement polémique.

Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre, s’étrangle à l’instar de nombreuses voix progressistes: « Un déjeuner pour ‘sonder’ l’extrême droite. Décidément, la ‘macronie’ ne cesse de dériver en eaux troubles. L’extrême droite ne se sonde pas, elle se combat. » Ancien ministre de François Hollande ayant créé son mouvement pour devenir président à la surprise générale, Emmanuel Macron avait suscité beaucoup de curiosité, voire d’émules chez nous. Depuis quelques mois, et singulièrement avec le raidissement policier dénoncé à gauche ou les rapprochements politiques avec la droite, les socialistes s’en distancient plus fortement.

La sortie de celui qui est aussi président du PS bruxellois suscite le débat. Un internaute cite en réponse le philosophe chinois Su Tzu, auteur du célèbre essai sur L’Art de la guerre: « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît mais ne connaît pas l’ennemi sera victorieux une fois sur deux. Que dire de ceux qui ne se connaissent pas plus que leurs ennemis. »

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L’incident est révélateur d’échanges souvent difficiles en Belgique francophone et d’un fossé Nord-Sud. En Flandre, pour des raisons à la fois lgales et culturelles, l’extrême droite est régulièrement invitée dans les médias. Et fait partie du débat politique: lorsqu’il était formateur du gouvernement flamand, Bart De Wever a eu de longs contacts avec le Vlaams Belang, suscitant l’indignation du côté de la gauche francophone, tandis qu’au nord du pays, on dénonçait le traitement privilégié réservé au PTB. En publiant une interview du président du Belang, Tom Van Grieken, le magazine Wilfried avait lui aussi perçu ce qu’il en coûtait de donner la parole sans filtre à l’extrême droite: une longue polémique s’en était suivie, avec, à la clé, un long argumentaire du rédacteur en chef du magazine pour se justifier.

L’extrême droite ne se sonde pas, elle se combat? Ou la sonder, est-ce une manière de mieux la connaître pour mieux la combattre? La question, ces prochaines années, risque de se poser de nombreuses fois encore.

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