Pour Peter Wouters, "le modèle belge est un tout à prendre". © BART DEWAELE/ID PHOTO AGENCY

« On se réjouit que le PS soit incontournable »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Peter Wouters, président de Beweging.net (le Mouvement ouvrier chrétien flamand), annonce la couleur de la coalition chérie par son mouvement : orange-rouge-verte. La N-VA chère au CD&V ? Hors du casting rêvé.

Quatre mille groupes locaux, vingt-cinq mille collaborateurs, plus de quatre millions de membres. Beweging.net, le pendant flamand du Mouvement ouvrier chrétien (MOC), est une voix avec laquelle le CD&V est encore prié de compter : son nouveau président et ex-informateur royal, Joachim Coens, sort d’ailleurs de ses rangs. Tandis que Koen Geens (CD&V) rame pour offrir au pays un gouvernement avec la N-VA à bord, le patron de Beweging.net, Peter Wouters, rappelle que ce n’est pas son premier choix. Loin de là.

Qui détient aujourd’hui les clés d’une solution politique ?

Je ne vais pas m’aventurer sur ce terrain. Je comprends la tension ambiante, certainement du côté flamand. Les dernières élections ont été très mauvaises pour les partis du gouvernement fédéral sortant (NDLR : N-VA – MR – Open VLD – CD&V) : perdre près de 700 000 électeurs, 300 000 rien que pour la N-VA, c’est énorme. Nous avions prévu que l’électeur ne serait pas tendre pour la suédoise mais nous n’avions jamais imaginé que les partis de la majorité sortante perdraient autant de voix.

Comment s’y prendre, dès lors, pour sortir de l’impasse ?

La seule solution est de partir des grands défis qui nous attendent : le climat et le danger que représente le déficit budgétaire pour une politique sociale. L’ampleur des opérations à mener rendra cruciale la concertation sociale, indispensable pour obtenir le soutien de la population. Nous demandons ce dont n’a pas témoigné la coalition suédoise : plus de respect pour la concertation sociale. C’est pourquoi on se réjouit que le PS soit incontournable parce qu’il a prouvé dans le passé que la concertation sociale occupait une place centrale dans sa manière de mener une politique. Comme c’est le cas du CD&V.

Ces balises vous ont conduit à annoncer la couleur de la prochaine coalition lors de votre discours de Nouvel An : avec les chrétiens-démocrates, les socialistes et les verts…

Je ne l’ai pas exprimé ainsi. J’ai dit que ces trois familles politiques étaient celles qui répondaient à nos attentes sur l’enjeu climatique et sur la question de la concertation sociale.

Libéraux et nationalistes flamands ne figurent donc pas dans le casting gouvernemental de vos rêves…

L’Open VLD et le MR moins, la N-VA encore moins. Mais si ces autres acteurs sont autour de la table, je n’aurai rien contre, pour peu que les défis mis en avant soient rencontrés.

Vous ne désespérez pas de voir la N-VA changer de ton sur le climat ?

Sa réflexion sur ce terrain est encore en plein développement et la pression d’Ecolo et Groen est positive à cet égard. La N-VA devra conclure des accords si elle entre dans un gouvernement. Elle a accepté de gouverner au fédéral sans agenda communautaire pendant cinq ans.

Mais de la N-VA, Ecolo n’en veut pas. Pas plus que le PS…

Nous vivons dans un pays prospère, son économie ne se porte pas si mal, le chômage est en forte baisse, les Régions évoluent positivement. Il n’est pas nécessaire de poser des exclusives et de chercher les extrêmes, au milieu de ces bonnes nouvelles.

A propos d’exigence absolue, jusqu’à nouvel ordre, le CD&V ne veut pas d’un gouvernement sans la N-VA…

Je peux comprendre le raisonnement du côté flamand même si Beweging.net préférerait un gouvernement formé d’autres partis que la N-VA.

D’autant qu’un gouvernement sans la N-VA serait aussi un gouvernement sans majorité du côté flamand. Gênant ?

Je ne considère pas cet élément comme une absolue nécessité pour mener une politique. C’est un argument de nature politique, surtout émotionnel parce que lié à la peur des résultats électoraux.

Et un gouvernement sans le PS : si l’impensable devenait réalité ?

Ce serait une mauvaise chose. Le pays ne se portera pas mieux et le PS ne fera que croître.

PS et N-VA sont-ils franchement compatibles pour relever ensemble les défis que vous sélectionnez ? Qui, du PS ou de la N-VA, sortira vainqueur d’une telle cohabitation ?

Que deux partis aussi dissemblables doivent essayer de trouver des terrains sur lesquels ils puissent converger est une bonne chose. Car l’un et l’autre sont les reflets de leurs régions respectives qui doivent coopérer entre elles. Au regard de nos défis prioritaires, la N-VA devrait faire de plus grands pas que le PS, c’est exact. Mais il faut savoir ce qu’on veut : si on veut gouverner le pays, on doit aussi en accepter les forces et les structures sociales. Le modèle belge est un tout à prendre. Et cela vaut aussi pour le PS : il doit tenir compte de tous ces électeurs qui ont voté pour des partis qui ne l’agréent pas.

Quel message auriez-vous à adresser à la partie francophone ?

Mettre fin aux caricatures qu’on entretient de part et d’autre de la frontière linguistique. Les différences entre gens du nord et du sud sont faibles, les soucis sont les mêmes. Trente ans de réformes de l’Etat ont fait en sorte que les deux parties du pays se connaissent de moins en moins. Les organisations sociales ont leur rôle à jouer pour les rapprocher.

Une politique à la suédoise bis, c’est  » onbespreekbaar  » ?

Ah oui, c’est fini ! De toute façon, avec les pertes électorales subies par les partis de la majorité sortante, poursuivre une telle politique serait incompréhensible. Enfin, je l’espère (rire).

Beweging.net et le CD&V, cela reste une histoire d’amour ?

Il est évident que nous restons un des partenaires privilégiés du CD&V. Lorsque près de la moitié des candidats sur une de ses listes disent être liés à notre mouvement, c’est un fait contre lequel je ne peux rien faire. Si on nous écoute, ce n’est pas parce que nous l’exigeons mais parce que beaucoup de nos membres sont actifs en politique, et beaucoup d’entre eux le sont au CD&V.

Mais ce CD&V a-t-il encore un avenir ?

Un parti tourné vers le vivre-ensemble, la justice sociale, le développement durable, les plus faibles, sera toujours notre ami. Pour l’heure, c’est le cas du CD&V. Mais si un autre parti se profile ainsi, il sera aussi notre ami.

Koen Geens semble empêtré dans une mission impossible. Vous êtes nostalgique de la  » méthode Dehaene  » ?

Je ne pense pas que la méthode employée par Koen Geens soit fondamentalement différente (sourire).

En cas de nouvelles élections, Beweging.net pourrait appeler à ne pas voter pour le CD&V ?

Non et les électeurs n’ont pas besoin d’une telle consigne. Un bon lecteur comprendra vite pour quel parti il ne doit pas voter s’il partage les thèmes et les défis que nous mettons en avant.

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