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Lumumba: « La Belgique parvient à faire de nous des civilisés »

Le Vif

Un manuscrit signé en 1957 par le futur Premier ministre du Congo indépendant apporte un regard différent sur l’héritage de la colonisation.

Le soixantième anniversaire de l’indépendance du Congo a réveillé le débat sur l’héritage de la colonisation. Une commission parlementaire va s’en emparer. Les contributions sont nombreuses. Raymond Krockaert, un lecteur attentif, nous transmet à cette occasion le manuscrit d’un ouvrage imprimé et édité en 1961 à Bruxelles. Son auteur: Patrice Lumumba. Titre: Le Congo terre d’avenir est-il menacé?. Le texte a été envoyé à l’éditeur en février 1957, quand Lumumba n’avait pas encore atteint le sommet d’une carrière politique fulgurante, en devenant le premier Premier ministre du Congo indépendant, jusqu’à son assassinat. Il est aujourd’hui l’icône des nouveaux militants anticoloniaux qui demandent aux anciennes puissances coloniales d’assumer leur passé.

Ce livre de 215 pages exprime pourtant une vision nuancée et plutôt positive de la contribution de la Belgique à l’évolution du Congo, souligne ce lecteur. En voici quelques extraits.

But de la colonisation

« En jetant un coup d’oeil rétrospectif sur le passé, en comparant (…) le Congo d’hier et celui d’aujourd’hui, on peut reconnaître en toute conscience que la Belgique n’a pas failli à sa mission, et qu’en dehors de quelques erreurs, – erreurs inhérentes à toute oeuvre humaine, – beaucoup de belles et grandes choses ont été réalisées et continuent à se réaliser.

A ceux qui ne veulent voir dans la colonisation que le mauvais côté des choses, nous les prions de faire une balance entre le bien réalisé et le mal pouvoir ce qui l’emporte.

La délivrance de cette traite odieuse que pratiquaient de sanguinaires arabes et leurs alliés – ces malandrins dépourvus de tout sentiment humain qui ravageaient le pays, à qui le devons-nous ?

Au moment où nos populations souffraient de ces atrocités ; au moment où nos populations étaient décimées par la maladie du sommeil et par cette sanglante tragédie qui se déroulait dans le Maniema et à travers le Congo ; au moment où des milliers des habitants de ce pays étaient emmenés au loin, chaînes au cou pour aller être vendus comme du bétail sur des marchés macabres, d’autres nations – pourtant plus puissantes que la Belgique, – demeuraient indifférentes à note sort et nous laissaient périr.

Par un idéalisme humanitaire très sincère, la Belgique nous vint en aide, et avec l’aide de vigoureux combattants indigènes, elle parvient à chasser l’ennemi, à enrayer la maladie, à nous instruire, à faire disparaître de nos moeurs des usages peu humains, à nous rendre notre dignité humaine, à faire de nous des hommes libres, heureux, vigoureux, des civilisés. »

Intégration économique

« Nous devons aussi faire remarquer que le Congo n’est pas le seul pays d’Afrique où les noirs sont les moins bien payés. Au contraire, nous sommes parmi les colonies les mieux administrées et les plus heureuses du continent africain. Notre standing de vie est de loin supérieur à celui des africains de certains pays. Cela ne doit pas nous empêcher d’aller toujours de l’avant car l’ambition de la Belgique d’Outre-Mer est d’être parmi les premiers dans l’ascension vers le progrès et l’humanité.

Le désir essentiel de l’élite congolaise n’est pas de méconnaître le bien réalisé, mais d’être des « Belges » et d’avoir droit à la même aisance et aux mêmes droits, compte tenu évidemment des mérites de chacun. Ce désir est louable et conforme à la justice humaine. »

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