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Libérer le Palais de justice de ses échafaudages, la promesse de l’Etat à Bruxelles

Le Vif

Le Palais de justice de Bruxelles est devenu un sujet de plaisanterie en Belgique. Ce bâtiment monumental est prisonnier de ses échafaudages depuis près de 40 ans. Mais l’imbroglio semble en passe de se dénouer avec la promesse de l’Etat d’achever enfin sa rénovation.

Habitués à des décennies d’inertie, avocats et magistrats restent prudents voire sceptiques face à ce nouveau développement, mais ils saluent néanmoins « une dynamique », « un momentum » rarement observés, dans plusieurs témoignages à l’AFP.

A la mi-mars, le secrétaire d’Etat en charge du dossier Mathieu Michel a donné le coup d’envoi d’un programme de travaux estimé à 87 millions d’euros, dont la première étape consiste à stabiliser les échafaudages pour ouvrir la voie à la rénovation de la façade principale.

Propriétaire de ce monument classé, l’Etat compte avoir restauré toutes les façades, – isolation des 1.500 fenêtres y compris -, et « totalement libéré » l’édifice de sa cage métallique « d’ici 2030″, affirme Mathieu Michel, parlant d' »une priorité essentielle ». Cette année-là, la Belgique, fondée en 1830, célébrera son bicentenaire, et « nous devons à l’Histoire » la rénovation d’un édifice aussi emblématique du royaume, dit-il.

Conçu par l’architecte belge Joseph Poelaert dans les années 1860, à l’époque où la Belgique comptait parmi les grandes puissances économiques, ce bâtiment de style néo-classique, d’une emprise au sol de 26.000 m2, est plus vaste que la basilique Saint-Pierre de Rome. Surmonté d’une coupole avec un dôme en cuivre, il est d’autant plus visible dans le ciel bruxellois qu’il a été bâti sur une des collines de la capitale.

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Pour Jean de Codt, président de la Cour de cassation, qui y travaille depuis 1986, le palais est « une oeuvre d’art absolument extraordinaire », « le symbole d’un pouvoir judiciaire fort et indépendant en Belgique ».

Mais cet attachement viscéral, largement partagé par les Bruxellois (des artistes comme l’auteur de BD François Schuiten lui vouent un véritable culte), se double d’un sentiment de « souffrance » en constatant à quel point son entretien a été négligé, poursuit le magistrat en guidant une équipe de l’AFP sur place.

« Finir un étage en dessous »

Infiltrations d’eau, morceaux de plafonds qui tombent, vitres cassées non remplacées: l’inventaire n’est pas reluisant pour un site qui a essayé en 2008 d’être inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Et parfois l’accident redouté survient. M. de Codt raconte s’être lui-même fracturé un coude il y a quelques années en glissant sur le marbre inondé d’un couloir de la Cour de cassation.

De manière générale, les occupants pointent du doigt l’humidité chronique du bâtiment, et un système d’évacuation des eaux de pluie au gabarit inadapté à l’immense surface de toiture. Dans les sous-sols, le local où sont conservées les pièces à conviction de milliers d’affaires judiciaires a dû être interdit d’accès en raison de la présence de mérule, un champignon potentiellement toxique. « Nous avons constaté une zone d’effondrement dans un couloir, si on l’emprunte on risque de finir un étage en dessous », souligne en montrant les lieux Nathalie Minnen, greffier en chef du tribunal de première instance.

A Bruxelles, il faut être quinquagénaire ou presque pour se souvenir d’un Palais de justice sans échafaudages. Les premiers, autour du socle de la coupole, ont été installés en 1984. L’entreprise chargée de la restauration aurait fait faillite et le dossier s’est ensuite enlisé dans un interminable ping pong entre les différentes administrations ayant voix au chapitre (Etat, Région, ville).

Mais le défi de la rénovation dépasse de loin la seule question des façades. Avocats, magistrats et greffiers espèrent bien un jour profiter aussi de locaux et d’un outil de travail modernisés, avec une meilleure numérisation des procédures. L’avocat Jean-Pierre Buyle, qui milite pour cela à la tête de la Fondation Poelaert, dit tabler sur un palais transformé « à l’horizon 2040 », moyennant 100 millions d’euros de travaux, et le retour dans les murs de toutes les juridictions ayant dû être déplacées dans le quartier. « Le paradoxe c’est que dans ce bâtiment gigantesque, l’état de déshérence fait qu’à peu près la moitié de l’espace disponible est inoccupée », relève Jean de Codt.

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