Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette © belga

Les présidents de parti sortent affaiblis de cette crise du coronavirus

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Georges-Louis Bouchez (MR) soudain prêt à négocier en juin alors qu’ils disaient le contraire en début de semaine. Sa stature est contestée, mais les Magnette, Coens, De Wever, Nollet… ne sont pas logés à meilleur enseigne.

Le déconfinement progressif de la Belgique débutera bien lundi 4 mai et les partis politiques doivent se préparer à vivre des heures difficiles. Leur crédibilité est entachée, elle le sera d’autant plus si, une fois la crise sanitaire apaisée,le déconfinement politique mène à un nouveau triste spectacle de négociations politiques menant à une impasse en raison de l’impossible dialogue PS / N-VA.

Georges-Louis Bouchez, président du MR, se dit désormais ouvert à des négociations pour former un nouveau gouvernement. Il l’a dit à Bel RTL ce matin : « On peut commencer des négociations au mois de juin si la situation sanitaire est stabilisée. Je l’ai dit : il faut un résultat pour le mois de septembre. Mais j’attends que tous les partis qui se plaignent aujourd’hui me fassent des propositions concrètes, je n’en ai toujours pas eu. » En début de semaine, alors que les partis qui soutiennent Wilmès II de l’extérieur menaçaient d’un vote de confiance à la Chambre en juin, il disait pourtant le contraire: « Certains renoncent à leur parole. J’estime que la confiance avait été accordée pour six mois. »

De la crédibilité, le président libéral doit s’en soucier. En Flandre, la pression monte à l’égard du MR dans la foulée de la communication ratée du Conseil national de sécurité, vendredi passé. Surtout, le Montois se fait lui-même vertement critiquer pour sa présentation, le matin-même du Conseil, de sa présidence des Francs Borains lors d’un show un peu décalé (bien que respectant la distanciation sociale). « À une époque où toute réunion est interdite, il organise une conférence de presse pour se présenter comme le nouveau président du club, ricane le politologue Dave Sinardet dans une interview à Knack, traduite pour Le Vif/L’Express. S’il continue ainsi, Bouchez dirigera bientôt deux clubs amateurs. »

Le MR commence à irriter au nord également en raison de sa surreprésentation ministérielle (six maroquins, plus le Premier ministre) en cette période délicate. C’est le résultat logique et constitutionnel de la parité au Conseil des ministres, mais certains commentateurs flamands affirment que le gouvernement fédéral se retrouve partiellement composée d’amateurs. Les présidents de partis, au sens large, sortent d’autant plus affaiblis de cette crise que le ‘kern élargi’ du samedi, qui réunit le Conseil des ministres fédéral restreint avec les présidents de parti qui soutiennent Wilmès II de l’extérieur, a largement tourné au fiasco. Ce n’est pas là que se joue la gestion de la crise, mais bien entre les ministres et les experts.

Les critiques reposent évidemment sur une faille majeure, dont les libéraux et la Première ministre Sophie Wilmès sont conscients : l’absence d’un gouvernement fédéral de plein exercice, disposant d’une majorité claire. Les négociations pour obtenir une telle majorité, à l’aube de la crise du coronavirus, avaient échoué suite à un énième dialogue impossible entre PS et N-VA. « Cela prouve à quel point cette génération de présidents de parti est faible, affirme le journaliste Rik Van Cauwelaert dans la même interview de Knack. Personne, pas même Paul Magnette (PS) ou Joachim Coens (CD&V), n’a pu empêcher ce déshonneur. »

Depuis l’échec des négociations, PS et N-VA ne se sont d’ailleurs pas épargnés. « Nous n’oublierons pas cette trahison », clamait le N-VA Theo Francken peu après l’échec des négociations, en affirmant que le président du PS, Paul Magnette, n’avait rien fait pour préparer le terrain en interne pour une telle alliance forcée. En Flandre, on estime le leadership de Magnette jugé trop faible et l’épisode de ces discussions a laissé des traces en interne au PS également. Le président socialiste, en retour, fustige Bart De Wever dans un récit proposé par Wilfried : « C’est la seule chose qui l’intéressait [la réforme de l’Etat]. Je me demandais sur quelle planète il vivait. Il sous-estimait largement la crise sanitaire, il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Cette nuit-là, il voulait encore prendre trois semaines pour négocier un accord de gouvernement complet et parler institutionnel alors que le confinement était imminent. C’était surréaliste. » Bart De Wever, qui fait feu de tout bois, est d’ailleurs présenté au nord du pays comme le grand perdant de l’épisode coronavirus, tant pour son incapacité à entrer au gouvernement que pour ses prises de position souvent critiquées et manquant d’à-propos.

Comment renouer le dialogue dans ces conditions? Pratiquement impensable. Ajoutez à cela le fait qu’Ecolo et, dans une moindre mesure, certains PS adoptent ces derniers jours une position qualifiée par leurs adversaires de « populiste » en dénonçant l’absence d’humain dans les décisions du Conseil national de sécurité et vous comprendrez pourquoi le président du MR sait que d’éventuelles négociations en juin déboucheraient sur une nouvelle impasse. Le résultat pourrait être le retour à un gouvernement minoritaire en affaires courantes, avant de nouvelles élections quand la situation sanitaire le permettrait. Et comme avant la crise, ceux qui pourraient en bénéficier seraient les vrais partis populistes, Vlaams Belang et PTB, bien plus dangereux, faut-il le dire, que la faiblesse actuelle de ceux qui nous gouvernent.

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