Elio Di Rupo, Sophie Wilmes, Jan Jambon et Pierre-Yves Jeholet © Belga

« Les politiciens partent du principe que les gens sont stupides »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Pour les économistes Ivan Van de Cloot et Ive Marx, les politiciens belges mènent « une politique caractérisée par le déni, l’improvisation et les compromis. » Ils montrent qu’ils ne respectent pas les gens, car « ils partent du principe que les gens sont stupides ».

Interrogé par le quotidien De Morgen, le professeur en économie Ivan Van de Cloot (Institut Itinera) et le professeur en sciences socio-économiques Ive Marx (Université d’Anvers) reviennent sur la gestion de la crise du coronavirus en Belgique.

« Dans cette crise, toutes les faiblesses belges sont remontées à la surface. Le déni, la pensée de groupe, le manque de professionnalisme. Dès que vous critiquez, les responsables sont sur la défensive. Toute personne qui signale des erreurs est immédiatement réduite au silence. C’est presque devenu une habitude. Alors qu’on avance en apprenant de ses erreurs – mais malheureusement, c’est une aberration structurelle dans ce pays », regrette Ivan Van de Cloot.

Ive Marx cite l’exemple de la diminution de la TVA dans l’horeca, une mesure considérée comme peu utile par la plupart des économistes. Et pourtant, les politiciens éprouvent la nécessité de l’instaurer. « Quand les politiciens commencent à distribuer de tels cadeaux, peu importe le nombre de livres qu’écrivent des économistes tels que Gert Peersman (NDLR : l’un des économistes qui a désapprouvé la diminution de la TVA) ou moi. Au fond, les politiciens montrent qu’ils ne respectent pas les gens, parce qu’ils partent du principe que les gens sont stupides », ajoute Ivan Van de Cloot.

« Nous consacrons énormément d’argent aux dépenses sociales, et pourtant notre pauvreté ne diminue pas. Nous détenons le record du sous-emploi parmi les migrants et les personnes âgées. Il y a plein de rapports sur le sujet, mais en politique, personne ne dit jamais: nous nous trompons peut-être. Notre politique est caractérisée par le déni, l’improvisation et le compromis. Le pouvoir est extrêmement fragmenté. Donc, si vous voulez que quelque chose soit fait, vous devez être prêt à faire des compromis. Au lieu de trouver le meilleur résultat, tout le monde doit être un peu satisfait », déplore l’économiste.

Nous sommes tout nus

Interrogé sur la meilleure solution pour relancer l’économie, Ivan Van de Cloot estime qu’il faut d’abord et avant tout augmenter le nombre de tests afin d’éviter un second confinement. « En ce qui concerne les finances, il y a peu de moyens, nous devons donc faire attention à la façon dont nous les utilisons. Les bonnes années, de nombreux oracles disaient qu’il ne fallait pas constituer de réserves. Maintenant, nous sommes tout nus. Pardon, mais on ne peut indéfiniment ouvrir les vannes », prévient-il.

Ivan Van de Cloot et Ive Marx
Ivan Van de Cloot et Ive Marx© Belga/Debby Termonia

« Bien sûr, il y a encore beaucoup d’incertitudes, nous ne savons pas à quoi nous attendre. S’il faut encore un an avant que l’industrie du divertissement ne reprenne vraiment, nous ne pouvons pas continuer à combler le fossé avec des crédits et des réductions de TVA », ajoute-t-il.

Pour Van de Cloot, une politique de relance doit faciliter le changement « alors qu’aujourd’hui, nous facilitons souvent le statu quo. Ne pas changer n’est plus une option. Nous ne devons pas injecter des ressources pour retarder l’adaptation à l’inévitable ». « Nous avons l’habitude d’injecter de l’argent dans des activités qui sont mortes depuis longtemps. Prenez l’histoire de Caterpillar à l’époque : continuer à pomper de l’argent et puis les voir s’en aller de toute façon », illustre Marx.

Ce dernier fustige la gestion du pays, et notamment le rôle des cabinets. « Bien plus que l’administration, le pouvoir appartient au cabinet. Il forme un cercle restreint, une cour qui y siège par la grâce du ministre. Par conséquent, les employés du cabinet n’offrent souvent pas assez de résistance. Les cabinets improvisent continuellement. Il n’y a guère de méthode rigoureuse ou scientifique. Et la politique qui s’ensuit est souvent très mauvaise. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons mal géré cette crise », déclare-t-il au Morgen.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire