Les parents de la petite Mawda. © Belga

Les parents de Mawda : « nous n’avons jamais imaginé vivre cela au coeur de l’Europe »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le procès des trois hommes impliqués dans la mort de la petite Mawda débute ce lundi à Mons. « Nous pleurons encore des journées entières », déclarent les parents de la fillette au quotidien De Morgen.

Le 17 mai 2018, une patrouille de la police des autoroutes prend en chasse, sur l’autoroute E42, une camionnette suspectée de transporter des migrants qui veulent rejoindre l’Angleterre. Malgré les injonctions de la police, le chauffeur refuse de s’arrêter.

Face au refus d’obtempérer, l’un des policiers sort son arme par la fenêtre et vise, selon ses explications, « le pneu avant gauche » en doublant. Mais un brusque coup de volant de son collègue dévie son tir vers l’habitacle de la camionnette, où Mawda, installée avec ses parents derrière le chauffeur, est touchée d’une balle dans la tête. Elle meurt dans l’ambulance qui la transporte à l’hôpital.

Le policier, qui est défendu par Me Laurent Kennes, est poursuivi pour homicide involontaire. Les parties civiles, qui avaient demandé une requalification en meurtre, n’ont pas convaincu la chambre du conseil de renvoyer ce dossier devant les assises. Deux personnes sont détenues dans cette affaire : le chauffeur de la camionnette et le convoyeur, considéré comme le passeur.

Permis de séjour

Aujourd’hui, Ali Shawri et Amer Phrast, les parents de Mawda, vivent dans un appartement à Woluwé-Saint-Lambert en compagnie de Muhammed, leur fils de six ans, et de Shahin, leur petit garçon de onze mois. Leur permis de séjour est valable jusqu’au 25 février 2021, et ils espèrent pouvoir rester en Belgique. Il n’est plus question pour eux de rejoindre l’Angleterre.

Le père de la fillette raconte ce qu’il s’est passé juste après le coup de feu. « J’ai pris Mawda qui était dans les bras de ma femme et je suis sortie de la camionnette. Elle était pleine de sang. Les policiers ont couru vers nous, et j’ai essayé de leur faire comprendre par signes que ma petite fille était touchée. Mais ils m’ont pris Mawda et l’ont jetée par terre. Ils m’ont attaqué et m’ont passé les menottes. Il a fallu attendre l’ambulance longtemps. Pendant deux jours je n’ai pas su ce qui était arrivé à ma fille. C’étaient les 48 heures les plus difficiles de ma vie. »

Pendant que Mawda est transportée à l’hôpital, Amer Phrast et Ali Shawri sont enfermés séparément. Amer Phrast n’a pas le droit d’accompagner sa fille à l’hôpital. Le petit Muhammad, qui a quatre ans au moment des faits, est « autorisé » à rester dans la cellule avec sa maman. Après ce traumatisme, la famille tente de se reconstruire.

Le chagrin reste

« Entre-temps, je comprends mieux la vie ici. Je fais de mon mieux pour apprendre la langue. L’une de mes motivations, c’est de bien expliquer ce que j’ai vécu. Je suis une formation de coiffeur, et j’ai découvert la culture belge, mais le chagrin reste le même. Au fond, c’est plus dur que ce que nous pensions. Nous pensions que grâce aux nombreuses aides dont nous avons bénéficié, nous réussirions à oublier un peu la situation. Que le chagrin s’atténuerait. Mais croyez-moi, nous passons de nombreuses journées à pleurer, ce que nous avons vécu ce soir-là, nous revient sans cesse à l’esprit », raconte le papa de Mawda au quotidien De Morgen.

Les parents espèrent un jugement juste, tant pour le policier qui a tiré que pour les passeurs. « C’est extrêmement dur de perdre un enfant, on ne souhaite cela à personne. Si les agents ont vu des enfants dans la camionnette à l’arrière ou à l’avant, ils n’auraient pas dû tirer. Mais je veux surtout que cela ne se reproduise plus. Qu’aucune famille ne doive vivre la même chose. Cet incident n’aurait pas pu se terminer aussi dramatiquement. »

Le couple ne regrette pas d’avoir quitté l’Irak, leur pays natal. « Nous étions obligés de partir, et nous n’aurions jamais cru que vous allions vivre ça au coeur de l’Europe. Personne n’abandonne sa famille, sa patrie et ses souvenirs sans raison. Nous n’avions pas le choix ».

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