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Les mesures (contestées) de la Vivaldi pour remettre au travail les malades de longue durée

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Pour limiter les malades de longue durée, dont le nombre ne cesse de croître ces vingt dernières années, le gouvernement De Croo mise sur une amélioration du mécanisme des  » trajets de réintégration « , prévoyant notamment davantage de sanctions. Amélioration suffisante ? Un rapport de la Cour des comptes, dont Le Vif a pu prendre connaissance en primeur, se montre très critique vis-à-vis de ce système, qui en cinq ans a peu d’effets positifs.

Il y avait, en 2019 en Belgique, 420 504 personnes en invalidité de travail, selon l’Inami. Alors qu’elles n’étaient « que » 257 935 en 2010. Ces dix dernières années, le nombre d’invalides progresse de 5,5% par an. « Si cette tendance se prolonge, leur nombre augmentera dans les prochaines années d’au moins 23 000 par an », écrit la Cour des comptes dans une analyse non encore publiée, mais dont Le Vif a pu prendre connaissance. Qui indique que « les indemnités de maladie pèsent aujourd’hui plus lourd que les allocations de chômage ». En 2019, l’Inami a dépensé 8,2 milliards pour les indemnités de travailleurs salariés, contre 4,1 milliards en 2009.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le gouvernement De Croo ait fait de la réintégration sur le marché de l’emploi des malades de longue durée une priorité pour son budget 2022, présenté ce mardi. Depuis 2016, un « trajet de réintégration » existe pour les personnes en invalidité depuis quatre mois. Une mesure qui avait pour but d’accompagner les travailleurs en incapacité vers un job adapté, ou vers une autre fonction, temporairement ou définitivement.

Davantage de sanctions

Le gouvernement fédéral a donc décidé de réformer ce trajet de réintégration. Il pourra débuter plus tôt, après 3 mois d’incapacité et non plus 4. Au bout de 10 semaines d’absence, les malades de longue durée seront invités à remplir un questionnaire, qui permettra de décider s’il est utile d’entamer le trajet d’intégration. Ceux qui omettent de remplir le questionnaire risquent perdre 2,5 % de leurs indemnités de maladie.

Des sanctions sont aussi prévues pour les employeurs (d’entreprises de plus de 50 personnes) dont le nombre de malades dépasse la moyenne Les mutualités pourraient par ailleurs perdre une partie de leur indemnité administrative si elles n’aident pas suffisamment de travailleurs à revenir au travail. Selon le Morgen, le Forem, VDAB et Actiris pourraient eux aussi sanctionnés s’ils ne parviennent pas à faire reprendre le travail à un nombre suffisant de malades de longue durée, quel que soit leur emploi. Enfin, les médecins généralistes auront également la possibilité d’indiquer quel travail un patient malade pourrait encore effectuer ou quelle adaptation du régime de travail offrirait une solution.

Par ailleurs, le gouvernement estime que le système est aujourd’hui trop facilement utilisé pour licencier des travailleurs pour force majeure médicale et a donc décidé de dissocier cette procédure du trajet de réintégration. L’employeur ne pourra plus y recourir qu’après 9 mois.

A peine 2 500 personnes accompagnées

Ces mesures seront-elles suffisantes pour améliorer l’efficacité des trajets de réintégration ? Dans son rapport, la Cour des comptes pointe effectivement le succès mitigé de cette mesure en vigueur depuis cinq ans. Bien que le nombre de trajets soit en hausse, ceux qui ont été « effectués avec succès demeurent limités », écrit-elle. Pointant que les trajets « Inami » (soit ceux s’appliquant aux personnes – majoritaires – qui n’ont pas de contrat de travail) « n’auraient atteint que 0,6% tout au plus du nombre total de personnes en incapacité de travail éligibles » à cette mesure. Quant aux trajets « SPF » (réservés aux personnes toujours sous contrat de travail), ils n’auraient atteint que 1,7% des travailleurs concernés. « Plus de deux tiers des personnes qui suivent un trajet ne sont pas de retour au travail après sept trimestres », note l’analyse.

Qui souligne également que les chances de réintégration chutent drastiquement après 50 ans. « Le nombre de personnes en invalidité ayant repris le travail après avoir suivi un trajet de réintégration (SPF ou Inami) est estimé à 2 508 personnes, indique la Cour des comptes. A ce rythme, […] il est peu probable que les trajets contribuent fondamentalement à limiter le nombre de personnes en invalidité« . Ce qui n’empêche apparemment pas le gouvernement fédéral de continuer à miser sur cette mesure pour limiter le nombre de malades de longue durée…

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