Stéphane Obeid

Les dessous du plus grand piétonnier d’Europe: excuse ou remède à la congestion automobile ?

Stéphane Obeid Conseiller communal (MR)

Les Bruxellois(e)s  » fêtent  » aujourd’hui le premier anniversaire du plus grand piétonnier d’Europe. Ce dossier a soulevé beaucoup de questions mais une me semble avoir été écartée : Et si le piétionnier avait été introduit pour réduire la congestion automobile ?

Bruxelles est la capitale la plus embouteillée d’Europe et se classe même depuis trop longtemps dans les villes les plus embouteillées du monde. Il serait presque inutile de rappeler que cette situation, au-delà de l’impact négatif sur l’environnement et sur la qualité de vie des citoyens, a une incidence devenue majeure pour l’économie bruxelloise.

En dépit des critiques connues à l’encontre du piétonnier depuis son introduction – il y a aujourd’hui un an – une question reste en suspens : ce dernier aurait-il été mis en place afin de réduire la congestion automobile sur l’ensemble du territoire régional ?

Cette question pourrait sembler sans fondement eu égard à la congestion déjà observée et attendue depuis l’avènement de celui-ci. Elle pourrait être également balayée d’un revers de la main car la décision de la piétonisation dépend principalement de la Ville de Bruxelles et aurait, de facto, une portée locale.

Cependant, cette décision a eu des répercussions immédiates sur l’ensemble de la Région et ce pour deux raisons. La première tient à la situation géographique du centre-ville, le pentagone étant traversé et/ou contourné par des milliers de voitures chaque jour. La seconde réside dans le fait que la Région bruxelloise est un des poumons économiques du pays et draine des centaines de milliers de visiteurs, navetteurs et Bruxellois.

Au-délà du niveau décisionnel, l’introduction du piétionnier s’est malheureusement basée sur une méthode aussi radicale qu’absurde eu égard aux objectifs que la Région s’est fixé en matière de décongestion.[1] Ces derniers n’ont d’ailleurs jamais été atteints comme en témoigne la figure suivante :

Les dessous du plus grand piétonnier d'Europe: excuse ou remède à la congestion automobile ?
© PG
L’introduction du piétionnier a été absurde car elle n’a pas été construite dans le cadre d’une vision intégrée de la mobilité

La méthode a été radicale en ce qu’elle contraint des milliers de navetteurs et Bruxellois traversant la Région à opter pour un autre moyen de transport du jour au lendemain.

La méthode a été absurde car elle n’a pas été construite dans le cadre d’une vision intégrée de la mobilité. En effet, depuis des années, le rythme d’investissements dans les infrastructures est bien trop lent tant pour des raisons budgétaires que politiques. Comment, en effet, expliquer que la construction d’une ligne de métro puisse prendre 15 ans à Bruxelles alors que d’autres métropoles européennes relèvent ce pari en moins de deux ans ?

Alors, l’objectif initial du piétonnier est-il celui de mettre fin à la voiture individuelle en vue d’atteindre la décongestion prévue dans différents masterplans de mobilité qui ont échoué ?

Les géniteurs du piétonnier avaient-ils alors en tête qu’un report modal naturel serait effectué, que Bruxellois et navetteurs emprunteraient directement et sans rechigner les transports alternatifs, tels que le métro, le bus ou encore le vélo ?

Ces mêmes personnes se sont-elles posé la question de l’existence d’alternatives crédibles à l’automobile et ce, pour tous les Bruxellois, employés, commerçants et professions libérales ?

Ces questions aboutissent au constat que deux logiques s’opposent. L’une politique et l’autre pragmatique.

Fallait-il attendre que la Région bruxelloise soit extrêmement bien désservie en transports publics avant de se lancer dans un tel projet ?

Dans la logique politique, l’investissement dans les infrastructures est évalué selon le nombre d’usagers. Si ce nombre augmente significativement, les investissements en lignes de bus, trams et de métro n’en seront que plus importants afin d’ajuster l’offre de transport à la demande réelle.

Pour les pragmatiques, si l’offre existante n’est ni quantitative ni qualitative, ils rechigneront à ne plus utiliser leur voiture.

Au-delà des discours de réappropriation et de partage de l’espace public par le citoyen, la mise en place du piétonnier, tel un couperet, a cloturé le débat entre les partisans de ces deux logiques. Fallait-il attendre que la Région bruxelloise soit extrêmement bien desservie en transports publics avant de se lancer dans un tel projet ? La Ville de Bruxelles devait-elle imposer le piétionnier pour contraindre les automobilistes et améliorer globalement la mobilité ? Une chose est certaine, en tous cas, le piétionnier ne constitue ni une excuse ni un remède aux problèmes de congestion dont souffre notre Région.

[1] A titre d’exemple, Le Plan Iris II datant de 2010 prévoyait une réduction de 20 % de la congestion automobile d’ici 2018. Nous en sommes encore loin.

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