Gérald Papy

« Les atouts du fédéralisme n’ont pas été utilisés à bon escient en Belgique pour lutter contre l’épidémie »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’Union européenne, même dépourvue de la compétence de la santé, a été légitimement fustigée quand elle a manqué de réactivité et de solidarité envers l’Italie après que l’épidémie de Covid-19 a atteint le continent.

Elle n’a pas été encensée comme elle aurait dû l’être lorsque la Banque centrale européenne a consenti un plan de 750 milliards d’euros de rachat de la dette des Etats et des entreprises, lorsque la Commission européenne a dégagé 100 milliards d’euros en soutien aux financements nationaux du chômage partiel, et lorsque le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement a arrêté un plan de relance de 1 000 milliards d’euros financé par un endettement commun.

L’Union européenne n’est ni fustigée ni encensée aujourd’hui, alors que chacun de ses membres entame son déconfinement de son côté. Rien de plus normal. On n’imagine pas que, de la Suède qui n’a pas confiné à l’Italie particulièrement meurtrie en passant par la Pologne exceptionnellement peu touchée, les Vingt-Sept suivent un programme de sortie de crise identique et imposé par une instance supranationale. A une épidémie qui frappe les territoires de manière différente, il convient de répondre par des stratégies ciblées. Celles-ci n’empêchent pas de constater que les Etats sont confrontés à de semblables dilemmes : faut-il privilégier les retrouvailles familiales ou la réouverture des entreprises, faut-il favoriser le retour des parents dans le circuit économique ou la bonne santé des plus petits en leur évitant jusqu’en septembre la promiscuité inhérente à l’école ?

En vertu de leur expertise en matière de délégation de pouvoirs, les Etats fédéraux apparaissent mieux outillés pour s’adapter aux spécificités d’une crise sanitaire. Même si le cadre institutionnel n’est pas le seul facteur de leurs succès, l’Allemagne et ses 16 Länder en ont fait la démonstration. La clarté dans la prise de décision, la précision de la répartition des compétences entre pouvoir central et entités fédérées, la part d’autonomie laissée à celles-ci ont aidé significativement à lutter contre la pandémie de Cologne à Berlin.

Etonnamment, les experts que nous avons interrogés sur l’intérêt de la décentralisation au temps du coronavirus s’accordent à constater que les atouts du fédéralisme n’ont pas été utilisés à bon escient en Belgique pour lutter contre la pandémie. Soit parce que le délirant morcellement des compétences en matière de santé a nui à la lisibilité et à l’efficacité de l’action, soit parce que le carcan régional a empêché le recours à des solutions plus affinées, par exemple par province, soit encore parce que les ministres-présidents des Régions et Communautés se sont défaussés sur le pouvoir fédéral.

Ainsi, selon que votre fédéralisme est bien assumé ou pas, soigneusement conçu ou pas, intelligemment appliqué ou moins, vous pouvez prétendre au rang de premier de la classe européenne, l’Allemagne, ou de moins bon élève, la Belgique. A l’heure où la crise du coronavirus bouscule beaucoup de certitudes, pareil bulletin justifie certainement une introspection sur les lacunes de notre système institutionnel afin de préparer le monde d’après et une plus efficiente parade à la prochaine épidémie.

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