Guy Martin

Le nouveau modèle de pilotage de l’enseignement de la Communauté française est-il pertinent?

Guy Martin Citoyen de la région liegeoise

L’ancien Parlement de la Communauté française de Belgique a voté un décret transférant la responsabilité de son enseignement. Ce Parlement a transféré cette responsabilité (ainsi que le patrimoine immobilier associé !) de son gouvernement à un Conseil d’Administration d’un organisme d’intérêt public (OIP). Tout cela sous l’ancienne législature (PS CDH) durant le premier semestre 2019. Avait-il le choix ? Oui. Car d’autres options existent.

Et le nouveau parlement vient de désigner il y a peu l’administrateur général de ce nouvel organisme placé sous l’autorité d’un conseil d’administration.

Il s’agit d’un acteur issu de la finance et de la banque puisqu’il dirigeait la SOGEPA. Le signal est clair !

1 la question du choix du modèle de pilotage.

En préalable, il n’est pas inutile de se poser question sur les raisons qui justifient ce transfert de l’enseignement de la Communauté française appelée aujourd’hui Fédération Wallonie-Bruxelles (F.W.B.). Car, s’il y a transfert c’est au nom du principe qu’elle ne peut être juge et partie. Mais au nom de quel principe ? Au nom du choix du modèle de pilotage mis en place.

Il convient de s’interroger sur la pertinence du modèle de pilotage choisi. Celui-ci est pour l’essentiel fondé sur le modèle qualité ISO 9001 appliqué aux Services marchandisés. Ce modèle est introduit fin des années ’80, très progressivement dans l’enseignement . Et ce modèle est fondé sur le « contrôle ». Contrôle du processus et des produits…

Soulignons que ce modèle a pour principe de ne pas faire confiance à l’être humain. Il conduit ainsi à déposséder l’enseignant de son rôle d’acteur de l’apprentissage pour en faire un objet de production « de compétences ».

Ne serait-il pas pertinent de vérifier l’hypothèse d’une démotivation des enseignants par cette transformation en objet, cette « aliénation ». Complémentairement, ce modèle choisi ne serait-il pas une des variables explicatives de contre-apprentissages chez l’apprenant. Car ce choix ne tient pas compte de la nécessité pour apprendre d’un « transfert » comme disent les psychanalystes. Combien d’élèves ont apprécié une matière parce qu’ils « aimaient » la façon dont le « prof. » l’enseignait et à contrario combien s’en sont écartés parce qu’ils n’appréciaient pas cette façon ?. Or le transfert est fondé sur une dimension affective. Il n’y a pas de transfert dans le contrôle et le jugement. Il n’y a de transfert que dans l’acceptation et la confiance.

Il existe d’autres modèles pourtant. Plus participatifs, ils donnent à l’élève et au professeur un rôle d’acteurs dans l’apprentissage. C’est le cas du modèle CAF (Cadre d’auto-évaluation des fonctions publiques inspiré du modèle d’excellence EFQM) fixé par l’Union européenne et à l’élaboration duquel l’Espace Qualité Formation de la Province de Liège situé à Seraing a contribué. Mais, sans même mettre en question le choix du pilotage – qui pourtant se discute, car chaque élément fait partie d’un tout et ici le choix participe à marchandiser l’enseignement – si la Communauté veut conserver un rôle de régulateur sans être opérateur, il existe bien d’autres solutions que celle du transfert à un OIP. Nous allons en envisager trois. Mais dans tous les cas, un refinancement de l’enseignement est indispensable. Et celui-ci, pour garantir l’intérêt général, ne peut être que public.

2. Refinancer l’enseignement

Avant d’aborder ces solutions, dans tous les cas, un refinancement de l’enseignement est indispensable. Et celui-ci, pour garantir l’intérêt général, ne peut être que public. Quant aux modifications apportées au niveau de l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles, aucun argument ne justifie que cet Enseignement ne puisse, alors qu’il est un enseignement public au sens organique du terme comme les autres enseignements organisés par d’autres pouvoirs publics, bénéficier des mêmes moyens que ces derniers (un parlement pouvoir organisateur avec un seul représentant responsable, une inspection et des conseillers pédagogiques spécifiques au réseau) au nom même du principe de l’égalité de traitement des usagers propre au obligations des administrations publiques.

3. Première option : régionalisation

La première solution concerne le transfert de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux régions (avec éventuellement une déconcentration par aire géographique pour donner plus de souplesse) qui pourrait constituer l’une de ces pistes. Un encouragement à la collaboration entre pouvoirs organisateurs publics, par des incitants attractifs, pourrait être une piste complémentaire.

4.Deuxième option : niveau de pouvoir et niveau d’enseignement

Une deuxième piste pourrait être la réorganisation de l’enseignement obligatoire en donnant un rôle plus important aux pouvoirs de proximité comme le proposait la thèse d’André Cools. Celui-ci était favorable à l’idée d’un niveau de pouvoir pour un niveau d’enseignement (le primaire aux communes et le secondaire aux provinces répétait-il ), rapprochant ainsi le citoyen, à travers ses représentants, de la fonction éducative dans l’enseignement obligatoire.

5. Troisième option : un enseignement obligatoire unique, public et pluraliste. Plus aucune subvention à l’enseignement privé.

Mais la solution future – et elle est inéluctable parce qu’elle s’inscrit dans le sens de l’histoire – sera un enseignement obligatoire unique, public (c’est à dire sous la responsabilité de représentants élus par les citoyens) et pluraliste, donc garant du libre choix de conscience des élèves et par là respectueux de la liberté de choix Constitutionnelle et du respect de la liberté de conscience de l’élève soumis à l’obligation scolaire, conformément à l’article 14 de la convention des droits de l’enfant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire