Mélanie Geelkens

Le hijab ne sépare pas que les sexes, il hiérarchise les femmes (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Une sacrée paire de voiles. Le port du voile est revenu au devant de l’actualité avec une motion à Molenbeek, comme à Schaerbeek qui vise à autoriser le port de signes convictionnels dans l’administration communale.

Au bord de la piscine, y avait 30 °C (depuis quand août et septembre se sont-ils interchangés ?) mais pas un chat, ni une chatte. Le monde folâtrait plutôt dans la vingtaine d’hectares alentours du domaine provincial liégeois de Wégimont. D’un côté, il y avait les hommes qui jouaient entre eux au foot, de l’autre, les femmes qui s’occupaient des enfants. Ils portaient des shorts. Elles portaient des voiles. Même certaines petites filles. 12, 10, 8 ans peut-être, en tuniques amples. Tant pis si elles avaient chaud, pas de maillot. Le vent qui se faufile dans les cheveux, un petit bonheur qui ne leur était pas autorisé.

Dans dix ans, ces fillettes-là devenues majeures, diplômées peut-être, manifesteront-elles comme celles qui s’étaient réunies à Bruxelles, début juillet dernier, avec leurs pancartes « mon hijab, mon choix » ? Possible qu’elles n’en auront plus besoin. Qu’après Molenbeek, toutes les administrations, toutes les écoles, toutes les entreprises, toute la société l’auront autorisé, ce bout de tissu qui n’en est pas juste un.

C’est pourtant ce qu’on dit beaucoup de lui, ces temps-ci. Juste une étoffe, pas pire qu’un tee-shirt avec Bouddha dessus. Pourquoi ils s’excitent comme ça, ces enragés de laïques ! Ils n’auraient rien capté, les acharnés de la neutralité. Ils ne comprendraient pas un choix personnel, une liberté, une croyance assumée, tous intolérants qu’ils seraient. Ils ne décèleraient pas, les partisans de la tête nue, un mouvement d’émancipation. Ah bon.

Que le féminisme blanc, occidental, aisé ne dicte pas au monde entier ses priorités, OK. Mais qu’il lui soit permis de ne pas soutenir ce qui n’est pas qu’un signe religieux (des milliers de musulmanes pratiquent sans le porter), mais bien la version rigoriste d’une foi.  » [Les femmes qui portent le voile] ont choisi une vision intégriste de l’islam, et de faire passer cette pratique pour quelque chose d’inhérent à l’ensemble d’une communauté « , dénonçait, en 2019, sur Europe 1 l’ex-journaliste de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui.

Binarisme réducteur

Qu’il soit autorisé aux (néo)féministes de ne pas adhérer à cette conception de la société où les femmes ne seraient que d’indécentes vulves sur pattes à absolument couvrir, et les hommes des verges sauvages incapables de réfréner leur lubricité à la moindre mèche de cheveux. Objets sexuels vs prédateurs : désolée de ne guère se retrouver dans ce binarisme réducteur. Qu’il soit même admis de penser que la sexualité n’a rien de sale, de honteux, de péché.

Le hijab ne sépare pas que les sexes, il hiérarchise les femmes. Entre les bonnes, les pieuses, les couvertes. Et puis les légères, les impures, les irrespectables. Entre celles qu’on épouse et celles qu’on méprise (mais qu’on baise peut-être quand même).  » Le voile divise notre société entre communautés de croyants et de non-croyants « , écrivait dans Le Soir début septembre le Collectif laïcité Yallah. Rappelant que la neutralité de l’Etat a précisément pour fonction de mettre sur un même pied d’égalité ceux qui croient ou pas, peu importe en qui ou en quoi.

Qu’il soit accepté qu’être contre le patriarcat, l’inégalité, le séparatisme, la soumission divine ne signifie pas s’opposer à une foi, ni à celles et ceux qui la pratiquent. Qu’il soit possible de dévoiler ses arguments sans être taxé de raciste, de paternaliste, voire d’antiféministe. Fallait l’oser, cette insulte-là ! Le féminisme s’est historiquement battu contre la religion qui, s’immisçant dans les affaires publiques, asservi d’abord les femmes. Ainsi soit-il encore.

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millions de vues sur TikTok, plus de 51 000 mentions sur Twitter : le hashtag #Lundi14septembre a été largement relayé, en France comme en Belgique. A cette date, des adolescentes avaient décidé de publier des photos d’elles en jupes, crop tops, décolletés… et de se rendre à l’école ainsi habillées. Un mouvement né pour lutter contre les jugements sexistes, après différents témoignages de jeunes qui s’étaient vu refuser l’entrée de leur école à cause de tenues jugées indécentes ou qui avaient fait l’objet de remarques de la part du corps enseignant.  » En tant que mère, je les soutiens avec sororité et admiration « , a tweeté la ministre française de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Pendant que son collègue en charge de l’Education, Jean-Michel Blanquer, affirmait  » qu’il suffit de s’habiller normalement « …

A bas l’oral ?

A l’Ecole normale supérieure de Lyon, tous les examens d’admission oraux ont été supprimés cette année, Covid oblige. Résultat : la part de femmes admises est passée de 60 à 71 %. Explication :  » Les filles adhèrent moins bien à la mise en scène de soi attendue à l’oral « , selon la sociologue Annabelle Allouch.

Tarif au poil

Il fut un temps où tous les hommes avaient des coupes de cheveux simples et les femmes des coiffures compliquées. Parce que  » la mode a changé mais pas la tarification « , un coiffeur suisse a décidé de mettre fin à cette discrimination et de pratiquer les mêmes prix pour les hommes et les femmes. Chez Avant-propos, à Lausanne, le tarif est déterminé par la longueur de la chevelure.  » Une cliente m’avait demandé pourquoi son copain, venu quelques jours plus tôt, payait 20 francs (19 euros) de moins qu’elle. Je n’ai pas trouvé d’explication « , raconte le patron, Nicolas Cettou, sur Swissinfo. Depuis cette nouvelle politique tarifaire, le salon a perdu des clients… mais gagné des clientes.

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