Nicolas De Decker

« Le CDH, une certaine idée de la simplicité »

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On attribue au philosophe médiéval franciscain Guillaume d’Ockham un principe logique si lumineux que ce n’est probablement pas lui qui l’a inventé : le rasoir d’Ockham. Aussi appelé principe de parcimonie, il constate que lorsqu’un phénomène donné peut s’expliquer par une hypothèse simple, il ne sert à rien d’y ajouter plusieurs explications compliquées.

On attribue aux politiques contemporains francophones un principe illogique si fumeux que probablement personne n’osera jamais penser qu’il l’a inventé : le couperet des médias. Aussi appelé principe de paranoïa, il postule que lorsqu’un phénomène donné peut s’exonérer par l’hypothèse complexe d’un complot médiatique, il ne sert plus à rien de se tracasser à justifier son comportement par des explications simples.

Au CDH, où l’on n’est plus franciscain que parce qu’on aime les bêtes et où les temps sont durs, on se laisse plutôt aller à la paranoïa qu’à la parcimonie. L’argument du couperet des médias étant pour l’occasion moins douloureux que le rasoir d’Ockham, chacun chez les humanistes voit désormais derrière le plus simple des tourments l’énième preuve du plus complexe des complots ourdi par des journaux assoiffés de sang d’orange.

Avancer, comme Joëlle Milquet, l’hypothèse complexe d’un complot mené contre elle par certains magistrats associés au Vif/L’Express plutôt que l’explication simple que le fait qu’une ministre d’Etat et inculpée fasse fouiller les boîtes mails de ses collaborateurs mérite d’être révélé, c’est préférer la paranoïa à la parcimonie.

Préférer la paranoïa à la parcimonie, […] c’est imaginer qu’on est encore haï, alors qu’on n’est même plus remarqué.

Suggérer, comme Maxime Prévot, l’hypothèse complexe d’un complot mené contre lui par certains journalistes plutôt que l’explication simple que le fait qu’un président de parti et parlementaire parte en vacances en dehors des vacances parlementaires alors que la session parlementaire bat son plein mérite d’être souligné, c’est préférer la paranoïa à la parcimonie.

Poser, comme Maxime Prévot, l’hypothèse complexe d’un complot mené contre la présomption d’innocence par certains médias plutôt que l’explication simple que le fait qu’un chef de groupe et bourgmestre abuse de dérogations récoltées dans une maison de repos mérite d’être dénoncé, c’est préférer la paranoïa à la parcimonie.

Formuler, comme certains CDH, l’hypothèse complexe d’un complot mené contre le CDH et sa ministre de l’Enseignement par un journaliste dominical plutôt que l’explication simple que le fait qu’une ministre de l’Enseignement et romaniste qui veut obliger les élèves à apprendre un peu de latin mérite que la ministre romaniste soit interrogée sur sa connaissance d’un peu de latin par un journaliste dominical, c’est préférer la paranoïa à la parcimonie. C’est choisir le couperet plutôt que le rasoir. C’est préférer l’explication complexe qui exonère plutôt que l’explication simple qui condamne. C’est, au fond, un vieux réflexe d’ancien dominant, l’argument du vieil homme qui pense encore avoir la complexion de ses 20 ans, c’est le type qui croit qu’il obsède alors qu’il n’est jamais vraiment regardé. C’est penser qu’on est encore craint, c’est imaginer qu’on est encore haï, alors qu’on n’est même plus remarqué.

Sauf quand, simplement, on foire.

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