César Botero González

La presse trop à gauche doit-elle se droitiser ou faut-il la droitiser ?

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

Il faut que la presse de gauche apprenne à se tenir convenablement et de préférence avant les élections du 26 mai 2019. Après, les instances compétentes verront si des mesures de « pluralisation » s’imposent. La liberté de la presse c’est bien, mais il ne faut pas exagérer. Il est temps de mettre fin à la récréation.

Les adeptes d’une certaine manière de faire de la politique attribuent les défaites à la faute des autres et les victoires aux mérites de leur parti. Ils le font avec autant de sérieux qu’ils finissent par s’en convaincre.

Le MR ne se remet pas des résultats électoraux du 14 octobre. Selon Louis et Charles Michel, ainsi que leurs partisans, parmi les responsables de cette mésaventure figurent les journalistes opposés à la politique du gouvernement et cela leur pose des problèmes ainsi qu’à leurs partis. Le père du Premier ministre, connu de tous pour son désamour des médias et des réseaux sociaux, l’a fait savoir dans l’Echo.

À la suite de ces déclarations, certains analystes, en service commandé, se sont lancé dans un réquisitoire contre la presse francophone dont voici les principales accusations avec mon commentaire :

La presse francophone est majoritairement à gauche.

En effet, selon une étude de l’Association des Journalistes Professionnels de 2013, les journalistes sont légèrement à gauche. Et alors ! Où est le problème ? Est-ce une tare ? La même enquête signale que ces journalistes veulent souligner la distance entre leurs choix politiques et leur métier (« Je garde mes distances » ou encore « ça n’a aucune influence sur mon travail »). Le choix (massif, plus de 46%) pour Ecolo est aussi très souvent tempéré par des commentaires du type « c’est un choix par défaut » ou « faute de mieux » ou encore « vu le contexte, ça pourrait changer » ».

Le fait d’être plutôt à gauche – il seraient plutôt de centre gauche – est présenté comme un élément à charge dans le procès du MR contre la presse. Son argumentaire se réduit à celui-ci : la presse qui s’oppose au gouvernement MR-NVA ne peut être que de gauche parce qu’elle s’oppose au gouvernement et en s’opposant au gouvernement elle a tort parce qu’elle est de gauche. Ce type de raisonnement autorise celui-ci : la presse de droite ferait pareil, mais elle aurait raison parce qu’elle est de droite et la droite est objective parce que… elle est de droite.

Faut-il expliquer où est l’erreur ? Lorsqu’on fait ce qu’en rhétorique on appelle des arguments circulaires, on finit par avoir la tête qui tourne et par ne plus savoir ce que l’on dit ni pour quoi on le dit.

L’important n’est pas de constater que les journalistes sont en majorité de gauche et leur reprocher ce droit, mais de se demander pourquoi sont-ils de gauche. C’est un travail qui n’intéresse la droite ni l’extrême droite.

Pire encore, la presse serait trop à gauche.

Mais qu’est-ce que c’est que d’être trop à gauche ? Il est facile d’expliquer que tel parti est trop à gauche par rapport à tel autre. En revanche, comment placer le curseur au bon endroit s’agissant des critiques d’un journaliste envers la politique du gouvernement ? Rien c’est rien. Mais un peu ou trop, c’est combien ?

Pour la droite décomplexée, un journaliste du Soir est peut-être un socialiste, « un ancien adorateur du PS », mais pour le PTB et le PS, ce même journaliste est plutôt de centre gauche, réformiste ou progressiste. Qui a raison ? Pour un conseiller communal MR, 1% des logements sociaux c’est déjà trop, pour le PTB qui demande 30% à Charleroi ou à Liège, 10% c’est trop peu. Qui a raison ?

Pas un édito favorable à NVA, tous contre.

Pourquoi diable, se demande la droite décomplexée, la NVA, premier parti de Flandre avec des ministres si populaires en Wallonie, n’aurait-elle pas un édito favorable de temps en temps ?

Pourquoi diable, se demande la droite décomplexée, la NVA, premier parti de Flandre avec des ministres si populaires en Wallonie, n’aurait-elle pas un édito favorable de temps en temps ?

Nous pouvons répondre avec deux questions. Pourquoi les raisons invoquées devraient-elles forcer ou animer les journalistes, légèrement à gauche, à faire l’éloge de la NVA et de ses ministres ? Pourquoi ne pas demander ce travail aux journalistes de la droite ou de l’extrême droite comme le journal « Le Peuple » du Parti Populaire ou à des journalistes partisans de la NVA ? Quoi qu’il en soit, je connais des militants MR qui écrivent dans la Libre Belgique pour demander à leur propre parti d’avoir le courage politique de s’inspirer de la NVA. Ce ne sont pas des éditos, mais la propagande est faite.

Les indignations sélectives

La presse de gauche est accusée d’ignorer le racisme anti juif et le harcèlement des femmes dans certains quartiers, que les accusateurs ne mentionnent pas. Il s’agit sans doute des quartiers dont une bonne partie de la population est d’origine étrangère. Nous ne savons pas si le but est d’accuser l’ensemble de la population maghrébine sous prétexte de défendre les juifs et les femmes.

C’est justement grâce aux médias de toutes les couleurs, et avec des intentions très éloignées les unes des autres, que j’ai appris, comme tout le monde, ce qui se passait dans ces quartiers de Bruxelles et d’autres régions du pays.

Concernant la création de 219000 emplois depuis l’entrée en fonction du gouvernement Michel et que la presse de gauche attribue à une conjoncture internationale, nul ne peut nier que tous les médias ont interprété et jugés différemment le gouvernement dans ce domaine. C’est le pluralisme. La paresse – un défaut de gauche ? – m’empêche de remplir cet espace avec des liens hypertextes pour le prouver.

Trois quarts de la population belge, selon le sondage « Noir, Jaune, Blues », est contre l’immigration, mais aucun édito ne va dans ce sens.

Que veut dire aller dans le sens de cette population anti-immigration ? Tout d’abord, c’est grâce au journal Le Soir et à la RTBF, deux de quatre commanditaires du sondage, que nous connaissons cette forte tendance de la population de même que les nombreux éditos, analyses et commentaires dans tous les sens qu’elle a suscités. Fallait-il que la presse à l’unisson écrive en faveur de Theo Francken et contre l’immigration ?

La réalité n’est pas décrite telle qu’elle est, mais telle que la presse voudrait qu’elle soit.

Et voilà la grande question qui agite la théorie de la connaissance depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’ à nos jours. Le problème de l’essence et l’apparence. Les grands philosophes nous disent qu’affirmer quelque chose, c’est dire l’apparence que les choses ont pour nous, mais on ne peut pas être sûr que ces choses sont telles qu’elles nous apparaissent. Et pourtant, un conseiller communal MR prétend connaître la réalité, telle qu’elle est au lieu de celle qu’il voudrait qu’elle soit.

Non, nous ne connaissons pas la réalité telle qu’elle est. Surtout pas en politique. Chacun a sa vérité bien que souvent elle puisse coïncider avec celle d’autres. Nos vérités sont déterminées par de multiples facteurs qui varient d’une personne à l’autre. Pour les gens de gauche, un chômeur est une victime du néolibéralisme, pour les gens de droite, le même chômeur est un profiteur. Ce qui est de la fraude fiscale pour la gauche est de l’optimisation fiscale pour la droite. Pourquoi ces visions différentes ?

Il est anormal que la presse subsidiée affiche le même point de vue.

Quand la presse critique l’action gouvernementale faut-il lui envoyer un avertissement avant de lui retirer les subsides si elle n’obtempère pas ?

Cela dit, la presse n’est pas libre de toutes critiques. Elle peut et doit être critiquée, mais lui reprocher d’être de gauche, de « s’opposer unilatéralement » au gouvernement, de ne pas écrire des éditos en faveur de la NVA, de Theo Francken et sa politique d’immigration ce n’est pas oeuvrer pour une presse libre et pluraliste. C’est suivre le mauvais exemple de Donald Trump pour qui « la presse et l’ennemi du peuple » par le seul fait de critiquer le gouvernement.

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