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La Flandre en jaune et noir se met au vert

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Malgré l’un ou l’autre faux pas, la magie N-VA opère toujours. Le parti de l’hyper-populaire Bart De Wever maintient son emprise sur une scène politique flamande gagnée elle aussi par une poussée de fièvre écologiste et qui préfère toujours l’extrême-droite à la gauche ultra.

Il a gagné son pari et cela en dit beaucoup sur l’état de santé de son parti. Six ans après s’être offerte à lui, Anvers reste à Bart De Wever, plus que confirmé à la tête d’une N-VA incontournable dans la cité portuaire avec 35,39 % des voix et un statu quo en sièges (23) par rapport à 2012. BDW superstar qui, du haut de ses 76.702 voix de préférence, écrase la concurrence, à commencer par celle du rival CD&V Kris Peeters qui pourra terminer son mandat de ministre au gouvernement fédéral en oubliant au plus vite le fauteuil maïoral, tant sa défaite est nette.

Bart De Wever peut aussi être fier de ses lieutenants, des locomotives de son parti au gouvernement fédéral. Elles ont répondu aux attentes : Jan Jambon à Brasschaat, Zuhal Demir à Genk, Steven Vandeput à Hasselt, Théo Francken à Lubbeek, ont écrit autant de « success story ».

Voilà pour la N-VA qui rit et qui respire après des sondages qui lui prédisaient une chute sévère, notamment dans la foulée de l’affaire « Schild & Vrienden » et du flirt troublant qu’elle révélait entre le parti nationaliste flamand et de jeunes milieux gagnés par le racisme et la xénophobie. Mais il y a aussi une N-VA qui se plante et passe lourdement à côté de son sujet à Gand, à Bruges (- 8,1% des voix), à Courtrai (- 5,1%), à Malines ou à Ostende, la cité de l’indéboulonnable sp.a Johan Vande Lanotte, et qui ne parviendra pas à forcer les portes du pouvoir à Louvain où un autre sp.a, l’octogénaire Louis Tobback, peut tirer sa révérence avec le sourire. C’est la N-VA qui souffre et qui encaisse à l’échelle de la Flandre : ses performances aux élections provinciales appliquées à la configuration du Parlement flamand issu des urnes de mai 2014 lui feraient perdre onze sièges de députés, selon des extrapolations de la KUL.

Même pas peur. La terre de Flandre n’a pas tremblé ce dimanche et la formation nationaliste n’a pas senti le sol se dérober sous ses pieds. Le 14 octobre 2019 révèle bien plus une usure du pouvoir compréhensible, la rançon de la surexposition du premier parti de Flandre aux coups de projecteur et à sa propension à défrayer la chronique. Mais de flagrant désaveu, il n’en a pas été question. La N-VA confirme dans ses places fortes, ses faux pas ici et là sont davantage liés aux enjeux locaux qui ont dominé ce scrutin communal en Flandre. Il reste tout de même à digérer la déception de ne pas avoir su réellement entamer l’ancrage local d’un CD&V qui se maintient globalement. Mais cette ambition-là, Bart De Wever lui-même n’osait imaginer pouvoir la satisfaire.

L’extrême-droite plutôt que la gauche radicale

Alors, qui pour ébranler sérieusement le parti nationaliste flamand dans sa course en tête, au point d’y semer de premiers véritables doutes ?

La Flandre issue de ces urnes garde globalement le cap à droite, elle ne tourne pas le dos à sa frange extrême puisque le Vlaams Belang, dans la plupart des villes, redresse la tête et réussit en tout cas à la garder hors de l’eau. Il gagnerait même onze élus au Parlement flamand – ceux que perdrait la N-VA ? -s’il faut en croire les extrapolations réalisées à partir du scrutin provincial. Cette même Flandre persiste aussi à ne pas se jeter dans les bras de la gauche radicale : il se confirme que le PVDA, en dépit de belles progressions, malgré trois fois plus d’élus locaux et des entrées dans plusieurs conseils communaux (comme à Gand), n’est décidément pas le PTB et ne réalise pas les percées de ses ailes wallonne et bruxelloise.

Le vent nouveau qui fait frissonner la N-VA dans les hauteurs s’est pourtant levé du même côté que celui qui décoiffe le sud du pays et singulièrement la région bruxelloise. L’écologie cartonne, Groen revit et Groen ravit le leadership de la gauche flamande à des socialistes en recul souvent prononcé. Troisième formation de Flandre dans de nombreuses communes, deuxième parti anversois à défaut de pouvoir sans doute transformer l’essai par une entrée dans la future majorité pendue au bon vouloir de Bart De Wever, le pendant flamand d’Ecolo se consolera aisément en savourant ce moment : la Flandre qui se voit toujours en jaune et noir s’est aussi mise au vert.

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