Carte blanche

L’aide à la création radiophonique vampirisée par le Ministre Marcourt

La création radiophonique belge francophone est une des plus inventives et singulières dans le paysage européen. Depuis de nombreuses années, les oeuvres de nos auteur.trice.s. sont récompensées dans les plus grands festivals mondiaux. Si cette créativité s’est déployée avec tant de force, c’est grâce au soutien d’un outil essentiel, unique en Europe : le Fonds d’Aide à la Création Radiophonique (FACR).

Or, le 12 décembre dernier, le Ministre Marcourt a octroyé de manière discrétionnaire pour les quatre années à venir, 32,5% de ce Fonds à la SCRL maRadio.be : filiale de la RTBF créée par elle et les Groupes RTL/Contact et FUN en 2013.

C’était la veille de Noël nous direz-vous…

Mais voilà, cette dotation aussi inexplicable qu’inexpliquée à l’heure où nous écrivons ces lignes, a une conséquence très concrète. Elle prive le Fonds d’Aide à la Création Radiophonique des moyens nécessaires à la conduite de sa mission essentielle : l’aide à la création radiophonique

Pour mieux comprendre la véritable déflagration que représente cette décision, un petit rappel historique s’impose.

En 1991 est créé par décret le F.A.C.R de la Communauté française de Belgique. Son financement est aussi simple qu’astucieux : en contrepartie de l’autorisation d’insérer de la publicité commerciale dans leurs programmes, la RTBF et les réseaux commerciaux doivent désormais participer financièrement à la promotion et au développement de la création radiophonique.

A partir de 2001, outre l’aide aux projets de création radio – documentaires, fictions, créations musicales et magazines culturels -, le FACR va également financer l’Atelier de Création Sonore et Radiophonique. Cette structure d’accueil encadre et forme des auteur.trice.s, assure la promotion de leurs oeuvres, organise des festivals et des écoutes publiques…

La mise en route effective du financement du FACR fut difficile. Il fallut 18 années pour que l’ensemble des radios commerciales y contribuent. En 2009, ces nouvelles recettes permirent au gouvernement d’allouer des subsides aux radios associatives.

Le paysage de la création radiophonique se construisait avec intelligence et vision.

Mais, rapidement, un nouvel enjeu apparut : la transition numérique dont un décret de 2012 intègrera le soutien comme nouvelle mission du FACR. Année après année environ 42% de ses recettes sont systématiquement mises de côté et semblent comme gelées…

« C’est l’argent du DAB+… » nous disait-on.

L’intention était louable mais la transition numérique radiophonique, ne fut jamais définie. On aurait pu s’attendre à ce que son financement par le FACR concerne la réalisation de podcasts natifs ou les frais de fonctionnement de la radiodiffusion numérique des radios indépendantes.

Rien de tout cela ne sera plus possible, puisque le cadeau fait par le Ministre Marcourt à la RTBF et aux plus gros réseaux de radios commerciales alloue la totalité des ressources du FACR destinés à la transition numérique à un unique opérateur et ce jusqu’au 1 janvier 2023

Un tel cadeau est incompréhensible eu égard aux plus de cent millions de dividendes payés aux actionnaires luxembourgeois et français de ces deux réseaux depuis 2009. Et il est inaceptable que le tiers de la contribution de la RTBF et des réseaux commerciaux aux recettes du FACR soit « renvoyé aux expéditeurs » via une société commerciale qu’ils contrôlent.

De plus, pour créer les contenus qui font la richesse du paysage radiophonique, il faut des oeuvres. Or, l’enveloppe consacrée à l’aide aux projets n’a pas été augmentée. Depuis 2011 cette aide plafonne aux alentours de 330.000 €. En 2019, elle est redescendue à 321.000 €.

Faute d’ajustement des moyens financiers, l’économie de ce secteur est largement précarisée. Il ne manque pourtant pas de vitalité comme en attestent les multiples récompenses remportées par nos auteur.trice.s.

Il était possible de rééquilibrer le budget du FACR. Il y avait les marges budgétaires pour lui permettre de réaliser pleinement ses missions originelles. Mais, au lieu de poser ce choix politique, il y a quelques mois, M. Marcourt, notre ministre des médias a choisi d’attribuer à la SCRL maRadio.be 32,5 % des recettes du FACR pour les 4 années à venir (soit un peu plus de 2 millions d’euros prévus par leur convention.) Ceci dans la plus grande opacité, tant au niveau de la procédure d’attribution que des objectifs fixés en contre partie, et cela sans aucune consultation des instances d’avis.

Alors nous posons les questions suivantes:

Ne devrions-nous pas exiger de Monsieur Marcourt, ministre des médias, de s’imposer la même discipline que le ministère de la culture où les financements discrétionnaires du seul chef d’un ministre sont désormais rendus impossible par la récente entrée en vigueur du décret sur la gouvernance culturelle?

Pourquoi restituer à la RTBF et aux réseaux commerciaux une partie importante de leurs propres contributions au financement du FACR?

Que signifie ce choix qui prive le Fonds d’aide du tiers de son budget au profit d’une société constituée par les plus grosses radios commerciales qui engrangent chaque année plus de profits ?

Comment se fait-il qu’il n’y a eu aucun appel public et que ce soutien considérable ait été décidé sans aucune consultation ni du CSA ni de la Commission Consultative du FACR?

Suite à ce choix inexplicable, la mission la moins financée par le Fonds d’aide à la création radiophonique se trouve être celle de… la création radiophonique. N’y a t il pas là un dysfonctionnement ?

Dysfonctionnement d’autant plus choquant que chaque oeuvre créé grâce à l’aide du FACR s’élabore avec l’apport de multiples professionnels : scénaristes, réalisateur.trice.s, comédien.ne.s, preneur.euse.s de son, monteur.euse.s, mixeur.euse.s,musicien.ne.s…

Pourquoi la Fédération Wallonie-Bruxelles ne choisit-elle pas d’utiliser les ressources disponibles pour lutter contre le chômage de nos artistes et créateurs ?

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires nous souhaiterions avoir des explications.

L’ASAR (l’AsSociation des Auteur.trice.s , réalisateur.trice.s, producteurs.trice.s Radio)

et l’ASBL Airs Libres

Avec le soutien de

La CRAXX (Coordination des Radios Associatives et d’eXXpression)

PRO SPERE, Fédération d’associations professionnelles d’auteurs.trices qui rassemble: La SACD, La SABAM, La SCAM, l’Association des Réalisateurs et Réalisatrices de Film (ARRF), l’Association des Scénaristes de l’audiovisuel (ASA), L’Union des Artistes de Spectacle (UAS), l’AsSociation des Auteurs, réalisateurs et producteurs Radio (ASAR) et Cinéma Wallonie

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