Des enfants du Soudan du Sud dans un camp de déplacés. © REUTERS

Hussein, ou l’inconsolable exil

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Originaire du Soudan du Sud, Hussein a fui son pays en proie à la guerre civile. Il sait qu’il y a peu d’espoir qu’il revoie un jour les siens. Les choses sont claires, la  » loi  » des migrants veut que  » quand on prend la décision de faire la traversée, ce n’est pas pour revenir en arrière « .

Mardi matin, 11 heures. Après avoir tambouriné plusieurs minutes à la porte de la maison où est hébergé Hussein, le jeune Soudanais à la fine silhouette nous accueille. Nous l’avons extirpé de son sommeil. Tourmenté, Hussein veille une bonne partie de la nuit et récupère la journée. Originaire du Soudan du Sud le jeune homme de 30 ans a fui son pays en proie à la guerre civile.

Sa vie n’a été jusqu’à présent qu’exil. Après avoir vécu longtemps dans le Sahara, il rejoint la Libye où il subit vols et maltraitance. Il prend alors la décision de rejoindre l’Europe.

Des trois bateaux de fortune qui se sont élancés ce jour-là des côtes libyennes, seule son embarcation est arrivée à bon port en Sicile où il a été recueilli par la Croix Rouge. « Les personnes qui étaient sur les deux autres bateaux pneumatiques sont mortes« , relate-t-il. De là, il passe en France, via Vintimille, point de transit de nombreux migrants, pour aboutir dans le camp humanitaire de la Porte de la Chapelle, à Paris. Un choix par défaut, la « jungle » de Calais ayant été démantelée à l’automne 2016. Dans le camp situé sur le bord du périphérique parisien règne une tension permanente. Il décide de faire une demande d’asile.

Le gouvernement français l’envoie alors dans un centre des environs de Toulouse où il restera quelques mois. « L’ambiance n’était pas bonne, il y avait beaucoup de problèmes entre les migrants de nationalités différentes. J’ai décidé de rejoindre la Grande-Bretagne « . Il arrive en Belgique et, au parc Maximilien, il rencontre Mahmoud, un autre migrant inculpé dans le procès. C’est lui qui l’entrainera dans sa quête obsessionnelle de passer la Manche. « Go to chance« , « partir pour la chance « , était leur ritournelle à chaque tentative nocturne, leur mot d’adieu aux bénévoles qui les avaient aidés et hébergés, quitte à repartir de zéro le lendemain. Comme aux autres prévenus de ce procès, on lui reproche d’avoir essayé de faire passer des personnes en Angleterre et d’avoir empoché de l’argent, même des petites sommes dans ce but. Ce qu’il dément avec virulence : « Quand la police m’a arrêté, je n’avais qu’un sac à dos avec mes affaires, un sac de couchage et de la nourriture, jamais de l’argent », se défend-il, désemparé.

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Image d’illustration: Le « Centre d’Accueil et d’Orientation pour migrants » de Saint-Brevin-les-Pins près de Nantes, en France. © REUTERS

D’un abord enjoué, on ne perçoit que plus tard la sensibilité à fleur de peau de Hussein dans son regard. Quand il évoque sa famille, le jeune Soudanais craque, se recroqueville sur lui-même. Il a laissé dans son pays, en proie à la famine et à une guerre civile impitoyable, ses proches, éparpillés, dont un frère jumeau. Ses seuls contacts avec eux se font via les réseaux sociaux. On sent en lui un véritable déchirement. Car dans sa tête, il y a peu d’espoir qu’il les revoie un jour. Les choses sont claires, la « loi » des migrants veut que « quand on prend la décision de faire la traversée, ce n’est pas pour revenir en arrière ». « You cross the sea, you don’t go back », assène-t-il dans un anglais au fort accent. La prison, la torture, voire la mort l’attendraient sous la dictature soudanaise. « Autant mourir avant« , lâche-t-il. Les larmes lui montent aux yeux. Hussein se lève, se réfugie dans la cuisine se préparer un café. Quand il réapparait, c’est sanglotant et muré dans un silence lourd de sens. Ereinté par l’entretien, il préfère qu’on en reste là.

Hussein est depuis janvier 2018 en détention préventive, il a passé 8 mois à la prison de Termonde, « une période très difficile » dont on devine qu’il ne veut pas trop parler. Il est actuellement sous bracelet électronique. Il aimerait demander l’asile en Belgique où il trouve que les conditions de vie sont meilleures qu’en France.

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