Carte blanche

Face à la Covid-19, changeons d’urgence notre paradigme! (carte blanche)

Pour freiner les méfaits du virus, il est essentiel de prendre en charge les patients à temps et de les traiter le plus vite possible: il faut soutenir la médecine de première ligne, plaide le docteur Martin Zizi, biophysicien, professeur de physiologie, ancien Directeur épidémiologiste du Département de la Défense.

Par deux fois, les hôpitaux et services de soins intensifs se sont retrouvés débordés. Dans le même temps, la médecine de première ligne était quasiment mise à l’arrêt. Cela a-t-il du sens ? Aucun ! Comment en est-on arrivé là ? Comment faire pour changer la donne face à l’arrivée de nouveaux variants et gagner la course contre la montre ? C’est le but de cette lettre ouverte.

Pourquoi a-t-on tué la médecine de première ligne ? De nombreuses personnes symptomatiques (avec toux, fièvre, expectorations, troubles gastros, douleurs aux articulations) se retrouvent, dans un premier temps, livrées à elles-mêmes. Au mieux, leur propose-t-on de faire un test et de rester chez elles. Isolées pendant une semaine et ne bénéficiant d’aucun soin approprié, ces personnes se dégradent rapidement et infectent leurs proches. Au bout d’une semaine, parfois deux, elles prennent alors le chemin des urgences ou des soins intensifs. C’est ici qu’un médecin les examine enfin et écoute leurs poumons. Mais il est souvent très tard… trop tard ! Est-ce cela la médecine ? Va-t-on attendre une troisième, voire une quatrième vague, et tout le cortège des destructions humaines, sociales et économiques… pour agir ?

Ma recommandation est simple et concrète : face à la COVID-19, il est essentiel de prendre en charge les patients à temps et de les traiter le plus vite possible ! Or, aujourd’hui encore, on demande aux malades d’attendre que les symptômes passent. On ne les prend donc pas en charge. Je regrette vivement que la Santé publique ait bloqué la médecine de famille en conseillant aux praticiens – spécialement durant la première vague, mais cela reste d’actualité, du moins pour une part – de consulter par Zoom (Note de Sciensano de mars 2020). Mon intention n’est certainement pas de critiquer mes confrères qui font un travail formidable, mais de pointer un lourd problème : celui du temps qu’on perd face au virus. Je regrette également que la Santé publique se soit focalisée sur la logistique des tests et le dispatching des patients entre les centres de tri et les hôpitaux (Notes de Sciensano de mai, juin et juillet 2020 ; ces directives sont toujours d’application).

Mon jugement est sévère : on a voulu soigner des chiffres non des gens. Prendre en charge, cela ne veut pas dire traiter les symptômes avec du paracétamol, des anticoagulants, ni même de l’oxygène… Prendre en charge, je m’en expliquerai plus loin, cela veut dire prescrire des antibiotiques. Or, ils sont absolument absents ! Et c’est là tout le problème.

La mise à l’arrêt de la médecine générale est à la base de l’engorgement des hôpitaux et de bien des décès. La vraie mesure du risque vital en ce qui concerne SARS-2 – donc la COVID-19 – n’est pas le nombre de tests positifs ou négatifs, ni même le nombre de décès (le Case Fatality Rate) qui nous renseigne aussi, et peut-être d’abord, sur l’efficacité de la logistique médicale. La mesure du danger est le taux de mortalité global mesuré au sein d’une population. Au début de la pandémie et dans les mois qui ont suivi, certains experts ou analystes ont avancé des taux de létalité considérables – on parlait alors de 3,8 % ou même de 6 % de létalité. Tout cela n’était pas réaliste, et n’a fait, malheureusement, que susciter la peur et la panique au sein des populations. Rapporter le nombre de morts au nombre de personnes dépistées positives s’avère très trompeur et inutilement anxiogène. Pour connaître la gravité d’une maladie, on privilégiera, comme le fait l’OMS, le ratio infection-létalité (IFR). Cette valeur critique – la seule valable pour mesurer le risque vital et prendre les décisions éclairées et adaptées à la situation – a été calculée maintenant plus de 60 fois un peu partout dans le monde. Faisant chaque fois l’objet d’une publication dans des revues médicales de référence, le taux de mortalité globale se situe toujours entre 0.2 % et 0.5 % – ceci indépendamment du lieu de mesure ou des méthodes utilisées. En résumé, nous sommes au niveau voire, parfois, plus bas que certaines grippes… Cette affirmation est vérifiable[i] ! Elle est scientifiquement fondée. Ce n’est pas du déni. Pourtant, des gens meurent – et en nombre, impossible de le nier.

Dans le présent texte, je souhaite m’adresser à tout le personnel soignant, à tous mes confrères, c’est-à-dire aux médecins, infirmiers, aides-soignants, kinés, psychologues… en bref, à tous ceux qui, de près ou loin, y compris lorsqu’ils ou elles sont encore aux études, ont fait profession d’aider les autres et de soigner. Nous avons tous prêté un serment : celui de ne pas nuire (« Primum non nocere « ). Le serment d’Hippocrate n’est pas une parole en l’air : il représente le pacte fondateur sur base duquel nous soignons nos patients – « bon » ou « mauvais » citoyens, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, que nous partagions leurs vues et opinions ou non, tout ceci par-delà les questions de genres ou d’identité.

Arrêtons d’être obnubilés par les chiffres de la peur… Chers confrères, nous savons qu’il faut un transfert de 10 000 particules du virus HIV pour avoir un risque d’infection. Pour l’Hépatite B, 10 particules suffisent. Raison pour laquelle les moustiques peuvent transmettre l’Hépatite B, mais pas le VIH. Pour SARS-2, le nombre de particules – calculé sur cultures cellulaires – se situe entre 10 000 et 100 000, voici pourquoi mesurer la présence du virus via tests PCR – un virus qui ne cesse de circuler chez des hôtes humains et non-humains – n’est pas la vraie mesure du risque. Seuls les virus infectants qui restent dans notre corps en concentration suffisante nous font courir un risque.

Ayons conscience que SARS-2 fait des allers-retours entre nous et presque tous les mammifères[ii]. Partant, quel bénéfice sanitaire y a-t-il à tirer en isolant les gens ? Aucun ! Au contraire ! Qu’on pense à l’abattage de millions de visons infectés au Danemark[iii] ou à la fermeture de nombreux abattoirs. Croyez-vous que les bouchers de tous les pays ont une propension génétique à être plus sensibles à SARS-2 ? Bien sûr que non : le virus est tout simplement présent chez le bétail. Le virus se trouve aussi chez les chats et chiens[iv]. Allons-nous continuer dans cette voie et tuer tous les veaux, vaches, cochons, brebis ?

Dans ce contexte, comment retrouver le chemin de la sérénité ? Une chose est sûre : il faut impérativement s’occuper des patients dans les 48 à 72 heures après l’apparition des premiers symptômes. Après, il est trop tard. Chers confrères, vous avez la culture, la pratique et la passion de soigner – informez-vous et consultez la littérature scientifique, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui. Alors même que le taux de mortalité de ce virus est très faible – comme le montrent toutes les mesures consultables et comme l’a pointé l’OMS -, beaucoup de gens décèdent, car ce virus est extrêmement dangereux si on ne s’en charge pas à temps ! Le temps : c’est sur cet aspect du problème qu’il faut changer notre paradigme.

Pourquoi meurt-on de la COVID-19 ? Le premier danger est le décours de la maladie, non le virus lui-même. Pourquoi ? Ce virus, comme tous les virus, amène des bactéries, et contrairement à d’autres virus de cette famille, le rhume par exemple, avec SARS-2 tout va très très vite. Entre les premiers symptômes sérieux et l’obstruction sévère des bronches ou les surinfections bactériennes, il n’y a parfois guère plus de 48 heures ! C’est très court pour agir. Partant, demander aux malades symptomatiques de rester confinés en attendant un test ou le résultat d’un test ; leur demander de s’isoler pendant sept jours (chiffre purement arbitraire, du reste), c’est comme jouer à la roulette russe. Rappelons-nous ce qu’a vécu Sophie Wilmès : son auto-isolement suite à l’apparition des premiers symptômes et, finalement, son éprouvant passage aux soins intensifs. En d’autres termes, en isolant les personnes, on donne l’avantage à un virus qui crée, de façon extrêmement rapide, des complications sévères voire fatales. Toutes les données sont concordantes.

Pourtant, la COVID-19 n’est pas Ebola ! Alors que faire ? Comme vous le savez, un virus respiratoire s’attaque à nous en plusieurs étapes. Tout d’abord il rentre dans nos bronches via nos narines et/ou notre bouche, par la muqueuse oculaire également. Ensuite, il s’attache aux cellules bronchiques et y rentre petit à petit. Il fait alors deux choses : d’une part, il crée des bouchons dans nos bronches en détruisant nos cellules, d’autre part, il se reproduit. Des bactéries s’invitent alors et profitent du virus pour nous infecter à leur tour. Puis le virus crée une réaction immunitaire. Enfin, il va de plus en plus profond, arrive aux alvéoles, puis passe dans le sang. À ce moment-là le virus peut provoquer quasi n’importe quel symptôme, car nous avons affaire à une septicémie virale, et, bien souvent, bactérienne, et nous avons besoin d’une aide médicale lourde et de soins intensifs. Or, à chacun de ces stades, nous avons les moyens d’agir.

Masques, visières, et autres gants offrent une protection très satisfaisante. Inutile de se transformer en cosmonautes pour traiter nos patients. Car, je le répète, il est crucial de soigner les gens et de remettre les stéthoscopes sur les thorax. Changer de paradigme, c’est aussi explorer de nouvelles voies ; car force est de reconnaître que le vaccin ne s’annonce pas comme le remède miracle que certains ont voulu nous vendre. Nos experts, à l’instar de l’OMS, ont récemment expliqué que le vaccin ne serait pas suffisant pour vaincre la COVID-19. Explorer de nouvelles voies, c’est aussi reprendre le chemin de médicaments qui existent et ont fait leurs preuves – rien à voir avec l’expérimentation de la chloroquine qui n’a jamais été prévue dans cette situation clinique.

Les plus anciens se souviennent de l’amantadine, cette molécule utilisée contre la grippe durant les années 1970-1990. Elle agit en empêchant la formation de bouchons bronchiques. Le virus de la grippe y est devenu résistant. La bonne nouvelle, c’est que cette vieille molécule a été étudiée et essayée contre SARS-2 : les résultats sont excellents. Elle se lie à la bonne protéine de SARS-2[v], et, prescrite d’emblée (c’est important), elle diminue les bouchons bronchiques[vi]. La survie monte à près de 97 % chez les utilisateurs[vii]. En outre, une étude de qualité[viii] rapporte 100 % de survie chez 22 patients COVID-19 âgés et présentant tous des comorbidités. Pourquoi et comment ces patients ont-ils survécu ? Par magie ? Pas du tout ! Car ils avaient la maladie de Parkinson ou d’autres troubles neurologiques, et recevaient à cette fin de l’amantadine de façon continue. Face à leur infection par SARS-2, l’amantadine a joué son rôle protecteur. Cette information, bien plus que les chiffres journaliers des tests PCR, devrait faire la « une » des journaux. Nul besoin de faire de longues études cliniques pour confirmer l’efficacité de l’amantadine. Ce médicament – un antiviral – est toujours prescrit en France de façon courante, mais a été retiré du marché en Belgique où certains continuent de l’utiliser en médecine vétérinaire. Face à un vaccin dont les succès de demain sont (encore ?) très incertains, ma recommandation est ici : qu’avons-nous à perdre à réutiliser l’amantadine comme nous le faisons par le passé ?

Changeons notre paradigme ! Oui il est urgent de prescrire des antibiotiques ; urgent de prescrire de la péniciline ! Quand un patient se présente avec des expectorations, nous savons qu’il risque la surinfection. Pourquoi ne pas prescrire d’emblée des antibiotiques ? Nous savons tous que les antibiotiques sont inefficaces contre les virus. Raison pour laquelle l’INAMI et les autorités de la Santé ont découragé les prescriptions en aveugle. Mais en cas d’épidémie grave ou de pandémie, une pratique courante est de traiter d’emblée avec antibiotiques, ceci sans même chercher à savoir si une bactérie est présente ou non. Le Dr Fauci a lui-même publié un papier classique à ce sujet en 2008[ix], lors de la fameuse pandémie de grippe A (H1N1), car la mortalité des virus respiratoires est liée principalement aux infections bactériennes. Pourquoi ce qui valait en 2008 est-il devenu tabou en 2020-2021 ? Chercher à démontrer la présence des bactéries qui surviennent dans 80 % des cas est une perte de temps et permet au virus de gagner la course contre la médecine. En outre, dans la mesure où l’immense majorité de la population (90-93%) n’aura pas de symptômes et que seule la moitié des 7-10% restants aura des complications graves… le risque de créer une éventuelle résistance aux antibiotiques en traitant 3 à 5 % des gens est un faux problème.

Il est très dangereux de fonder notre réponse à la COVID-19 sur le « tout vaccin » ; la vaccination n’est qu’une réponse parmi d’autres. Mes chers confrères, nous avons les moyens de vaincre la COVID-19. Nous devons être plus rapides que le virus ; ne pas le laisser prendre nos poumons de vitesse. Aucune administration n’a prêté le serment d’Hippocrate.

Aucune institution n’a l’empathie ni la connaissance personnelle des patients. Nous devons rétablir au plus vite la médecine de première ligne et soigner les gens : les écouter, les ausculter, les traiter en utilisant tous les moyens possibles ; les prendre en charge de manière thérapeutique dès l’apparition des premiers symptômes. Le triage n’aide personne, mais contribue aux décès. Nos collègues hospitaliers abattent un travail considérable dans des conditions très difficiles : aidons-les. Les structures et les autorités ne soignent pas, au mieux elles font de la logistique… Personne ne poursuivra jamais un médecin pour avoir sauvé des vies. Agissons ensemble !

Pr Dr Martin ZIZI, MD, PhD, Biophysicien, Professeur de physiologie, ancien Directeur épidémiologiste du Département de la Défense, ancien Directeur scientifique et Président du Comité d’éthique

Primum Non Nocere!

[i] John P.A. Ioannidis, « Infection fatality rate of COVID-19 inferred from seroprevalence data », Bulletin of the World Health Organization, 14 October 2020: https://www.who.int/bulletin/online_first/BLT.20.265892.pdf.

[ii] Voir notamment : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3323218, ainsi que https://www.forbes.com/sites/williamhaseltine/2020/06/23/covid-19-ping-pong-animal-to-human-human-to-animal-animal-to-human-transmission-how-great-a-danger/?sh=4924c5cf22f4.

[iii] Voir : https://www.bbc.com/news/world-europe-54893287.

[iv] Voir: Jianzhong Shi et al., « Susceptibility of ferrets, cats, dogs, and other domesticated animals to SARS-CoV 2 », Science, 29 May 2020, vol. 368, issue 6494, p. 1016-1020; Byron E. E. Martina et al., « SARS virus infection of cats and ferrets », Nature 425, 915 (2003).

[v] L’amantadine se lie et peut bloquer la protéine de SARS2 responsable de la fusion et de la destruction des cellules bronchiques. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7182751.

[vi] L’amantadine est efficace sur patients COVID-19. https://www.semanticscholar.org/paper/Observational-study-of-people-infected-with-treated-Aranda-Abreu-Aranda-Mart%C3%ADnez/7c6eeba0414da3489a2b052b21c325eb9bcc1fc3.

[vii] Une étude démontre l’efficacité de l’amantadine contre COVID-19. Voir figure 3 : les données sont claires, mais les auteurs n’en parlent pas… https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.10.13.20211797v1. Une autre étude pointe l’utilisation, avec succès, de l’amantadine pour éviter des hospitalisations : https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs43440-020-00168-1.

[viii] Efficacité totale de l’amantadine chez des patients âgés présentant des troubles neurologiques : https://www.msard-journal.com/action/showPdf?pii=S2211-0348%2820%2930239-X.

[ix] Citation du Dr Fauci en 2008. Propos tenus dans le contexte de la grippe, mais qui restent vrais pour TOUTE pandémie respiratoire. « If the next pandemic is caused by a human-adapted virus similar to those recognized since 1918, we believe the infection is likely to behave as it has in past pandemics, precipitating severe disease associated with prevalent colonizing bacteria », J Infect Dis, 2008 October 1, 198(7), p. 962-970.

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