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Entre effarement et confiance, l’horeca bruxellois accuse le coup de la fermeture

À partir de jeudi, tous les cafés, bars et salons de thés de la région bruxelloise devront fermer leurs portes pour un mois. Une mesure forte pour enrayer la propagation du nouveau coronavirus dans la capitale, pas forcément bien comprise par le secteur, qui s’interroge notamment sur la distinction avec les restaurants autorisés, eux, à rester ouverts.

« Je suis effarée », réagit d’emblée Liza Miller, gérante du bar Le Pantin à Bruxelles et membre de l’Union de l’horeca bruxellois. « La plupart des bars respectent exactement les mêmes règles que les restaurants, je ne comprends pas cette différence de traitement », ajoute-t-elle.

Un tout autre son de cloche retentit auprès de la Fédération Horeca Bruxelles, soulagée que les mesures ne visent pas les restaurants. « On a eu très peur qu’ils doivent fermer, il faut éviter à tout prix un nouveau confinement », déclare Philippe Trine, président de la fédération.

Selon lui, les restaurants ont consenti à d’énormes investissements pour permettre le respect de protocoles sanitaires stricts et « toutes ces mesures ne sont pas forcément prises dans les cafés. Et même quand elles sont prises, (il est estimé) que l’ambiance et l’alcool ne favorisent pas leur respect« , explique-t-il. Liza Miller, gérante du Patin, souligne, de son côté, avoir condamné une table sur deux et imposé le port du masque lors des déplacements, parmi d’autres mesures. La fermeture pour un mois est une « catastrophe » pour elle.

Philippe Trine admet que la situation est très dure pour les cafés et bars bruxellois, qui se trouvent dans une « détresse économique et financière« . « Ils ont déjà, dans tout le pays, de très grandes difficultés à remonter la pente depuis le lockdown. Mais à Bruxelles, la situation est encore plus alarmante. Cette nouvelle fermeture risque d’être le coup de grâce pour beaucoup », estime pour sa part la présidente du Syndicat neutre pour indépendants, Christine Mattheeuws.

« Le gouvernement en est conscient et nous attendons de voir quelles aides » seront accordées, précise Philippe Trine. « On doit lui faire confiance. » Les autorités bruxelloises ont en effet annoncé qu’un soutien financier était en préparation.

Liza Miller plaide pour une aide proportionnelle aux loyers et charges endossées par les établissements, au lieu d’une prime unique comme cela a été accordé lors du confinement de mars et avril. Elle a également confié que l’Union de l’horeca bruxellois réfléchissait à mener des actions fortes pour protester contre la fermeture, dont les modalités n’étaient pas encore claires mercredi midi. Elle a enfin déploré le manque d’empathie, selon elle, de la part du gouvernement. « Quand on vire quelqu’un de manière injuste, on lui dit qu’il peut aller au chômage ou lui écrire une lettre de recommandation. Ici, on n’a pas un mot de soutien », a-t-elle dénoncé.

Les mesures bruxelloises sont bien trop tardives

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Les mesures sont trop tardives et constitueront sans doute le coup de grâce pour de nombreux établissements horeca, a estimé la députée bruxelloise Bianca Debaets (CD&V), après l’annonce de la fermeture pour un mois de l’ensemble des cafés et bars de la capitale. Le même son de cloche a été donné par le député Gilles Verstraeten (N-VA).

« Il fallait faire quelque chose pour enrayer la courbe alarmante des contaminations au covid-19. Mais si le Gouvernement bruxellois était intervenu bien à temps et n’avait pas laissé la situation dérailler, cette mesure drastique aurait pu être évitée. Ce sera sans doute hélas le coup de grâce pour de nombreux établissements horeca », a commenté l’élue de l’opposition qui redoute « un carnage social ».

Celle-ci a ajouté qu’au cours de l’été, déjà, plusieurs experts avaient tiré la sonnette d’alarme, sans que le gouvernement bruxellois n’intervienne.

« Le ministre-président Rudi Vervoort déclarait même à l’époque que ‘les chiffres n’étaient pas alarmants et qu’il préférait attendre de voir l’évolution’. Or, tout le monde savait alors que nous nous dirigions lentement mais sûrement vers une situation dramatique », a reproché Mme Debaets, accusant le gouvernement Vervoort d’être « vraiment resté dans le déni durant de nombreuses semaines, voire des mois ».

Pour Gilles Verstraeten (N-VA), cette situation aurait pu être évitée si le gouvernement bruxellois, dont « la responsabilité est écrasante », avait reconnu « la gravité de la situation et agi plus tôt ».

Le député a ajouté qu’il avait demandé, déjà au cours de l’été, davantage de capacités et un meilleur accès aux tests, davantage de contrôles des grands rassemblements ainsi qu’une meilleure prise en charge et une meilleure information à propos des règles de base.

Les mesures à Bruxelles sont un « signal clair » de la gravité de la situation

Entre effarement et confiance, l'horeca bruxellois accuse le coup de la fermeture
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Les mesures constituent « un signal fort » de la gravité de la situation. Une communication nécessaire en Belgique francophone, a estimé mercredi le virologue Marc Van Ranst.

Le virologue flamand Marc Van Ranst qualifie ces mesures de « sages », surtout qu’elles sont combinées à un tour de vis national annoncé mardi. Selon lui, Bruxelles s’est inspirée de la capitale française Paris, qui a instauré une fermeture des cafés pour deux semaines au moins.

C’est aussi un « signal très fort, qui est absolument nécessaire en Belgique francophone ». Le virologue estime que l’urgence de la situation, avec une forte hausse des nouveaux cas et du taux d’occupation des hôpitaux, n’y est pas suffisamment ressentie, « alors que les experts en Flandre s’alarment depuis déjà un mois », s’étonne M. Van Ranst, considérant que les indicateurs s’aggravent plus fortement en Wallonie et à Bruxelles.

Marc Van Ranst admet toutefois que le signal est important pour toutes les grandes villes.

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