Christoph D'Haese, bourgmestre d'Alost (N-VA) © BELGA IMAGE

En Flandre, le carnaval d’Alost choque moins qu’en Wallonie

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Alors que pour la plupart des médias et politiciens francophones, les carnavaliers d’Alost ont été trop loin dimanche lors du traditionnel cortège de chars satiriques, la Flandre est plus divisée. Tour d’horizon.

Le carnaval d’Alost divise plus que jamais, écrit le quotidien De Morgen, qui s’interroge sur l’avenir du cortège alors que des chars caricaturant les juifs y ont à nouveau défilé dimanche. Pour le constitutionnaliste Jogchum Vrielink (Université Saint-Louis), le contexte singulier du carnaval permet de rester dans les limites du droit à la liberté d’expression garanti par la Constitution. « Jusqu’à présent, il n’a jamais été question de faits punissables d’un point de vue juridique parce que l’intention malveillante, notamment, y faisait défaut. Mais je voudrais souligner que si les carnavaliers vont à chaque fois plus loin, les juges pourraient considérer cela comme une intention malveillante. »

Ce dimanche, Alost était seul contre le reste du monde, souligne Het Nieuwsblad, tandis que la procession était scrutée par les médias du monde entier.

Het Laatse Nieuws évoque, lui, un carnaval « tumultueux ». Cette année encore, les caricatures au nez crochu étaient de sortie, accompagnées notamment d’une représentation d’un Mur des Lamentations construit en lingots d’or et d’une parodie du morceau Hey Jude des Beatles. Comme les tensions déjà à leur paroxysme avant même que le cortège ne s’élance, les carnavaliers ne pouvaient que dépasser les bornes, écrit le quotidien.

« Le Carnaval d’Alost cristallise des dilemmes appelés à être récurrents », prévient le sociologue Walter Weyns dans De Standaard. « Si ces discussions peuvent paraître futiles, elles vont bien au-delà du cas particulier d’Alost. Le vacarme qui en découle se reproduira sous d’autres formes parce qu’il porte nombre de questions urgentes comme le racisme, Metoo, Zwarte Piet, l’appropriation culturelle par les blancs, la question des genres, l’hétéronormativité, la transphobie, etc., qui présentent toutes un schéma similaire », explique-t-il. « Les gens se font toujours face avec incompréhension et suivent une logique exclusive, selon eux, qui se heurte frontalement à celle de la partie adverse, démontrant tragiquement qu’ils ne se comprendront jamais ».

La Première ministre Sophie Wilmès (MR) a dénoncé les caricatures, qui selon elle « portent préjudice à nos valeurs ainsi qu’à la réputation de notre pays ». « L’utilisation de stéréotypes, de référents stigmatisant des communautés, des groupes humains sur base de leurs origines conduit aux divisions et met en péril le vivre ensemble. A fortiori, quand il s’agit d’actions conscientes et répétées », a-t-elle déclaré.

Si la plupart des politiciens francophones, que ce soient Paul Magnette (PS), Philippe Close (PS), Georges-Louis Bouchez (MR) ou même Guy Verhofstadt (Open VLD) partagent l’avis de la Première ministre, il n’en va pas de même pour tous les politiciens flamands.

https://twitter.com/guyverhofstadt/status/1231632050379218944Guy Verhofstadthttps://twitter.com/guyverhofstadt

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Sans surprise, le bourgmestre d’Alost Christoph D’Haese (N-VA) ne voit aucun problème avec les représentations de juifs. Pour lui, ces représentations ne peuvent pas être qualifiées d’antisémites.

Unia pointe la responsabilité des autorités communales. « Le fait que le bourgmestre ait refusé de rencontrer les organisations juives l’année passée, qu’il ait ‘demandé’ le retrait du carnaval de la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco, c’est un carburant qui a permis aux groupes de se lâcher cette année sous l’idée ‘à Alost tout est permis' », a déclaré son directeur, Patrick Charlier à la RTBF.

Patrick Charlier, directeur d'Unia.
Patrick Charlier, directeur d’Unia.© Isopix

Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA), qui avait déjà par le passé jugé que les caricatures juives n’auraient pas dû être utilisées dans le contexte du carnaval d’Alost, a répété dimanche au micro de VTM qu’il n’est pas pour la censure. Il a fait un appel à « également rire d’autres après cette année ».

La présidente de l’Open VLD Gwendolyn Rutten et le ministre flamand Ben Weyts (N-VA) étaient les seuls politiques nationaux d’envergure présents au carnaval. Gwendolyn Rutten avait choisi le costume du peintre surréaliste René Magritte alors que Ben Weyts avait enfilé une salopette de garagiste Toyota.

Ben Weyts
Ben Weyts© Belga

Jeudi dernier, Weyts a en effet déclaré au Parlement flamand « qu’il avait besoin d’un véhicule avec un certain standing, pas d’une Toyota ». Du coup, il a décidé de pratiquer l’auto-dérision. « Bien sûr que je suis là. Je comprends que c’est difficile pour certains, étant donné le contexte international, mais ne pas être ici serait une fuite en avant pour moi ». « On ne chapitre pas tout un parti et toute une ville en se basant sur quelques participants. Wilmès suggère que l’ensemble du carnaval d’Alost est rempli d’antisémites. Alors que 99,9 % des carnivistes ne faisaient aucune référence aux thèmes juifs », déclare-t-il au quotidien De Morgen.

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