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Dépistage massif: pourquoi la Belgique n’y arrive pas ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À quelques heures du Conseil national de sécurité, qui devrait annoncer une sortie très progressive du confinement, une stratégie fait l’unanimité: le dépistage massif. Pourtant, la Belgique peine à l’organiser et est encore loin des 10 000 tests par jour annoncés.

Le 16 mars, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déjà appelé les pays atteints à tester massivement : « Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez », avait lancé son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. »

Peu après cet appel, le ministre Philippe De Backer (Open VLD), en charge de l’approvisionnement en matériel médical, avait annoncé 10 000 tests par jour. Cinq semaines plus tard, la Belgique n’atteint toujours pas ces 10 000 tests. Jean-Luc Gala, professeur en médecine à l’UCL et spécialisé en maladies infectieuses, nous explique pourquoi la Belgique n’arrive pas à s’organiser. « Ce sont essentiellement des raisons logistiques. Le problème, c’est que la Belgique est très dépendante de systèmes de production de réactifs de multinationales. C’est le cas pour les tests de diagnostic, mais aussi pour les tenues de protection et les masques. »

La Belgique pas prioritaire

Selon le professeur, la Belgique n’est pas prioritaire pour ces multinationales et comme les chaînes de production ne réussissent pas à satisfaire tous les pays touchés par la pandémie, elle n’a pas d’accès immédiat aux réactifs, comme en situation normale. En revanche, d’autres pays, tels que l’Allemagne, ont réussi à très bien s’organiser.

« L’Allemagne a cultivé un secteur de production biotechnologique extrêmement puissant. Elle se positionne très souvent comme un leader dans la production de kits de diagnostic. » Jean-Luc Gala rappelle que c’est une firme allemande, Altona, qui a très rapidement lancé un kit de diagnostic d’Ebola, qui a été adopté par la majorité des acteurs du secteur en Afrique de l’Ouest. Pour lui, l’Allemagne est un leader dans la riposte aux maladies infectieuses. Ce que la Belgique n’est absolument pas.

« Nous en payons le prix évidemment, lorsque nous avons un besoin aigu de tests, et que nous ne sommes pas prioritaires et que nous n’avons pas la capacité de produire suffisamment de réactifs pour satisfaire la demande. C’est donc un problème de logistique, et aussi un peu d’impréparation, car nous avons vu venir cette pandémie depuis le mois de décembre. Il aurait été possible de monter en puissance plus rapidement. Certains pays (l’Allemagne et le Luxembourg par exemple) l’ont fait en commandant très vite des réactifs. Cela n’a pas été fait en Belgique. »

Une arme essentielle

Le dépistage massif est pourtant une arme essentielle pour sortir du confinement sans laquelle on ne peut rien faire, souligne-t-il, même si d’autres armes sont nécessaires : un meilleur contrôle de transmission du virus par le port du masque individuel, et le traçage de contacts automatique par le biais d’applications qui permettront de mieux cibler les personnes à tester. À plus long terme, il faudra aussi miser sur les stratégies de prévention, c’est-à-dire les vaccins et anticorps neutralisants.

Capacité étendue

Interrogée par le quotidien De Morgen, Caroline Leys, porte-parole de Philippe De Backer, annonce une augmentation rapide du nombre de tests. « Jusqu’à cette semaine, les tests n’étaient effectués que dans les hôpitaux et maisons de repos. Cette capacité a maintenant été étendue. Dorénavant, toute personne qui arrive dans un hôpital ou un collectif tel qu’une maison de repos, une prison ou un centre d’hébergement pour jeunes sera testée. Les médecins généralistes effectuent désormais également des tests PCR pour les personnes présentant des symptômes de grippe. Tout cela devrait rapidement augmenter le nombre de tests » déclare-t-elle.

Selon elle, la capacité s’élève déjà à plus de 10 000 tests par jour, mais les personnes en charge des prélèvements ne disposent pas toujours des bonnes directives. Celles-ci ont dû être adaptées par le Risk Management Group. Elle souligne aussi que les maisons de repos ne renvoient pas toujours tous les tests reçus, « même si ce n’est pas un reproche à leur égard ».

Philippe De Backer
Philippe De Backer

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