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Déconfinement : faire appel au bon sens de chacun, une bonne idée ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Face à la détresse et aux difficultés suscitées par l’éloignement physique, le Conseil national de sécurité a décidé d’autoriser à nouveau les contacts sociaux, certes limités, alors que le 24 avril il avait annoncé que ceux-ci ne pourraient pas reprendre avant le 18 mai au plus tôt. La Première ministre Sophie Wilmès en appelle au sens des responsabilités de chacun.

À partir du 10 mai, chaque foyer pourra accueillir quatre personnes, toujours les mêmes, qui n’entreront que dans un seul foyer. L’objectif est de créer une bulle avec ces personnes, et d’empêcher les rencontres entre les différentes bulles afin de limiter au maximum la propagation du virus. Bien entendu, les distances doivent être respectées et les rencontres doivent, si possible, avoir lieu à l’extérieur. Et hors de question de se rendre chez une personne malade ou de se déplacer si l’on est soi-même malade.

Comme il s’agit de réunions ayant lieu dans le cercle privé, la police ne pourra pas contrôler si ces règles sont respectées. Aussi la Première ministre Sophie Wilmès a-t-elle insisté sur la responsabilité de chacun : « Je sais que cette solution ne remplace pas le bonheur de prendre ceux que l’on aime dans ses bras. Mais c’est ce que l’on peut faire pour l’instant. » Le contrôle du respect de ces règles est très difficile, a-t-elle précisé. « C’est comme si nous avions un contrat », a-t-elle déclaré à la population.

Une pression justifiée

Erika Vlieghe, la présidente du GEES (Groupe d’Experts en charge de l’Exit Strategy), reconnaît qu’il était urgent de répondre au besoin de contact social. « Cet assouplissement ne pouvait vraiment pas attendre une semaine. Pour nous aussi, il n’était pas acceptable que les gens puissent faire les boutiques avant de rendre visite à leur famille. La pression était justifiée » explique-t-elle au quotidien De Morgen.

Elle rappelle que les experts comptent sur le sens civique de la population.  » Bien sûr, beaucoup de gens seront déçus : les familles avec six enfants, par exemple, ou les grands-parents qui veulent voir leurs dix petits-enfants. Nous savons que certains outrepasseront les règles. Mais toute personne qui organise des fêtes non autorisées maintenant remet cet assouplissement en péril ».

Mesures de précaution

Interrogé sur Bel RTL, l’épidémiologiste Marius Gilbert estime également que plus le déconfinement avance, plus on comptera sur le sens des responsabilités de chacun, vu qu’il y aura de moins en moins de contrôles possibles. Pour ce qui est des réunions privées désormais autorisées, il souligne l’importance de respecter les conditions lors de ces visites, une précaution plus importante que le nombre de personnes.

« Si vous accueillez des gens en maintenant bien les distances et que vous êtes à l’extérieur, il y a une bonne ventilation, et les risques de transmission sont très faibles. Si vous accueillez des gens chez vous, ils doivent se laver les mains en arrivant, on se salue de loin, et s’il y a une personne à risque, elle peut éventuellement mettre un masque ou un dispositif supplémentaire », explique-t-il. « Il ne faut pas que les gens se disent que parce qu’ils reçoivent quatre personnes, ils peuvent faire ce qu’ils veulent, se comporter comme avant en trinquant, en s’embrassant, en se congratulant », avertit Marius Gilbert. « Si on fait ça, cette mesure va être un échec ».

Un grand risque

Spécialisée en sens civique, la politologue Ellen Claes (KuLeuven) se dit inquiète. Elle craint que les citoyens interprètent différemment la notion de sens civique. « Certains définissent le sens civique comme un travail acharné et une contribution à l’économie. D’autres le définissent comme étant actif dans leur communauté locale. Un autre groupe encore considère que c’est « faire usage de ses droits », explique-t-elle au quotidien De Standaard.

Claes estime qu’environ 60% des citoyens respecteront la lettre et l’esprit des règles de sortie. « C’est beaucoup. Mais les virologues ont averti qu’on risque d’avoir des problèmes si 20% de la population ne respecte pas strictement les règles. Alors je me dis : cette règle des quatre personnes, c’est un grand risque. En même temps, il y a un besoin important de contacts sociaux. C’est un équilibre très difficile pour le gouvernement ».

Impliquer davantage les citoyens

En début de pandémie, le comportement du citoyen était principalement motivé par la peur, engendrée notamment par les images de fin de monde venues des hôpitaux italiens. Koen Lowet, administrateur délégué de la Fédération belge des psychologues, estime qu’il faut d’autres facteurs que la peur d’une menace extérieure pour inciter les gens à continuer à respecter les consignes en attendant le vaccin contre le coronavirus.

Interrogé par Radio 1, Lowet estime qu’il ne faut pas en appeler au sens des responsabilités et au bon sens du citoyen. « Ce n’est pas ainsi que fonctionne le comportement. Pour lui, il faut impliquer davantage le citoyen dans le processus décisionnel. « Si nous ne tenons pas compte de ce qui motive intrinsèquement les gens, nous courons le risque qu’ils interprètent eux-mêmes les règles. C’est ce qui va arriver. Le temps est maintenant révolu où l’on pouvait laisser l’autorité à un petit groupe d’experts », conclut-il.

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