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Covid: la troisième vague est-elle inévitable en Belgique? (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le reconfinement accéléré des pays voisins met la Belgique sous pression. Frank Vandenbroucke évoque de possibles nouvelles mesures. Sommes-nous préparés pour éviter que la courbe ne reparte à la hausse? Pas forcément et cela dépend de nous tous. Tentative de réponses.

Couvre-feu en France et déconfinement ralenti, tours de vis en Allemagne et aux Pays-Bas en raison d’indicateurs préoccupants: les pays voisins réagissent pour éviter une nouvelle hausse des cas de Covid et mettent la pression sur la Belgique. A quelques jours d’un Comité de concertation important, qui évaluera les mesures et devait globalement maintenir les choses en l’état, cela pourrait changer la donne.

Nos commerces non-essentiels vont-ils être pris d’assaut par les Néerlandais? Les fêtes clandestines se multiplier? Devra-t-on durcir les mesures ou accentuer les sanctions? Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé, n’a d’ailleurs pas exclu ce matin de nouvelles mesures.

C’est maintenant que tout se joue pour éviter une troisième vague. Les experts, épidémiologiste de l’ULN, et Niel Hens, biostatisticien à l’UHasselt et à l’UAnvers, livrent ce mardi matin leurs leçon de la crise au Soir et au Standaard afin d’apprendre de nos erreurs. En se basant sur leurs constats, nous tentons de voir combien le risque est grand.

La communication reste à améliorer

C’est « l’un des grands ratés » de la gestion de la crise, disent-ils: « on est resté dans une attitude de communication extrêmement top-down: des experts conseillent le gouvernement de façon plutôt obscure, puis un gouvernement prends des décisions et les communique pour convaincre qu’elles sont bonnes ».

Force est de constater… que rien n’a vraiment changé. Ou plutôt, beaucoup de choses ont changé, sans que les autorités ne trouvent vraiment la clé de l’adhésion des citoyens. Le gouvernement Wilmès travaillait avec un groupe d’experts sanitaires – élargi dans un deuxième temps à d’autres disciplines – pour décider au sein du Conseil national de sécurité et annoncer les mesures lors d’une conférence de presse, trop souvent tardive ou chaotique.

Le gouvernement De Croo a opté pour le Comité de concertation au lieu du CNS, on ne sait trop pourquoi si ce n’est pour miser sur une assise reposant sur toutes les entités fédérées. Les conférences de presse sont certes mieux maîtrisées, les experts recentrés sur l’aspect sanitaire, mais le processus reste nébuleux. Et le tout repose toujours sur une approche top-down, même si la communication mise sur l’esprit d’équipe des onze million de Belges, avec une vidéo à la clé. La capacité de persuasion du Premier ministre, Alexander De Croo, et de son ministre de la Santé, Frank Vandebroucke jouent beaucoup dans le combat pour éviter la troisième vague et, à cet égard, la façon dont les fêtes de fin d’année vont se dérouler constituera un test définitif.

Les hôpitaux et maisons de repos gèrent mieux

« Globalement, le système de soins de santé a démontré sa capacité à répondre à l’urgence sanitaire, dit Marius Gilbert à nos confrères. Le seul point de tension lors de la première vague fut celui des résidents de maisons de repos qui n’ont pas pu, tous, être hospitalisés. » Le timing du premier lockdown était le bon et il a été globalement bien accepté, disent les experts, mais des manquements ont toutefois été coupables.

De ce point de vue, la Belgique est incontestablement mieux préparée que lors de la première vague. Le matériel de protection du personnel soignant ne fait plus défaut, ce qui fut un des errements coupables des débuts. Le virus est mieux connu et la prise en charge des malades se déroule mieux. Des protocoles sanitaires bien définis ont été mis en oeuvre dans les maisons de repos, qui ne sont plus les scandaleuses oubliées de la première vague.

Toutefois: le personnel soignant est au bout du rouleau et tous les pans de la société ont été été soumis à rude épreuve par la première vague, ce qui induit une nécessaire prudence.

Des objectifs plus clairs

« La patience, c’est le maître mot, dit Niel Hens au Soir et au Standaard. Il ne faut pas relâcher les mesures trop vite. » Ce fut l’une des principales critiques faites à la gestion de la crise par le gouvernement Wilmès: on a effectivement relâché trop vite les restrictions après la première vague. A la décharge des dirigeants d’alors, les pressions étaient fortes pour que ce soit le cas, on ne pensait pas à une seconde vague aussi virulente et…nous étions dans une forme de « vide de pouvoir » en raison de la formation gouvernementale de la Vivaldi.

Voilà pourquoi Alexander De Croo et Frank Vandenbroucke jouent aujourd’hui la grande prudence et misent surtout sur les avis des épidémiologistes. Après les balbutiements de ce baromètre qui n’a jamais vu le jour, les objectifs sont en outre plus clairs en ce qui concerne le niveau à atteindre pour être en état de « maîtriser l’épidémie » – d’où l’inquiétude relative au plateau actuel.

Cela n’a n’a pas empêché les prises de risques: les réouvertures des écoles, puis des commerces non-essentiels, répondaient à d’autres considérations liées à la santé des jeunes et à celle de notre économie. La clé, désormais? Il s’agit de veiller à limiter les déplacements et empêcher les réunions familiales/amicales, ce qui est un fameux défi.

L’épineux sujet du testing et des foyers

Tout l’enjeu pour éviter une troisième vague réside aussi dans un double processus compliqué pour lequel il reste bien des interrogations – et cela en attendant que la stratégie vaccinale porte ses fruits.

Les tests, tout d’abord. « Un problème majeur », disent les experts. Il s’agissait d’avoir une capacité suffisante et cela a mis un temps considérable pour y arriver, d’abord. Tout a dû être mis à l’arrêt lors de la deuxième vague. Désormais, le processus a repris, mais on reste toujours en plein doute sur sa capacité à répondre rapidement aux contaminations (avec quarantaien pour les contaminés ayant reçu leur test asap) et à retracer les fameux « super-contaminateurs ».

Le deuxième souci concerne les foyers et la façon de gérer les rencontres familiales et amicales dans ce qui constitue le premier foyer de contaminations. Pas de visite domicilaire possible sauf cas de flagrant délit, pas de police ou de drônes à Noël, mais un travail important de conviction et de responsabilisation individuelle à mener. On en revient à la question numéro un: la communiation est vitale.

Dasn les deux cas, le respect de la vie privée et de nos libertés constitue un frein, mais qui s’en plaindra vraiment? Idem pour notre liberté de circuler: pas d’attestation de circuler comme en France. Eviter une troisième vague, en substance, reste en grande partie de notre ressort et de nos comportements individuels.

La cohérence politique et institutionnelle

Il reste enfin un grand volet sur lequel on devra inévitablement se pencher de façon structurelle: notre complexité institutionnelle. La cohérence des politiques et la rapidité de leur mis en oeuvre dépend, même si ce n’est pas tout évidemment, de l’homogénéité des compétences ou du moins de l’huile mise dans les rouages. Si refédéraliser la santé est un leurre, une meilleure orchestration s’impose par-delà les promesses de régionalisation accrue faites au CD&V par la Vivaldi.

Quant à la cohérence politique, elle devrait être de mise en permanence et les épisodes consécutifs au dernier Comité de concertation montrent que c’est un chantier permanent. Vital, lui aussi, pour générer l’adhésion de tous.

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