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Coronavirus : pourquoi la Wallonie est-elle beaucoup plus durement touchée que la Flandre ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Depuis quelques jours, la carte épidémiologique de la Wallonie se teinte de rouge foncé, alors qu’en Flandre la situation semble moins alarmante. Rien qu’à Liège, 11 000 personnes ont contracté le coronavirus ces deux dernières semaines. Pourquoi un tel écart entre les deux régions ?

Le testing et le tracing plus efficaces en Flandre

Professeur en épidémiologie, Yves Coppieters (ULB) avance quelques hypothèses. La première, c’est la différence de gestion en Flandre et en Wallonie : le testing et le suivi de contacts sont en effet une compétence régionale. « Le testing et le tracing sont à mon avis plus efficace en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie. Le virus ne circule pas moins en Flandre qu’en Wallonie, mais en Flandre, ils arrivent à stabiliser un peu plus les transmissions, même si la situation est grave aussi », estime-t-il.

« On entend beaucoup de problèmes en Wallonie, de centres de tri débordés, de manques de réactifs, donc fatalement toujours les réponses trop tard par rapport aux tests, des délais de réponse qui sont trop tardifs », ajoute l’épidémiologiste.

Professeur en médecine générale à la VUB, Dirk Devroey, partage son avis sur le testing et le suivi de contacts. « À Bruxelles, ces instruments ne sont pas encore bien déployés, mais en Wallonie c’est encore pire. Le système n’est absolument pas performant », déclare-t-il à nos confrères du quotidien Het Laatste Nieuws.

Plus d’adhésion aux gestes barrière en Flandre

Pour Coppieters, la différence de comportement pourrait également jouer un rôle et les experts interrogés dans les médias n’y seraient pas étrangers. « Il y a une différence de comportement dans le sens où les experts flamands ont été toujours dans un discours plus alarmiste par rapport à la situation. Tout au long de la crise, ils ont maintenu un discours centré sur la peur et le fait que l’épidémie allait de toute manière revenir en force (au risque de se discréditer) tandis que du côté francophone, il y a eu plus de divergences des avis d’experts entre ceux qui étaient très prudents et ceux qui étaient pour le relâchement complet. Donc là, fatalement, le message était moins uniforme et ce manque d’harmonisation a mené un relâchement de nos comportements », suggère-t-il.

« Il faut que les gens comprennent que la situation s’aggrave fortement et que s’il n’y a pas une volonté de tout un chacun au moins pendant un mois de mettre des freins sur les activités sociales à risque, les mesures devront être beaucoup plus dures », conclut-il.

Cet été, la situation épidémiologique était pourtant bien meilleure dans le sud du pays. Il n’y a pas eu d’explosion de cas comme à Anvers. Lorsque le Conseil national de sécurité a durci les mesures pendant les vacances d’été, la Wallonie ne trouvait pas que c’était à elle à faire les frais d’un problème flamand, écrit ainsi le quotidien Het Laatste Nieuws. « C’était le terreau idéal pour les non-believers. La motivation pour suivre les mesures était encore plus faible en Wallonie qu’en Flandre. Aujourd’hui, on en voit les conséquences », analyse également Geert Molenberghs, biostatisticien à l’Université d’Hasselt.

Sans surprise, le virologue Marc Van Ranst (KuLeuven), connu pour ses déclarations alarmistes, fustige les scientifiques francophones qui ont minimisé la situation au début de la seconde vague. « Il est dangereux de suggérer dès les premiers signaux d’alerte d’une deuxième vague que ce ne sera rien et que ce n’est pas grave. On perd un temps précieux », déclare-t-il au Laatste Nieuws.

Plus de travail en usine

Dirk Devroey voit encore une autre explication à la flambée du virus dans le sud du pays, et notamment dans les villes telles que Liège, Charleroi et Namur. « Ces villes comptent plus d’ouvriers que la moyenne flamande. Durant la première vague, les usines étaient fermées, alors qu’aujourd’hui elles tournent. Et alors que le télétravail est la norme, ce n’est évidemment pas possible pour les ouvriers », déclare Devroey au Laatste Nieuws. À cela s’ajoute le volet socio-économique. Ces travailleurs vivent souvent dans des tours résidentielles à non pas deux, mais trois générations, ce qui augmente le risque d’infection, estime-t-il.

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