Anne-Sophie Bailly

Coronavirus: « La prochaine étape du politique sera de ne pas rater son rendez-vous avec le citoyen »

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Pour arriver à destination en sauvant un maximum de vies et en limitant le plus possible les dégâts, il aurait fallu un plan de route solide. Mais, voilà, il s’agissait d’un voyage en terres inconnues, alors on a dû faire avec les moyens du bord.

Heureusement, dans notre galère, on avait des experts. Des médecins, des épidémiologistes, des virologues. Des statisticiens, des anthropologues, des chercheurs. On s’est donc arrimé à eux pour essayer d’endiguer, de schématiser, de comprendre cette crise sanitaire sans précédent. Ils ont dressé un plan de navigation. Un gouvernement provisoire s’est installé à la barre et tout le monde a embarqué. L’odyssée a duré un mois. Quatre longues semaines durant lesquelles on a perdu trop de compagnons de voyage. On a constaté qu’on manquait de beaucoup de choses aussi, dont certaines vitales, comme du matériel de protection. Et cela à cause d’une gestion hasardeuse des stocks dans le passé et des cures d’austérité. Mais on a gardé la tête haute, on a respecté les consignes, on est resté à bord. On a continué à avancer.

Et on a bien fait. Nos efforts ont porté leurs fruits. Cinq semaines plus tard, on compte désormais moins de malades, chaque jour. La propagation du virus a ralenti, sa baisse est  » lente mais réelle « . De plus, depuis quelques jours, le ciel semble s’éclaircir et par beau temps, on voit se dessiner au loin la ligne d’arrivée. Oh, bien sûr, le chemin sera encore long pour y parvenir. Mais on progresse. Et surtout, on a maintenant un but. Un point vers lequel tendre. Ce qui redonne le moral aux troupes, mais suscite aussi pas mal de débats. Beaucoup pensent qu’à côté des experts et des politiques, ce serait bien maintenant qu’un troisième guide s’installe à la barre. Quelqu’un comme eux.

Jusqu’ici, tout le monde est resté plutôt calme. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur. Relativement confiant, même. Alors qu’un coup d’oeil dans le journal de bord suffirait à rappeler qu’il y a quelque temps encore, certains d’entre eux marchaient le dimanche ou le jeudi pour rappeler qu’ils étaient plus chauds, plus chauds que le climat. Qu’ils portaient parfois un gilet jaune et bloquaient des ronds-points ou une blouse blanche et se croisaient les bras tous les mardis. Que les dimanches d’élection, leur crayon rouge glissait de plus en plus souvent vers les extrêmes.

On a d’ailleurs senti la tension monter d’un cran quand la capitainerie a constitué un groupe d’experts chargés de nous amener à bon port. A nouveau, le groupe était bien fourni en experts. Mais le reste de l’équipage s’est senti délaissé. Aucun de leur représentants n’avait été sollicité pour en faire partie. Ni un expert dans leur secteur, celui des sciences humaines. Alors, à plus de 120, ils se sont réunis, ont cogité et proposé leurs services pour éviter les écueils.

C’est vrai qu’avant d’embarquer dans cette galère, on avait beaucoup, beaucoup parlé de participation citoyenne et de grandes agoras. D’implication de tous à la bonne marche des affaires. Cette escale supplémentaire en terre citoyenne semble donc incontournable. Faute de quoi une mutinerie n’est pas à exclure. Ni de voir grossir les rangs des pirates.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire