Carte blanche

Coronavirus : en vertu de quoi la Belgique serait-elle différente de l’Italie ?

Un Italien résidant à Bruxelles s’interroge sur la manière dont les Belges, autorités et habitants, gèrent la crise du coronavirus. « On constate que dans l’ensemble les Belges ont très peu changé leur style de vie, comme si les individus et la classe dirigeante belges n’avaient pas conscience du risque qu’ils courent « , écrit-il.

Chers amis belges,

Je vous écris pour poser dix questions urgentes que de nombreux Italiens résidents en Belgique se posent sur l’attitude des autorités et habitants belges vis-à-vis du coronavirus.

Il y a quelques semaines, assez peu de gens en Italie imaginaient se trouver dans une situation pareille. La Chine est loin, peu des personnes y sont allées, la culture est assez différente, la barrière linguistique assez forte, les données pas forcément fiables: bref, on percevait le risque comme reculé et confiné à la Chine, voire à l’Asie. C’était une erreur. Le virus est arrivé d’Allemagne, mais peu importe d’où il est arrivé. Il est arrivé, et on n’était pas préparés.

On sait que le virus est déjà en Belgique. Selon les experts, la Belgique, comme les autres pays d’Europe, a un avantage de 7-10 jours sur la diffusion du virus. Pourtant il semble qu’elle n’agit pas en conséquence. Donc, je me demande:

Q1: en vertu de quoi la Belgique serait-elle particulièrement différente de l’Italie?

Q2: pourquoi la Belgique ne capitalise pas sur l’expérience italienne?

En Italie, malgré les mesures extrêmes qui y ont été imposées, le virus se propage toujours. En Belgique, je constate que les bars et les cinémas sont toujours pleins, que la Foire du Livre, le Friday for Future et la Marche du 8 mars ont été maintenus, et que la Museum Night Fever à Bruxelles est toujours au programme. On constate que dans l’ensemble pas grand-chose n’a changé au style de vie des Belges, comme si les individus et la classe dirigeante belges n’avaient pas conscience du risque qu’ils courent. Je me concentre sur la société belge parce que, même pendant les phases sans gouvernement, il y a toujours une société civile belge, n’est-ce pas? Mais alors,

Q3: est-ce que les Belges ne s’informent pas?

Q4: ou les Belges s’informent, mais ils ne comprennent pas?

Q5: ou ils s’informent, ils comprennent, mais ils s’en fichent?

Q6: ou les Belges ont-ils besoin d’un gouvernement que leur dit ce qu’ils doivent faire?

Habituellement le milieu politique belge déclare partager le principe de précaution, c’est-à-dire la prévention des risques dans un certain domaine, lorsque la science et les connaissances techniques ne fournissent pas de certitudes. Ils appliquent ce principe même dans des domaines hyperétudiés depuis des années par la science (par exemple les OGM). Face à une maladie dont on ne connaissait pas grand-chose il y a deux mois, la logique voudrait une application encore plus stricte de ce principe. Ce que l’on voit, c’est l’inverse: minimisation, mesures très timides et tardives, désintérêt pour les cas en Chine et en Italie.

Q7: la politique belge soutient le principe de précaution, ou plutôt l’utilise à sa convenance selon les acteurs qui la sollicitent? Vous pardonnerez la naïveté de la question…

Q8: quels sont les éléments qui justifient de courir un tel risque?

Dans l’espoir que la propagation du virus restera contenue, et que la Belgique réussira à s’en sortir sans dommages, on gardera l’impression d’un pari hasardeux, et non d’une réaction responsable, organisée, et résiliente de la société belge. Par contre, si le virus cause des dommages plus graves, je crains de connaître déjà les réponses aux dernières questions:

Q9: comment cela a-t-il été possible?

Q10: cela en valait-il le coup?

Cordialement,

Un Italien à Bruxelles (Coordonnées connues de la rédaction)

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