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CGRA/Soudan: l’essentiel du Rapport CGRA

Le Vif

Dans un rapport de 14 pages intitulé « le respect du principe de non-refoulement dans l’organisation des retours de personnes vers le Soudan », le CGRA émet un avis nuancé sur les actes posés par le gouvernement belge.

Trois points ont guidé ce rapport :

  • Que s’est-il réellement passé avec les 10 personnes retournées ou éloignées après leur arrivée à Khartoum ?
  • Comment la mission d’identification a-t-elle été organisée ? Dans quelle mesure peut-on considérer que cette mission n’aurait pas été organisée correctement ?
  • Le risque au regard de l’art. 3 CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a-t-il été évalué correctement pour les 10 personnes rapatriées ou éloignées ?

Au niveau méthodologique, le CGRA a mené deux entretiens approfondis, dont un avec Koert Debeuf (Institut Tahrir). De très nombreux contacts ont été pris avec diverses acteurs (l’OIM et l’UNHCR, experts, ambassades européennes au Soudan et en Egypte). Les dossiers à l’Office des Etrangers des 10 personnes concernées ont été examinés en détail. Si pour le CGRA « tous les moyens ont été utilisés (entre autre la messagerie WhatsApp) pour entrer en contact avec les personnes retournées ou éloignées vers le Soudan », Le Commissariat n’a cependant pas organisé une mission au Soudan. Bien qu’envisagée, cette mission n’a pas été menée car elle « ne pouvait être organisée à bref délai », du moins pour des informations pertinentes supplémentaires.

Concernant les risques encourus au Soudan en cas de retour, le rapport, rappelle la prudence nécessaire et la nécessité d’un « examen approfondi » pour l’évaluation des cas individuels. Ces précautions faites, le CGRA mentionne qu’ « il n’est pas vrai que toute personne court un risque réel au regard de l’art. 3 CEDH en cas de retour ». Par ailleurs, « les personnes qui entrent sur le territoire soudanais avec un titre de voyage provisoire (p. ex. un laissez-passer) font l’objet d’un interrogatoire plus approfondi mais il n’y a pas d’éléments concrets indiquant qu’elles s’exposent pour cette raison à des persécutions ou à un risque réel au regard de l’art. 3 CEDH. »

Sur la venue d’une délégation soudanaise interrogeant dans le cadre d’un octroi de laisser passer n’est pas forcément problématique en soi, le CGRA en appelle tout de même à « faire preuve de la plus grande vigilance dans l’organisation d’une telle mission ». Mais encore ? Eviter à tout prix que des personnes ayant besoin d’une protection soient confrontées à des personnes qui représentent les autorités de leur pays, et organiser les entretiens en présence d’un membre des instances belges et d’une personne (interprète) qui comprend la langue utilisée au cours de l’entretien. Autant de conditions qui n’étaient pas rencontrées systématiquement lors des entretiens organisées par l’Office des Etrangers.

Le CGRA constate par ailleurs que l’audition dans le cadre du « droit d’être entendu » des ressortissants soudanais n’a eu lieu « qu’après qu’il a été demandé à l’ambassade de venir les identifier ».

Concernant le rapport de l’institut Tahir (qui a pleinement collaboré au rapport), le CGRA souligne pour un témoignages de nombreux éléments non conformes à la vérité. « Se pose dès lors la question de la véracité des autres éléments du témoignage. »

Le CGRA a constaté que parmi les personnes citées dans le rapport de l’Institut Tarir, trois ont contacté l’OIM (Organisation Internationale des Migrations) après leur arrivée, et ce dans le but de démarrer un projet d’intégration au Soudan. Elles ont pu apporter un témoignage direct. Et deux d’entre elles ont formulé les plaintes les plus fortes concernant les mauvais traitements qu’elles auraient subis après leur arrivée à Khartoum. Cependant et selon le CGRA, le fait que ces trois personnes ne soient pas à l’heure actuelle « persécutées », laisserait penser qu’elles ne présentent pas un profil particulièrement à risque.

Bref, au final, le CGRA émet de sérieux doutes sur les trois principaux témoignages du rapport Tahir.

Le CGRA ne distribue pas que des mauvais points à l’institut Tahir.

Par rapport à la décision de l’Office des Etrangers d’expulser des ressortissants soudanais sur base d’entretiens (en anglais ou via traduction), le CGRA avance qu’il « semble difficile de soutenir (…) que le fait de ne pas demander l’asile – alors même que l’intéressé apporte des éléments qui justifieraient éventuellement l’octroi d’un statut de protection – peut être considéré comme l’indication d’une absence de risque réel au regard de l’article 3 CEDH. »

Le CGRA estime enfin que l’éloignement ou le retour de personnes au Soudan peut à nouveau être organisé, à condition de vérifier au préalable « sur le fond » pour chaque personne si elle éprouve ou non un besoin de protection. Soit ce qu’imposent les lois internationales à l’Etat belge.

Au final, faute de temps (?), le rapport du CGRA ne débouche pas sur des révélations exceptionnelles. Il pointe avec nuances des manquement ou erreurs dans les pratiques de l’Institut Tahir et de l’Office des Etrangers. Et témoigne surtout de la difficulté de la tâche qu’il y avait à mener.

Olivier Bailly

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