Un incendie a ravagé, le week-end des 3 et 4 juillet, des pans entiers du massif forestier de Troodos, à Chypre. Les étés de plus en plus secs favorisent ces feux. © REUTERS

Canicule au Canada: est-on prêt en Belgique à faire face à ce phénomène?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les effets du réchauffement climatique sont là, constate Xavier Fettweis, climatologue à l’ULiège, en observant les dégâts du dôme de chaleur dans l’ouest canadien, situé à la même latitude que notre pays. Il faut donc que nous nous préparions aussi à les affronter.

En quoi le dôme de chaleur observé au Canada et aux Etats-Unis est-il exceptionnel?

Ce genre de phénomène a déjà eu lieu en Belgique et en France, par exemple lors de la canicule de 2003. Ce qui est exceptionnel ici est l’anomalie de température. Les précédents records de chaleur ont été battus de cinq degrés.

Y a-t-il un lien évident entre ce phénomène et le dérèglement climatique?

Le lien est l’anomalie de température. Il y a quarante ans, le même événement aurait provoqué des températures de 3 à 4 degrés plus froides. En revanche, aucun lien direct n’est encore établi entre le réchauffement climatique et des changements de circulation atmosphérique. Normalement, le jet stream traverse cette région « en altitude » d’ouest en est et pousse les masses d’air et les dépressions vers l’est. Dans ce cas-ci, il est remonté vers le nord au niveau de la côte du Canada. Il a emporté avec lui cette bulle d’air à température élevée et il est allé se placer au milieu d’un gros anticyclone, chaud en altitude et en surface. Cela a formé le dôme de chaleur. Les dépressions ne parviennent plus à passer. Elles font le tour du dôme qui s’autoentretient. Les phénomènes de blocage durent une à deux semaines. En soi, ils ne sont pas exceptionnels. Mais subir une telle chaleur pendant ce laps de temps pose des problèmes. Il faut noter que cette région est la même que la nôtre, située à 50 degrés de latitude nord.

Les pompiers sont-ils équipés pour éteindre des incendies de forêt de grande ampleur? »

Xavier Fettweis, climatologue à l’ULiège.

D’autres circonstances se sont-elles greffées sur ce phénomène pour l’attiser?

Cette région du Canada et le nord-ouest des Etats-Unis connaissaient déjà des problèmes de sécheresse avant l’épisode du dôme de chaleur. Le phénomène a déclenché une série d’orages. De quelle façon? Les incendies sont tellement importants qu’ils engendrent des pyrocumulus ou des pyrocumulonimbus, des nuages d’orage formés avec la fumée des feux. Ces orages-là provoquent des éclairs qui vont à leur tour allumer le feu un peu partout dans la forêt. Cette forme de cycle « infernal » a aussi été observée l’année passée en Australie.

Des incendies importants se sont aussi déclarés en Russie, en Grèce, à Chypre. Les phénomènes sont-ils liés?

Ces incendies sont localisés et sont très souvent provoqués par l’homme, de manière volontaire ou pas. Il est clair, cependant, qu’avec le réchauffement climatique, les étés sont globalement plus secs. Ils favorisent l’apparition des incendies.

Xavier Fettweis, climatologue à l'ULiège.
Xavier Fettweis, climatologue à l’ULiège.© DR

Quelles conséquences ces phénomènes peuvent-ils avoir?

Les incendies ne font qu’amplifier le réchauffement climatique. Ils émettent énormément de CO2 dans l’atmosphère. Plus il faut chaud, plus il y a d’incendies, plus il fait encore plus chaud. Outre les incendies, le principal danger concerne la santé pour l’homme. Dès que l’on franchit les 40 degrés, cela devient dangereux. Au Canada, il y a eu plus de décès que la moyenne. Au mois d’août 2020, lors de la petite canicule d’une semaine, la Belgique a enregistré plus ou moins mille morts.

Est-il plausible que ce genre de phénomène, observé en Belgique en 2003, se répète chez nous dans les années à venir?

Oui. On n’atteindra pas les 50 degrés comme au Canada parce que c’est une petite station météorologique qui les a enregistrés et qu’il y a là des effets de canyon… Mais on pourrait certainement atteindre les 45 degrés en Belgique. Les prévisions ne les annoncent pas dans les prochaines semaines. Mais pourquoi pas? Et si ce n’est pas cette année, cela surviendra dans deux, trois ou quatre ans. Le constat amène d’ailleurs à se poser des questions. Bien sûr, au vu des dangers que représente le réchauffement climatique, il est impératif d’agir pour le limiter. Mais le réchauffement est déjà là. Il est lancé. Que prévoit-on pour en combattre les effets immédiats? Je ne suis pas sûr qu’on est armé en Belgique pour faire face à un tel phénomène. Les pompiers sont-ils équipés pour éteindre des incendies de forêt de grande ampleur? Dispose-t-on de salles climatisées? Le grand public a l’impression que le réchauffement climatique produira ses effets dans vingt ou trente ans. Or, il est à notre porte. Et même si on arrête toutes nos émissions de CO2 demain, le réchauffement climatique, à cause de l’inertie, continuera à produire encore des dégâts pendant quelques années.

La prise de conscience est-elle de plus en plus effective du côté politique?

Je pense que les responsables politiques belges ont de bonnes ambitions, l’Europe aussi. Ils sont conscients qu’il faut faire quelque chose. Ils disent qu’ils vont faire quelque chose. Mais rien ne se fait. Si les Etats et leurs dirigeants faisaient réellement ce qu’ils se sont engagés à faire, on avancerait déjà dans la bonne voie, même s’il faudrait encore développer une politique plus ambitieuse en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire