Olivier Mouton

Aujourd’hui, les ministres ne sont plus responsables

Olivier Mouton Journaliste

Visiblement, les représentants de l’Etat peuvent désormais tout se permettre, sans en payer le moindre prix. Même une « bourde monumentale » à 600 millions d’euros.

Or, donc, le gouvernement fédéral s’est trompé dans le calcul des transferts fiscaux aux Régions et Communautés. Et pas en peu: le manque à gagner ne serait pas de 750 millions, mais bien de 157 millions. Une bonne nouvelle, au fond, pour des Régions qui s’étaient replongées avec perplexité dans leur ajustement budgétaire, la Wallonie ayant même contesté ouvertement les premiers chiffres. Une bonne nouvelle? Oui, mais surtout une information qui a de quoi laisser pantois. D’autant qu’elle n’est accompagnée d’aucun mot d’excuse, d’aucune prise de responsabilité politique.

Bon sang! Il faut pourtant avouer que cette faute grossière est consternante et préoccupante. L’administration des Finances avait basé sa première estimation sur un échantillon d’avertissements-extraits de rôle trop réduit, se contente de préciser le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA). On parlerait d’amateurisme pour moins que ça, dans une matière qui est quand même hautement sensible. Cela montre, une nouvelle fois, à quel point cette sixième réforme de l’Etat, qui a certes permis de stabiliser le pays, est une usine à gaz au coeur de laquelle nos hauts responsables ont de quoi perdre leur latin et nous avec eux.

Cette « bourde budgétaire monumentale » avait eu un impact politique considérable au printemps dernier. Alors que les relations étaient déjà tendues entre le fédéral et les entités fédérées, surtout du côté francophone en raison des majorités asymétriques, ce contentieux avait donné lieu à une scène d’anthologie en Comité de concertation. Tandis que Paul Magnette exprimait sa colère d’avoir appris la nouvelle… par mail, il eut le sentiment d’être moqué par le Premier ministre et lança soudain: « Charles, tu peux garder ton sourire ironique ». Quant au locataire du Seize, il avait traité d' »irresponsable » son homologue de l’Elysette refusant de consentir à un effort supplémentaire de cette ampleur. Après que Johan Van Overtveldt ait rectifié le tir, cette haute tension semblait soudain superfétatoire. Du théâtre inutile.

On a le sentiment qu’en politique belge, tout est permis sans que l’on n’en paye le moindre prix

Le ministre des Finances devrait-il démissionner pour reconnaître son tort? Personne ne le demande en ce moment, pas même l’opposition, et ce serait peut-être aller vite en besogne. Mais il n’empêche, on a désormais le sentiment qu’en politique belge, tout est permis sans que l’on n’en paye le moindre prix : mentir au parlement, ne fut-ce que par omission (Marghem), se prendre sérieusement les pieds dans le tapis des chiffres (Galant et aujourd’hui Van Overtveldt), assister à des fuites inimaginables d’examens tout en étant perquisitionnée (Milquet)…

S’il est peut-être excessif de demander un pas de côté, on serait quand même en droit d’attendre que ces excellences mettent leur orgueil et leur ego de côté pour dire aux citoyens: « Je me suis trompé, je n’ai pas été à la hauteur de vos attentes… »

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