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Affaire Veviba: peut-on encore faire confiance à la filière « bio » ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Un nouveau rapport vise la société Veviba, déjà au coeur d’un scandale sanitaire. Après les soupçons de fraudes sur les étiquettes de viande congelée, l’abattoir de Bastogne aurait, selon les informations du parquet provincial du Luxembourg, vendu de la viande classique en la faisant passer pour de la bio. Une opération permettant d’augmenter ses marges. Le point sur la traçabilité de la viande bio avec un responsable qualité du secteur.

Jean-Claude Michel est responsable qualité au sein de la coopérative « Porc Qualité Ardenne » qui possède un abattoir à Malmedy. La coopérative regroupe 150 agriculteurs et éleveurs de trois sortes de porcs : fermiers, bios et « plein air ». Il nous explique les mesures strictes de traçabilité de la viande bio au sein de sa structure.

Comment identifie-t-on les animaux ?

Quand les animaux sont prêts à aller à l’abattoir, ils sont chargés en lots distincts, les bios étant bien séparés des lots fermiers. Avant de partir de l’étable, chaque porc aura été tatoué du numéro de troupeau de l’éleveur, de la semaine d’abattage et de la filière (unique). On retrouvera ce tatouage sur sa carcasse. Il porte aussi une boucle à l’oreille. Chaque bovidé, outre cette boucle d’identification, reçoit une carte d’identité. De plus, il sera répertorié dans une « pilothèque » qui permet de le tracer grâce à l’ADN de ses poils. Cette technique permettra ultérieurement de faire des analyses afin de vérifier si la viande est bel et bien bio.

Quelles sont les mesures spécifiques prises pour traiter les animaux de la filière bio ?

Quand elles arrivent à l’abattoir, l’ordre d’abattage des bêtes revêt aussi son importance. Celles de la filière bio seront prioritaires dans un souci de les garder vierges de toutes sources bactériologiques. Tout au long du processus, les carcasses biologiques sont ainsi tenues à l’écart des autres, que ce soit sur les chaines d’abattage ou dans les frigos. Au moment de la découpe, la traçabilité se fait par des codes couleur. Dans le cas de l’abattoir de Malmedy, le jaune signalera les animaux bios. La traçabilité est aussi garantie par un document permettant de remonter jusqu’au lot d’abattage et même jusqu’aux épices utilisées, par exemple, dans les saucisses.

Des contrôles sont-ils effectués régulièrement ?

Des organismes de contrôle rentrent aussi en jeu tout au long du processus. Pour la filière bio, il en existe trois : Quality Partner, Certisys et Tüv-Nord. Ils contrôlent régulièrement les entrées et sorties des viandes bios au sein des abattoirs pour vérifier notamment le pourcentage de vente et d’achat sur base annuelle et repérer une éventuelle discordance au niveau des quantités.

« La filière courte, un gage de confiance »

Cédric Delveaux (à droite)
Cédric Delveaux (à droite)© Porc Sur Paille.be

A Huppaye, dans le Brabant wallon, Cédric Delveaux élève des porcs sur paille, au sein de la filière du même nom. Sa philosophie: pratiquer un élevage raisonné basé notamment sur le bien-être animal et le respect de la nature. La filière « Porc sur Paille » a l’avantage de mettre en relation étroite les éleveurs, les artisans-bouchers locaux et les consommateurs. Cédric Delveaux ne s’estime pas confronté, dans son travail, à ce problème d’opacité soulevé au sein des abattoirs, vu le peu d’intermédiaires. « Dès que les porcs sont assez gras pour partir à l’abattoir, c’est à chaque fois la même personne qui vient les chercher pour les amener à l’abattoir de Charleroi. Un second camion frigo va ensuite récupérer les carcasses qui sont alors livrées directement chez la petite quinzaine de bouchers de la région avec lesquels nous collaborons. Ils se chargent eux-mêmes de la découpe et de la transformation pour la vente. »

Un circuit-court qui est, selon lui, gage de qualité et de confiance : « J’aime me dire que quand les bêtes partent le dimanche de ma ferme, je sais que les retrouverai dans l’étal de mon boucher le mardi matin« . Selon lui, il existe peu de possibilités de fraude avec ce genre de denrées. «  La plupart du temps, les amalgames de viande de moins bonne qualité sont réalisés dans des hachis, bourrés d’additifs, et dans les plats préparés. « 

Affaire Veviba: peut-on encore faire confiance à la filière
© Porcs sur paille

Quant au risque sanitaire, il estime que le consommateur aura plus tendance à en parler à son boucher, première personne de contact en cas de problème. Au sein des supermarchés, il règne au contraire un certain anonymat et l’origine de la viande est plus opaque. « Si plusieurs personnes sont malades après avoir mangé de la viande venant d’une boucherie spécifique, sa réputation sera rapidement mise à mal dans la région ».

D’où l’importance pour le distributeur de respecter au maximum les règles d’hygiènes en vigueur au sein du secteur. Des formations récurrentes en microbiologie sont ainsi dispensées tandisque des contrôles réguliers de l’AFSCA veillent au respect des bonnes procédures sanitaires.

Selon cet éleveur, si le consommateur émettait encore récemment certains doutes sur les mesures d’hygiène en vigueur dans les boucheries et se tournait plutôt vers les viandes « plus aseptisées » vendues en supermarché, on assiste actuellement un à retournement de situation. Suite aux différents scandales sanitaires, les consommateurs se tournent de plus en plus vers le circuit court où le traçage des viandes est beaucoup plus transparent et la confiance entre éleveur et distributeur plus élevées.

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