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Affaire Chovanec : encore de nombreuses questions sans réponse

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

De nombreuses questions restent sans réponse dans l’affaire Chovanec, du nom de ce ressortissant slovaque mort en 2018 à l’aéroport de Charleroi suite à une intervention policière musclée. Ce mercredi, le ministre de l’Intérieur Pieter De Crem (CD&V) et le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) tenteront de répondre aux questions sur le comportement de la police et de la justice dans cette affaire.

Qu’est-ce qui a dérapé dans la cellule de Chovanec ?

Le 24 février 2018, le ressortissant slovaque Josef Chovanec a été arrêté à l’aéroport de Charleroi après s’être comporté de manière agressive au comptoir d’enregistrement. Il ne possédait pas de titre d’embarcation, alors qu’il s’apprêtait à prendre un avion à destination de son pays d’origine. Les images de sécurité « choquantes » diffusées mercredi dernier par Het Laatste Nieuws permettent de voir ce qui s’est passé cette nuit-là.

L’homme était très agité dans sa cellule toute la nuit. Il s’est cogné violemment la tête contre le mur jusqu’à en saigner. Des agents de la police aéronautique ont tente de le maîtriser sur son lit. Ses mains et ses pieds ont été liés, une couverture a été placée sur sa tête. Plusieurs policiers se sont alors assis sur lui pendant plusieurs minutes. Une policière a fait pendant ce temps-là un salut hitlérien. Lorsqu’un médecin a examiné Chovanec, il a constaté qu’il ne respirait plus. Il a dû être réanimé. Quelques jours plus tard, Chovanec est mort à l’hôpital.

Pourquoi les faits n’ont-ils pas été communiqués par la police de l’aéroport ?

André Desenfants, le numéro deux de la police fédérale en charge de la police aéronautique, a fait un pas de côté suite à la diffusion de ces images. Desenfants assure qu’il n’avait jamais vu les images de surveillance de l’arrestation auparavant et qu’il n’était pas au courant des événements. « Jusqu’à hier (mercredi, le jour où les images ont été rendues publiques), je ne savais pas que des collègues avaient été inculpés « , a-t-il expliqué. « Je veux savoir pourquoi je n’étais pas au courant de tous les faits qui se sont déroulés « , a-t-il déclaré aux chaînes de télévisions nationales dans le cadre d’une courte allocution à la presse.

Pendant ce temps, Danny Elst, le directeur de la police aéronautique, a aussi dû faire un pas de côté. Il a été transféré dans un autre département. Selon toute vraisemblance, il était au courant des faits. Selon les informations du Morgen, il a reçu un rapport mais il n’a pas donné suite à cette affaire. Il n’a pas demandé les images de la cellule. Il n’en a pas non plus informé ses supérieurs.

La police fédérale assure, pour sa part, ne pas avoir été tenue informée des faits avant leur parution dans la presse.

L’ambassade de Slovaquie à Bruxelles a pourtant évoqué « un grave incident consulaire à l’aéroport de Charleroi » dans une lettre adressée au SPF Affaires étrangères trois jours après l’arrestation. Le lendemain du décès, un employé diplomatique belge a demandé plus d’explications au Comité P.

Affaire Chovanec : encore de nombreuses questions sans réponse
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Ann Van de Steen, avocate de Henrieta Chovancová, la veuve du défunt, n’arrive pas à expliquer cette situation. « Cela m’étonne encore que la police fédérale dise qu’elle n’était pas au courant. C‘est dans la base de données du Parquet, et c’est suivi par le juge d’instruction et par le comité P. » La « police des polices« , saisie en 2018 par le juge d’instruction de Charleroi afin de procéder à certains actes d’enquête, était effectivement informée de l’affaire. Sa présidente déclare néanmoins avoir pris connaissance des images de vidéosurveillance par voie de presse.

L’ancien secrétaire d’État à l’asile et à la migration Theo Francken (N-VA) qualifie d’« inconcevable » sur Twitter le fait que ni lui ni l’ancien ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) n’aient été informés à l’époque des faits de la manière dont Chovanec est mort. Francken interroge également « l’entourage d’Elst ». Là aussi, il est nécessaire de savoir les détails de cette affaire. « Qui d’autre connaissait et a participé à cette opération de dissimulation ? Le Chef des opérations de la police aéroportuaire, Els Truyens« , demande Francken.

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Els Truyens travaille aujourd’hui pour l’actuelle ministre de l’asile et des migrations, Maggie De Block (Open Vld). Par l’intermédiaire de son porte-parole, la ministre a informé De Morgen, qu’après une conversation avec Truyens, « elle peut prouver qu’elle n’était pas au courant de l’affaire Chovanec. Nous gardons donc toute confiance en elle. »

Au sein des syndicats, certains s’interrogent aussi sur la tournure de cette affaire. « À l’époque, l’affaire s’est sue directement au sein du service. Les personnes concernées, étaient inquiètes et ont même interpellé les syndicats à ce sujet « , explique au Soir Patrick François, permanent syndical CGSP Police dans le Hainaut. Ce dernier tient à préciser qu’il était alors uniquement au courant du fait qu’une personne était décédée dans le contexte d’une arrestation, mais nullement des gestes perpétrés par les policiers et de leur attitude en cellule qu’il juge « intolérable ». Il s’étonne aussi du fait que la hiérarchie de la LPA Gosselies (l’unité de la police aéroportuaire de Charleroi) ait pu passer à côté des images avant que celles-ci ne soient saisies dans le cadre de l’enquête.

Pourquoi la police aéronautique n’a-t-elle pas été sanctionnée directement après les faits ?

La policière qui a été filmée alors qu’elle effectuait un salut hitlérien juste à côté de Chovanec dans sa cellule n’a été sanctionnée que la semaine dernière, elle a été replacée dans un autre service. D’autres sanctions disciplinaires peuvent suivre après une enquête interne de la police. Selon l’avocat de l’officier en question, il s’agissait d’une blague – très mal placée – elle avait 22 ans en 2018.

En parallèle à l’enquête judiciaire en cours, le ministre de l’Intérieur Pieter De Crem (CD&V) a également demandé à l’Inspection générale de la police d’ouvrir une enquête sur le volet disciplinaire de l’affaire.

Pourquoi l’enquête judiciaire sur la mort de Chovanec traîne-t-elle en longueur depuis plus de 2,5 ans ?

Les images des faits, filmées par une caméra de surveillance, ont été révélées mercredi dernier dans la presse néerlandophone sur impulsion de l’épouse de la victime, désemparée par la lenteur de l’instruction en cours.

Le parquet de Charleroi a déclaré dans le Het Nieuwsblad que l’affaire avait été retardée par la crise sanitaire et par les « actes d’instruction complémentaires » demandés par la famille de la victime. Comme la désignation d’un contre-expert médical. Mais cet expert, le docteur Kris Permentier, le nie formellement.

« Rien n’est vrai dans cette accusation. Le retard de l’enquête n’est absolument pas dû à moi« , a souligné plus tôt Kris Permentier. Il dit qu’il peut prouver que son examen était terminé au bout d’un mois. « La justice ferait mieux d’admettre qu’on n’est plus capable de fonctionner correctement », clame-t-il encore, cité par De Morgen.

Demande d’un audit de la police aéronautique

Ce mercredi, les commissions de l’Intérieur et de la Justice se réunissent. Le ministre de l’Intérieur Pieter De Crem (CD&V) et le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) tenteront de répondre aux questions encore sans réponse sur le comportement de la police et de la justice dans cette affaire qui a provoqué de sérieux remous au sein de la police fédérale.

Mais d’autres politiques ne comptent pas en rester là. Le chef de groupe PS, Ahmed Laaouej, demande dans La Libre la réalisation d’un audit en profondeur de la police aéronautique qui serait réalisé par le Comité P, l’organe de contrôle de services de police. La députée Vanessa Matz (cdH) souhaite, de son côté, que le commissaire général, Marc Demesmaeker, de la police fédérale soit également entendu en commission et que l’Inspection générale de la police procède à une enquête interne et viennent en exposer les résultats aux parlementaires.

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