Carte blanche

22 mars, un hommage à toutes les victimes

En ce 22 mars, nous commémorons un événement tristement historique qui a sans conteste marqué un tournant pour notre pays et particulièrement pour les personnes qui l’ont vécu de près.

Nos pensées vont à toutes les victimes et à leurs proches, à toutes les personnes présentes sur les lieux, volontaires, forces de l’ordre, chauffeurs de bus et toutes celles et ceux qui ont apporté leur aide aux survivants et géré la catastrophe les jours, les mois qui ont suivi. Ces attentats ont fait 32 morts, plus de 300 victimes directes et plus de 500 victimes indirectes, un chiffre sans doute sous-estimé alors que nombre d’entre elles ignorent souvent leur droit à être reconnue comme victime.

En ce 22 mars 2020, l’actualité vient perturber le devoir et le besoin de mémoire. Le confinement imposé pour venir à bout du Coronavirus a bien logiquement réduit l’ampleur des cérémonies de commémoration. Ce n’est pas pour autant que nous en oublions l’importance et que nous ne pensons pas aux victimes. Ces deux événements ne se ressemblent a priori pas et pourtant… Deux crises où le travail des services de secours, de santé, de sécurité et des travailleurs sociaux a été exemplaire. Deux crises où la spontanéité avec laquelle les citoyen.ne.s sont venu.e.s prêter main forte témoigne de la solidité des relations humaines et d’une solidarité que rien ne peut ébranler. Deux crises qui apportent avec elles des victimes directes et indirectes, qui seront chacune confrontée à l’après. Mais aussi deux crises qui mettent en lumière les défaillances de l’État et toutes les conséquences du désinvestissement chronique en cours depuis des années dans les services publics, de santé, de justice.

Quatre années se sont écoulées depuis les attentats du 22 mars 2016 et les témoignages des victimes restent poignants. L’indispensable processus de reconstruction s’apparente souvent à un long parcours du combattant.

En Belgique, suite aux attentats, une commission d’enquête parlementaire fédérale a été mise sur pied, laquelle a donné lieu à des recommandations pour les victimes. Leur mise en oeuvre (guichet unique, statut de victime, reconnaissance des associations d’aide aux victimes, expertise unique, fond de garantie nationale…) n’est aujourd’hui que partielle, les chantiers à finaliser restent nombreux alors que l’urgence des besoins n’a pas diminué. Depuis 4 ans, les victimes doivent en effet se battre pour se reconstruire et surmonter de nombreux obstacles, notamment administratifs (des procédures à n’en pas finir, des délais pour demander des indemnités ou la reconnaissance du statut de victime…). Chaque nouvelle étape de commémoration ravive des souvenirs douloureux, des plaies qui ne sont pas encore refermées.

Depuis lors, l’Union Européenne a demandé aux États d’aller plus loin dans l’aide aux victimes. L’arsenal législatif – dont trois directives relatives aux victimes de terrorisme – existe, mais de nombreuses provisions ne sont pas effectivement appliquées par les États membres, y compris la Belgique. En janvier 2020, suite à une demande du Parlement européen, un « centre d’expertise, de conseil et de soutien pour les victimes de terrorisme » a été mis sur pied afin d’identifier et de développer les bonnes pratiques pour une protection et une assistance appropriées aux victimes de terrorisme partout en Europe. La Commission européenne a annoncé la parution d’une stratégie transversale sur les droits des victimes pour juin 2020. Cette stratégie devra prévoir une accélération de la mise en oeuvre des dispositions européennes au niveau des États membres. Car si l’ensemble législatif existant est toujours perfectible, la priorité pour les victimes aujourd’hui est la mise en oeuvre concrète et pratique des provisions prévues par les différentes directives : droits, soutien et protection des victimes ; droit d’être entendu, de comprendre et d’être compris, droit de recevoir des informations, de déposer une plainte et d’accéder aux services d’assistance ; indemnisation quel que soit le pays de l’attentat et de résidence ; droit à une aide immédiate suite à un attentat terroriste, droit d’accès à un soutien médical et psychologique.

Enfin, une nouvelle étape difficile à venir pour les victimes est l’ouverture du procès des attentats annoncée en septembre 2020. Dans ce cadre, loin des discours sécuritaires trop entendus ces dernières années et d’un désinvestissement chronique dans la justice, un autre rôle des autorités publiques est de reconstruire les conditions du « vivre ensemble », de sociétés basées sur la solidarité, le dialogue et l’ouverture et d’assurer que la justice puisse avoir lieu dans des conditions sereines. En somme, tout ce que les auteurs d’actes terroristes de tous bords visent à combattre. Nous souhaitons que l’ouverture du procès témoigne de la maturité d’une société démocratique solide, qui se serre les coudes face à la terreur et inclut toutes les personnes, sans discriminations, qui visent à combattre un seul et même mal : celui d’idéologies basées sur la haine. Une étape qui fera oeuvre de justice, mais aussi de mémoire et de souvenir envers les victimes, le moment de mettre des expériences, des ressentis, des trajectoires de vie personnelles sur chacune des victimes, qui jour après jour tentent de se reconstruire.

Saskia Bricmont, Députée européenne

Laurent Heyvaert, Député wallon

Gilles Vandenburre, Député fédéral

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