Nicolas De Decker

14 février 2020: la Belgique a son massacre de la Saint-Valentin

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le Roi a accepté de décharger Koen Geens de sa mission. Il était censé explorer toutes les pistes de coalition, son parti l’a forcé à ne se concentrer que sur celle associant le PS et la N-VA.

Des leurres et des beaux costumes, des pièges, des branques et des sulfateuses, des vainqueurs, des vaincus et des idées de contrebande. C’était un 14 février, et ce n’était pas encore en Belgique en 2020. C’était à Chicago et Al Capone avait chargé un de ses gros bras, Jack la Sulfateuse, d’en finir avec la bande irlandaise de Moran le Branque qui, dans le Nord de la ville, commençait à lui rogner trop dangereusement des parts de marché. Le matin de la Saint-Valentin 1929, la Sulfateuse avait attiré les Irlandais au fond d’un vieux garage, en leur faisant croire à une livraison de whisky de contrebande. Une fausse descente de police avait permis de désarmer les émissaires du Branque, qui avaient été tirés comme à la foire. Sept d’entre eux ne s’en étaient pas relevés, et la bande du Branque avait été affaiblie pour toujours.

Les autorités de Chicago reconstituent le massacre de la Saint-Valentin, le plus atroce de l'histoire de Chicago, qui a été planifié dans la résidence de Al Capone en Floride.
Les autorités de Chicago reconstituent le massacre de la Saint-Valentin, le plus atroce de l’histoire de Chicago, qui a été planifié dans la résidence de Al Capone en Floride.© NY Daily News Archive via Getty Images

Ce vendredi matin pourtant une rafale a résonné en Belgique. C’était la rafale de Paul Magnette, ratatatatata, au Soir et à Sudpresse, ratatatata, au Standaard et au Laatste Nieuws, ratatatata, sur La Première et sur LN 24. La cible, le CD&V qui avait déjà désarmé son propre missionnaire royal et candidat Premier ministre, Koen Geens, en le contraignant à n’explorer qu’une seule piste, celle dont le PS ne veut pas, celle qui verrait la N-VA conclure un accord de gouvernement fédéral avec le PS. Celle que le PS, salve après salve, a encore mitraillée ce matin, ratatata, ratatatata, ratatatata, après du reste plusieurs mois de canonnade, et celle dont les socialistes espèrent qu’elle ne se relèvera pas. Celle à laquelle Koen Geens lui-même, dit-on, ne croyait plus depuis longtemps. Celle à laquelle son parti, le quatrième de Belgique au nombre de voix, le sixième plus grand groupe parlementaire de la Chambre, pourtant, s’accrochait avec l’obstination d’un Irlandais des quartiers nord de Chicago.

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Leurre des élections anticipées ?

Les élections anticipées sont dans toutes les têtes, et tout le monde est déjà occupé à les préparer. Leur convocation est possible, mais elle n’est pas certaine. Mais il ne faudra pas seulement, pour dissoudre le parlement, l’accord d’une majorité (simple ou absolue selon la configuration) des députés, mais aussi l’accord du gouvernement, où ne siègent que MR, VLD et CD&V. Ces trois partis sont ceux qui, en dernier ressort, décideront.

C’est pourquoi ces élections ne sont jamais jusqu’à présent évoquées que comme un leurre, grâce auquel on attirerait puis coincerait l’adversaire. Le PS fait savoir qu’il ne les craint pas et c’est peut-être vrai : une campagne comme en 2010, portant sur l’avenir de la Belgique, et dans laquelle il se poserait en garant des intérêts francophones pourrait lui profiter. La N-VA signale qu’elle prend acte du « diktat » du PS et c’est sans doute un soulagement : elle pourra poser en victime de l’intransigeance irresponsable de la gauche wallonne. Le MR fait savoir qu’il faut les éviter mais il n’en a pas peur : la disparition du PP et des Listes Destexhe pourrait lui rendre les sièges qu’il avait perdus pour quelques centaines de voix dans plusieurs circonscriptions (à Liège, Bruxelles et dans le Hainaut) au scrutin du 26 mai dernier. Le CD&V fait semblant de rien et c’est parce qu’il a tout à y perdre : les électeurs flamands qui lui sauraient gré d’avoir défendu avec tant d’acharnement la présence de la N-VA au gouvernement fédéral ne le récompenseraient pas. Ils voteraient N-VA. Au fond donc, chacun fait sonner son leurre. Quand Paul Magnette dit qu’il ne faut pas avoir peur des élections, c’est encore un argument pour la négociation d’un gouvernement. Quand Georges-Louis Bouchez dit qu’il ne faut pas d’élections, et lance le hashtag #noelections, c’est déjà un argument de campagne électorale.

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En attendant, le CD&V s’est retrouvé piégé dans le fond d’un garage un peu glauque, dans les viseurs qui se croisent, ceux des socialistes francophones et des séparatistes flamands, ça a tiré dans tous les sens et, au soir de la Saint-Valentin 2020, on en était encore à ramasser les douilles chaudes et à identifier les victimes. On verra si le garage un peu glauque qu’est le Royaume de Belgique, lui, tiendra encore longtemps debout.

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