Graffiti pour le "street urban festival" de Kasserine en 2013 © Facebook / Street urban festival

Tunisie: des graffitis pour lutter contre l’enrôlement des jeunes au djihad

Stagiaire Le Vif

Foyer de l’insurrection en 2011 contre le régime de Ben Ali, la ville de Kasserine en Tunisie est le bastion de groupes djihadistes. Dans un contexte où les perspectives d’emploi sont faibles, pour les jeunes notamment, les risques de se laisser séduire par le djihad sont élevés. Pourtant, dans cette grande ville du centre-ouest du pays, le pouvoir du spray et du graffiti pour protéger les jeunes des recruteurs donne une lueur d’espoir.

À Kasserine, le climat est tendu. La ville n’est située qu’à une quinzaine de kilomètres du mont Chambi, connu pour être un lieu d’entraînement de groupes islamiques. À une grosse heure de voiture s’érige la frontière algérienne par laquelle passent de nombreux combattants. C’est aussi l’une des villes les plus pauvres du pays, là où le chômage chez les jeunes est élevé. De nombreux jeunes hommes se retrouvent marginalisés et vulnérables au pouvoir de séduction des recruteurs extrémistes.

En 2014, selon les recensements de la population, le chômage atteignait les 23% contre 15% à l’échelle nationale. En outre, les indices de développement régional et humain sont les plus faibles du pays. « Les jeunes sont désespérés ici« , se lamentait Aziz, président de l’Association tunisienne d’insertion professionnelle des jeunes diplômés, dans un article deswissinfo. Selon lui, 80 à 90% des jeunes diplômés de la région sont au chômage. « A part le secteur informel, il n’y a absolument rien« .

Art versus extrémisme

Un fardeau pour les jeunes donc qui se tournent, le plus souvent par dépit, vers des organisations militaires radicales. Il faut dire que la Tunisie est le plus large exportateur de militants djihadistes dans le monde. Selon l’ONU, plus de 5 500 Tunisiens âgés de 18 à 35 ans ont rejoint les rangs de l’Organisation de l’état islamique ou d’Al-Qaida. Des experts de l’ONU qui expliquaient qu’au-delà des simples convictions religieuses, « de nombreux autres jeunes étaient séduits par les promesses financières et le sentiment d’avoir un but et d’appartenir à un groupe« , rapportait le Guardian.

Pour contrer ce phénomène grandissant, certains jeunes s’orientent vers le graffiti qui s’avère être une arme artistique de choix. Tarek Dhibi, un étudiant de 23 ans a choisi cette voie et a inventé une série d’ateliers pour les jeunes. « Cette ville est folle. Après la révolution, le gouvernement n’a rien fait pour nous…il y a tant de personnes qui haïssent la société. C’est pourquoi il y a autant de jeunes qui rejoignent Daesh. Ils y gagnent de l’argent alors qu’ils n’ont rien avec leur vie d’ici. Ils n’ont pas de but donc ils sont facilement convaincus« , justifie-il. Il a donc décidé de leur apprendre comment exprimer leur potentiel artistique grâce à un spray. Il espère aussi que cela les aidera à se créer une forte identité et donc être moins influençables.

«  Le graffiti m’a montré comme on peut réussir même si l’on a rien« , explique-t-il. Tarek fut initié à cet art grâce à Karim Jabbari. Ce dernier avait d’ailleurs organisé la première édition du festival « Urban Streets Arts » en 2013 dans cette même ville de Kasserine. L’idée était déjà à l’époque de réveiller l’âme vibrante de Kasserine et d’introduire une dynamique artistique et culturelle dans la région.

Les deux artistes ont lancé des ateliers de graffitis afin de travailler sur les murs de la prison de la ville. Basées sur des poèmes révolutionnaires du 20ème siècle, les oeuvres combinent le graffiti et la « calligraffiti » (ou calligraphie arabe). Pour Tarek Dhibi, cet art mural est une stratégie parmi tant d’autres pour faire changer les choses. « Je veux partager mon inspiration avec le groupe. Il faut que l’on soit comme des frères et soeurs « .

Par F.Ca.

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