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Pourquoi certains peuples sont-ils plus heureux que les autres ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Passionné par les classements sur le bonheur, l’écrivain flamand Jan De Deken a parcouru le monde pour tenter de déceler les secrets des habitants de la planète les plus heureux, mais aussi les plus malheureux. Son livre « Melk, honing, en kerosine » (Lait, miel, et kérosène) raconte son périple à travers onze pays et six continents.

En 2011, De Deken a l’idée de ce voyage en apprenant que Singapour est le pays le plus malheureux du monde. Cette année-là, Singapour finit dernière au classement de l’Institut de sondages Gallup, derrière l’Afghanistan et l’Irak.

Interrogé par le quotidien De Volkskrant sur le sérieux de ces listes de pays heureux et malheureux, il explique que ces classements simplifient la situation, et qu’ils se concentrent chacun sur des aspects différents. Les Nations-Unies par exemple mesurent surtout la satisfaction et là c’est la Scandinavie qui affiche le niveau le plus élevé. L’OCDE s’intéresse à de nombreux indicateurs de prospérité, et l’Australie est en tête de son classement pendant des années.

Quant à l’Institut de sondages américain Gallup, il se concentre sur les émotions, et ce sont souvent des pays d’Amérique latine qui tirent leur épingle du jeu. « Cela explique aussi les mauvais résultats de Singapour. Si vous posez des questions telles que : avez-vous ri hier, et avez-vous eu beaucoup de plaisir hier, vous n’avez évidemment pas toute l’histoire. Aussi les classements de Gallup fluctuent-ils très fort », explique-t-il.

Au cours de ses voyages, De Deken a constaté que le bonheur ne dépendait forcément pas du niveau de prospérité. Il cite l’exemple de l’écart de bonheur d’Asie de l’Est où le bonheur ne suit pas la croissance économique. Selon lui les habitants y sont très axés sur les performances et accordent beaucoup de valeur à l’apparence, deux attitudes qui ne rendent pas heureux.

« En Occident, les parents inculquent un maximum de confiance en eux à leurs enfants. À Singapour, les parents poussent leurs enfants à faire toujours mieux. Une telle pression ne rend pas heureux. Il y a une peur énorme de prendre du retard. Ils ont de toute façon très peur. Peur du gouvernement, peur d’être volé, etc. », déclare-t-il au Volkskrant.

Coup de baguette magique

Sans surprise, il s’est également rendu compte que se comparer aux autres rend malheureux. Il l’a particulièrement senti en Bulgarie, un pays qui se trouve en fin de classement. « Les Bulgares se trouvent mal lotis par rapport aux autres pays d’Europe, même si on voit que le développement économique progresse. Ils se comparent non seulement à d’autres Européens, mais aussi aux attentes qu’ils avaient en accédant à l’UE. Il n’y a pas eu le coup de baguette magique auquel ils s’attendaient. »

Selon lui, c’est là un sentiment généralisé parmi les habitants de l’ancien bloc de l’Est. « Ils se sentent frustrés. Il y a de la démocratie, mais les citoyens doivent en cueillir les fruits sous forme de bonne gestion, de moins de corruption. »

Jan De Deken s’est également rendu au Rwanda, un pays beaucoup plus malheureux que ne le laissent paraître les critères objectifs. « Il est question d’un optimisme de progrès où c’est le régime qui détermine à quoi ressemble le progrès. Ainsi, le président Kagama a décrété que les Rwandais ne pouvaient plus se promener pieds nus, car c’est indigne du pays. Et donc dans le centre de la capitale tout le monde a des chaussures. Si on sort de la ville et qu’on roule un quart d’heure, la réalité est tout à fait différente du Rwanda destiné à plaire aux investisseurs. Et quand on s’éloigne de dix kilomètres de la ville, les habitants n’ont pas d’argent pour manger, encore moins pour des chaussures. Et sans chaussures, ils ne peuvent plus proposer leurs produits en ville. Ils sont donc moins bien lotis qu’avant. »

Simplicité

Au cours de son voyage, les personnes les plus heureuses qu’il a rencontrées, l’étaient grâce à leur travail. « Je me rappelle d’un cowboy d’Uruguay qui entraîne des chevaux, ce dont il rêvait déjà enfant, et qui veut éviter que la modernité fasse disparaître son métier. Il n’entraîne pas ses propres chevaux, il n’a pas d’argent pour ça. S’il est heureux, c’est aussi parce qu’il se contente de simplicité. Les Uruguayens, l’ancien président José Mujica en tête, sont très doués pour cela », conclut De Deken.

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