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Et si les campagnes en faveur d’une alimentation saine manquaient leur cible?

A l’heure où il n’est question que de malbouffe, de régime et de risque d’obésité, la pression est très forte sur les enfants concernant le « poids idéal ».

Une récente étude menée par l’Université de Gand soulignait que de nombreux enfants flamands, de seulement sept ans, se trouvent gros et laids et qu’un tiers des enfants encore à l’école primaire pensent même, régulièrement, à se soumettre à un régime. En Flandre, 12% à 13% des enfants de l’école primaire s’inquiètent au moins une fois par semaine de leur régime alimentaire, leur poids et leur apparence. Or, une large majorité de ces écoliers n’a aucun problème de poids.

Isabelle Namèche, diététicienne au CMSE Namur, souligne qu’elle n’a pas connaissance des chiffres pour le côté francophone du pays. « Je ne peux parler que de mon expérience professionnelle sur le terrain, précise-t-elle. Les problèmes de surpoids et d’obésité sont en augmentation, et ce, dès le plus jeune âge. Quant à dire qu’il y a de plus en plus d’enfants qui se trouvent trop gros ou obèses, c’est difficile de l’affirmer. Les enfants en surpoids ou obèse ne parlent pas facilement de ce qu’ils ressentent… mais de toute évidence la prévalence de l’obésité est en augmentation et les services de santé scolaires tentent de les mettre en évidence en sensibilisant les parents à cette problématique. »

De plus en plus jeunes, les enfants sont donc soucieux de leur silhouette et de leur apparence physique. Auparavant cette préoccupation était plutôt l’apanage des adolescents.

Pour Isabelle Namèche, les enfants commencent généralement à s’inquiéter de leur poids à partir de l’âge de 8-10 ans, et c’est souvent en raison des remarques ou moqueries de l’entourage et/ou des difficultés de s’habiller.

Obésité toujours en augmentation

En mai 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mettait en garde : « L’Europe va faire face à une véritable épidémie d’obésité d’ici à 2030 ». En Belgique, 12% de la population adulte souffre de cette maladie et 20% des adolescents de moins de 16 ans sont en surcharge pondérale, selon le rapport de l’OMS.

La faute incombe en partie à la malbouffe bien sûr. Par manque de temps, par facilité, nous nous rabattons trop facilement sur des plats tout préparés, pas toujours très équilibrés. Les enfants suivant l’exemple des parents, les kilos s’installent dans la famille.

La « sédentarisation » est également en cause. C’est paradoxal à une époque où les parents n’ont jamais « couru » autant pour conduire leurs bambins à diverses activités, mais celles-ci ne sont pas toujours sportives… De plus, à une époque où les parents n’osent plus lâcher leur progéniture dehors, il est de plus en plus rare de voir des enfants de moins de 12 ans attraper leur vélo et aller rejoindre des copains pour taper le ballon avant de rentrer faire leurs devoirs. Pourtant ces moments de jeux et d’activités contribuent à la bonne santé physique de l’enfant.

Souvent, le seul moment de défoulement sportif est le club de sport. Or ce club à un coût non négligeable. Coût à multiplier par deux, trois, quatre enfants. En plus de jongler avec les différents horaires des uns et des autres…

Alors quand l’enfant n’a pas envie de bouger, ou n’est pas spécialement sportif, bon nombre de parents sont bien heureux de… le laisser « tranquille ».

Il faut éduquer les parents

Violaine Sevrin, pédiatre au CMSE Namur et Isabelle Namèche sont unanimes : donner de bonnes habitudes alimentaires, c’est le rôle des parents !

Manger sainement, de tout et de manière équilibrée, sans excès. Répéter encore et encore qu’il faut limiter le temps passé sur les écrans, et que « bouger » est nécessaire. Que les « crasses » sont autorisées, mais cela doit rester occasionnel, tout comme les boissons sucrées de type sodas.

Un rôle d’éducateur que les parents doivent endosser en première ligne, mais l’école doit également remplir sa part du contrat en prenant le relais. « Or souligne Isabelle Namèche, il y a souvent malheureusement un souci à ce niveau… »

Pas indispensable la collation ?

L’école est régulièrement pointée du doigt, en cause les distributeurs de « crasses » trop présents, mais surtout à cause des collations « obligatoires ».

Pourtant des efforts ont été faits ces derniers temps au sein des établissements, notamment au niveau des collations. « En effet, certaines institutions scolaires imposent des collations, explique la diététicienne. Même si certaines écoles tentent d’imposer des collations saines, on rencontre malheureusement souvent une liberté de la part des parents et/ou de certains enseignants, qui fait que la consommation de snacks et gâteaux est beaucoup trop fréquente, ce qui entraîne de mauvaises habitudes alimentaires dès le plus jeune âge. »

Et de renchérir que « si l’enfant a une alimentation équilibrée, c’est-à-dire qu’il a pris un bon petit déjeuner, que le repas de midi est prévu, qu’il goûte en rentrant de l’école et prend un repas en famille le soir, les collations ne sont absolument pas indispensables. Et pour les enfants qui ne peuvent pas déjeuner à la maison, il est préférable de prévoir une boîte « petit déjeuner » plutôt qu’une collation sucrée pour 10h. Pour les autres, l’en-cas de la matinée a surtout pour objectif d’équilibrer le petit déjeuner, c’est à dire grâce à 1 fruit ou un produit laitier. »

Du positif plutôt que du répressif

Il n’empêche que les chiffres sont alarmants… Et que les campagnes de prévention qui sont régulièrement faites sont nécessaires.

L’an passé, Françoise Heureux endocrinologue au CHU UCL Namur déclarait sur le site rtbf.be qu' »il faut faire peur aux gens. Leur expliquer que l’obésité ce n’est pas qu’un souci esthétique, c’est une maladie chronique qui entraîne de nombreuses complications comme des problèmes cardiovasculaires, neurologiques, pulmonaires, le diabète et qui augmente le risque de développer un cancer. »

Or l’étude de l’Université de Gand met également un fait nouveau sous les projecteurs : toujours plus d’enfants d’à peine 10 ou 11 ans montrent des symptômes de troubles alimentaires, alors qu’avant ces troubles apparaissaient plutôt chez les adolescents. « Etre trop axé sur la nourriture et ce qui se trouve dans notre assiette mène à des troubles alimentaires et à l’obésité », explique An Vandeputte, directrice d’Eetexpert, centre d’expertise en la matière en Flandre.

Alors à vouloir bien faire n’en fait-on pas trop ? A vouloir faire peur, et de surinformer afin d’être certain d’avoir été entendu, ne risque-t-on pas de donner aux enfants une image qui pourrait paraître problématique d’une alimentation saine ?

« Les messages qu’il faut faire passer aux enfants, et sans doute davantage auprès des plus petits devraient plutôt être orientés vers ce qu’il est bon de manger afin d’être en bonne santé. Plutôt que de lister les aliments à ne pas manger, pour tout un tas de raisons, qui ne sont peut-être même pas claires pour les enfants », explique Violaine Sevrin.

Et là le rôle d’éducateurs revient à nouveau dans les mains des parents. Plutôt que de réprimander d’un « c’est beaucoup trop sucré, tu vas grossir », pourquoi ne pas justement lui expliquer ce que cela veut dire « manger trop sucré ». Un décodage avec l’enfant pour lui apprendre concrètement ce qui se cache derrière ces mots utilisés dans les campagnes de prévention.

« Peut-être qu’un discours positif aurait moins d’impact sur la vision que les enfants ont de leur corps », conclut le docteur Sevrin.

Il faut lutter contre l’obésité et la malbouffe, et pour cela l’information et la prévention sont importantes, mais ces dernières doivent se faire avec tact auprès des enfants réellement en surpoids (et auprès de leurs parents) afin d’éviter toute stigmatisation de l’enfant et le risque de phobies alimentaires chez d’autres enfants qui ne seraient pas concernés.

La frustration entraîne la compensation. Il n’est pas bon d’interdire totalement tout soda, sucre, bonbons ou autres barres chocolatées, car le risque est grand que soit l’enfant en consomme en cachette (avec tout le risque de surpoids que cela comporte) soit qu’il développe une certaine appréhension à l’encontre de ces « douceurs », qui néanmoins doivent rester occasionnelles.

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