Patar et Aubier : c’est l’humour fou !

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le tandem d’animateurs belges fait des étincelles dans une série de Panique au village qu’un DVD festif restitue dans sa jouissive folie !

(1) Repris en  » bonus  » sur le DVD, et refait plus professionnellement dans la série diffusée par Canal +.

Panique au village. Un DVD Studio Canal distribué par Bang !

Imaginez un univers où se retrouveraient l’esprit d’Alfred Jarry (le créateur d’ Ubu roi), le rythme frénétique et le délire de Tex Avery, la folie anarchisante de Terry Gilliam et… vos jeux de gosse avec des figurines d’animaux, de cow-boys et d’Indiens. Drapez le tout de plasticine modelée de la façon la plus inventive, semez la bande sonore de succulents accents wallons et agitez le tout dans de courts épisodes aussi ravageurs les uns que les autres. Vous obtiendrez Panique au village, série culte diffusée sur Canal + et où le talent féroce du tandem Patar-Aubier explose de façon formidable. Désormais disponible en un DVD remarquablement conçu et réalisé, cet ensemble d’une dinguerie éminemment communicative est à ce jour la réalisation maîtresse de deux loustics qui ont déjà crevé l’écran avec leur Pic Pic André Show.

Dans un univers rural, on y assiste aux aventures de Cheval, Coboy et Indien, rejoints souvent par leurs voisins fermiers Steven et Janine. Un gendarme et plein d’animaux facétieux s’ajoutent au tableau chaque fois réinventé par ses créateurs, dans un esprit loufoque et sainement agressif qui pousse dans leurs derniers retranchements les nerfs zygomatiques. Face à la tornade Panique au village, toute résistance est inutile !

Vincent Patar (né en 1965 à un jet de pierre de Virton) et Stéphane Aubier (1964, Verviers) sont à l’animation contemporaine ce que Laurel et Hardy furent au cinéma burlesque : un duo idéalement complice, bosseur en diable et d’une inspiration unique, faisant du comique absurde, consternant et volontiers destructeur une voie royale vers les sommets de l’hilarité. Nos deux zigues se sont rencontrés très jeunes et sont allés ensemble étudier à Saint-Luc, à Liège, dans l’idée de faire de la bande dessinée. Mais, tentés par l’animation, ils vinrent s’inscrire ensuite à La Cambre, à Bruxelles, où naquit la saga de ce qui allait devenir Panique au village.  » Nous étions en dernière année à La Cambre, raconte Vincent Patar, et nous n’avions réalisé qu’un petit film, ensemble. Les profs nous ont dit :  » Les gars, vous n’allez pas continuer à dormir comme ça pendant trois ans sur un seul film ! Vous pourriez faire autre chose…  » L’autre chose, ce fut quelques petits trucs de mon côté et, pour Stéphane, un film utilisant les maquettes et figurines qui traînaient dans l’appartement que nous par- tagions à l’époque. Ce fut le premier Panique au village !  » (1).  » Un copain architecte, sans doute pris de folie, s’était mis en tête de fabriquer des maisons avec des éléments trouvés dans des boîtes d’£ufs, précise Stéphane Aubier, et en voyant les décors qu’il réalisait, j’ai eu envie d’y filmer des personnages. Comme je manquais de technique pour manipuler la pâte à modeler, j’ai pris ces figurines de cow-boy et d’Indien que tous les gosses connaissent, et j’en ai fait mes héros.  »

Un peu plus tard, Vincent Tavier, complice de Poelvoorde et consorts dans C’est arrivé près de chez vous et devenu producteur très actif, eut l’idée de prolonger cette expérience dans une série qui ne coûterait pas cher et serait  » jouable  » en télévision.  » Nous allions rester dans l’artisanal, le côté petite famille « , poursuit Patar, conscient du fait que l’animation traditionnelle est chose fort chère, demandant beaucoup de temps et un nombre élevé de collaborateurs. En concevant Panique, il était inutile d’être nombreux, et l’on pouvait démarrer avec peu de décors, la vision en continu et en chronologie permettant de voir ces derniers augmenter en quantité comme en qualité, rendant certains épisodes très spectaculaires et quasi hollywoodiens ! La plasticine s’ajoutant aux figurines fixes (mais en conservant les plaquettes formant la base sur laquelle les personnages jouets sont fixés pour tenir debout !), le développement des idées pouvait se faire quasiment sans limite, qui plus est, assez rapidement, et le duo ne se fit pas prier pour déchaîner son imagination.  » Au début de la production, nous avons passé sept semaines à fabriquer le grand décor extérieur et ceux de l’intérieur des maisons, puis nous avons commencé à tourner, en débutant par les histoires les plus faciles à réaliser, explique Stéphane Aubier. Et, au fur et à mesure des épisodes, nous ajoutions tel ou tel élément, jusqu’au monde sous-marin que l’on découvre seulement à la fin de la série, alors que nous l’avions en tête dès le début.  »

Bientôt le monde !

Le monde de Panique au village se nourrit de plusieurs paradoxes. Le chaos y tient une large place, alors qu’on sait la minutie et l’organisation la plus précise essentielles au processus de réalisation d’un film d’animation. Il offre, d’autre part, une réjouissante impression de bricolage improvisé, alors que, d’évidence, une grande maîtrise technique est à l’£uvre, sans laquelle rien d’aussi réussi ne saurait exister.  » Nous avons voulu préserver le côté brut de notre animation pour que les gens l’apprécient tel quel, en voyant d’emblée qu’il ne s’agit pas d’images de synthèse, commente Aubier, et peut-être cela rapproche-t-il encore les personnages du public.  » Vincent Patar ajoute que  » le scénario est soigneusement ficelé, tout est dessiné précisément à l’avance dans un story-board, ce qui nous permet ensuite, au tournage, de nous livrer sans trop de risque à des improvisations au gré des choses qui nous viennent à l’esprit au moment même « .

 » Ces personnages sont au fond très proches de nous !  » constate très sérieusement Stéphane Aubier. Panique au village apporte une nouvelle preuve du fait que le plus sûr chemin vers l’universel est encore d’oser se montrer très particulier, avec ces accents wallons, par exemple, que prennent les personnages auxquels Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde et Frédéric Jannin prêtent, entre autres, leur voix. Primée dans plusieurs festivals, dont celui très important d’Annecy, la série est promise aux plus belles destinées internationales. Les télévisions italienne, suisse, allemande, finlandaise, hollandaise, norvégienne et japonaise en ont déjà acheté les droits. Et une version en anglais est en cours de finition aux studios Aardman à Bristol, prestigieux creuset de perles comme Wallace et Gromit et Chicken Run. Patar et Aubier se sont assurés que là aussi, des accents du terroir (britannique, cette fois) viendront ancrer Panique dans sa si savoureuse réalité…

Louis Danvers

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