Les statues de Lénine vont être détruites. © BELGAIMAGE/Sergei Supinski

Un an de guerre en Ukraine: du réveil séparatiste au gel de la ligne de front

Le 6 avril 2014, des militants pro-russes s’emparent du siège de l’administration régionale à Donetsk et de celui des services secrets à Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, début d’une rébellion contre Kiev qui va basculer dans la guerre et faire plus de 6.000 morts.

Ces rebelles s’opposent aux pro-occidentaux arrivés au pouvoir à Kiev après les manifestations qui ont provoqué la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch. Hostiles au rapprochement avec l’UE et à l’Otan souhaité par les nouvelles autorités, ils affirment que les russophones de l’est du pays sont menacés par la « junte fasciste » au pouvoir à Kiev.

« A Kiev, on nous refuse le droit de parler russe! Et on réhabilite le fascisme. Nous voulons être rattachés à la Russie le plus vite possible », résume à l’époque Valentina Fiodorova, une retraitée de 63 ans vivant à Donetsk.

Les chefs de l’insurrection proclament aussitôt la création des « Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk », dans un style très soviétique, la nostalgie de l’URSS étant forte chez les rebelles.

Certains sont pour la fédéralisation du pays, avec une large autonomie au sein de l’Ukraine, d’autres pour l’indépendance. D’autres encore prônent un rattachement pur et simple à la Russie, comme cela a été le cas pour la Crimée, annexée deux semaines auparavant par le Kremlin, ce qui a provoqué la pire crise entre la Russie et les Occidentaux depuis la fin de la Guerre froide.

De nombreuses villes passent du côté séparatiste et des groupes d’hommes armés font leur apparition sur le terrain. Kiev ne réagit pas et donne l’impression de ne plus contrôler la situation dans cette région minière et industrielle.

Un référendum à la va-vite

Dans les zones rebelles, un référendum est organisé à la va-vite le 11 mai. Sans surprise, le résultat est favorable à l’indépendance. Le scrutin est considéré comme nul et non avenu par Kiev et les Occidentaux.

Kiev lance mi-avril une « opération antiterroriste » pour reconquérir les territoires perdus. De premiers combats meurtriers ont lieu le 26 mai à l’aéroport de Donetsk. A Moscou, le président russe Vladimir Poutine demande « l’arrêt immédiat de l’opération punitive » de Kiev.

« Des millions de Russes et de russophones vivent en Ukraine. La Russie défendra toujours leurs intérêts », avait déclaré M. Poutine deux semaines avant le début de la rébellion.

Le sentiment prévaut alors chez les Occidentaux que Moscou veut tout faire pour empêcher Kiev de se rapprocher de l’UE et de l’Otan.

La guerre s’étend

Peu à peu, la guerre s’étend dans l’est où les séparatistes gagnent du terrain face à une armée ukrainienne désorganisée. Kiev et l’Otan dénoncent l’arrivée massive en provenance de Russie d’unités combattantes, de blindés et de canons qui passent la frontière, dont une partie est contrôlée par les rebelles. Moscou dément et reconnait juste que des volontaires russes combattent aux côtés des rebelles.

En juillet, Kiev lance une offensive qui semble inverser le cours des choses: les rebelles abandonnent leur place-forte de Slaviansk et l’armée ukrainienne reprend le port stratégique de Marioupol, sur la mer d’Azov.

Le 17 juillet, un Boeing malaisien est abattu dans une zone où les combats font rage. Les belligérants se rejettent la responsabilité du drame qui a fait 298 morts. Les Européens décident alors d’adopter avec les Etats-Unis des sanctions contre Moscou, implicitement accusé d’avoir fourni le missile avec lequel les rebelles auraient abattu l’avion.

Contre-attaque

Mais fin août, les séparatistes lancent à leur tour une contre-attaque: ils desserrent l’étau autour de Donetsk et Lougansk, menacent Marioupol et infligent une défaite majeure aux Ukrainiens à Ilovaïsk, où plus de 360 soldats de Kiev sont tués et 180 autres portés disparus.

« La cause principale de ces défaites, c’est la présence de troupes russes. Sans les Russes, nous aurions terminé le travail à la fin de l’été », déclare à l’AFP un haut responsable des services de sécurité ukrainiens sous le couvert de l’anonymat.

Après des mois de vains efforts diplomatiques, Kiev et les séparatistes signent en septembre à Minsk un accord qui prévoit un cessez-le-feu et trace les grandes lignes d’un règlement politique du conflit, avec une autonomie accrue pour les régions rebelles.

Mais le cessez-le-feu ne tient pas longtemps et de violents affrontements se poursuivent, notamment autour de l’aéroport de Donetsk qui tombe fin janvier sous contrôle rebelle, après neuf mois de combats.

En février, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel convainquent MM. Poutine et Petro Porochenko de réaffirmer leur soutien aux accords de Minsk et un nouveau cessez-le-feu est alors proclamé.

Ce qui n’empêche pas les séparatistes de s’emparer quelques jours plus tard de la ville de Debaltseve, verrou stratégique entre Donetsk et Lougansk, après une dizaine de jours d’affrontements. Depuis, la ligne de front est gelée et le cessez-le-feu est globalement respecté.

Chronologie: un an de conflit meurtrier dans l’est de l’Ukraine

Voici les dates-clés du conflit entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, où les combats ont fait plus de 6.000 morts en un an. Un cessez-le-feu entre les deux camps reste globalement respecté malgré des affrontements sporadiques.

2014:

– 6 avril: deux semaines après l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie, des manifestants prorusses s’emparent de bâtiments officiels dans les principales villes de l’est de l’Ukraine: Donetsk, Lougansk et Kharkiv. Dans les jours qui suivent, ils proclament les « Républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk.

– 14 avril: deux jours après la prise de la ville de Slaviansk par les rebelles, Kiev déclenche une « opération antiterroriste » pour reprendre par la force les zones contrôlées par les séparatistes.

– 2 mai: une quarantaine de personnes, majoritairement des militants prorusses, périssent à Odessa (sud du pays), dans un incendie criminel à la suite d’affrontements avec des partisans pro-Kiev. Les violences font craindre une extension de l’insurrection prorusse dans le sud de l’Ukraine.

– 11 mai: « Oui » massif des régions de Donetsk et de Lougansk au référendum d’indépendance organisé par les séparatistes. Kiev et les Occidentaux dénoncent ce scrutin comme « illégal », tandis que la Russie dit en « respecter » les résultats sans les reconnaître officiellement.

– 25 mai: le milliardaire pro-occidental Petro Porochenko remporte l’élection présidentielle en Ukraine. Les rebelles ont interdit le vote dans les régions sous leur contrôle.

– 5-6 juillet: offensive des forces ukrainiennes qui reconquièrent une partie du territoire sous contrôle des séparatistes, notamment Slaviansk, abandonnée par les rebelles après un siège meurtrier.

– 17 juillet: un Boeing de Malaysia Airlines avec 298 personnes à bord s’écrase dans l’est de l’Ukraine, vraisemblablement abattu par un missile. Kiev et les rebelles pro-russes s’accusent mutuellement d’être à l’origine de la tragédie.

– 25 août: début d’une contre-offensive des rebelles qui infligent une série de défaites à l’armée ukrainienne, notamment à Ilovaïsk (360 soldats tués, 180 disparus) et sur le front Sud de Donetsk avec l’appui massif, selon Kiev et les Occidentaux, de troupes régulières russes.

– 5 septembre: cessez-le-feu conclu à Minsk entre Kiev et les rebelles avec la participation de la Russie et de l’OSCE. L’accord de Minsk prévoit de donner plus d’autonomie aux régions de Donetsk et de Lougansk. Mi-octobre, échec de nouvelles négociations de paix et reprise des combats.

– 26 octobre: victoire des formations pro-occidentales aux législatives ukrainiennes, boycottées par les séparatistes.

– 2 novembre: les élections présidentielles chez les rebelles se soldent par la victoire d’Alexandre Zakhartchenko à Donetsk et d’Igor Plotnitskï à Lougansk. Les scrutins sont dénoncés par Kiev qui réplique en coupant le financement des zones sous contrôle rebelle.

2015:

– 22 janvier: L’aéroport de Donetsk, théâtre pendant neuf mois de violents combats qui l’ont transformé en ruines, tombe entièrement aux mains des rebelles.

– 12 février: le président russe Vladimir Poutine et son homologue ukrainien, Petro Porochenko, encadrés par le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel, arrachent un accord dans la capitale bélarusse. Minsk 2 réaffirme et renforce les dispositions de Minsk 1, en réinstaurant un cessez-le-feu et en exigeant à nouveau le retrait des armes lourdes du front.

– 18 février: après plus de dix jours de combats, l’armée ukrainienne abandonne aux rebelles la ville de Debaltseve, verrou stratégique entre Donetsk et Lougansk. Depuis, la ligne de front est gelée et le cessez-le-feu est assez largement respecté.

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