Gérald Papy

Tous les Écossais gagnants

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les unionistes sortent victorieux d’un référendum qui fait honneur à la démocratie. Mais les nationalistes engrangent des avancées autonomistes. En Europe, la victoire du « non » dessert plus les nationalistes catalans que ceux de Flandre

La victoire du « non » au référendum sur l’indépendance de l’Écosse, plus large que les dernières prévisions ne le laissaient entrevoir, démontre qu’une majorité d’Écossais ont, au moment fatidique, rejeté ce qui leur apparaissait encore comme une « aventure périlleuse » avec, en germe, plus de préjudices que de gains. Elle souligne aussi que l’argumentation du camp du « oui », fondée sur l’opposition à la politique des gouvernements de droite à Londres, est sans doute apparue plus conjoncturelle (et donc réversible) que structurelle.

Le résultat de la consultation livre à première vue une population écossaise divisée en camps antagonistes et écartelée entre deux projets de société. Plusieurs constats inclinent pourtant à affirmer que tous les Écossais sortent gagnants de cette confrontation. Ils ont d’abord montré au monde la vigueur de leur démocratie par la qualité et l’ardeur de leurs débats, en se gardant d’user de basses polémiques pour faire triompher leurs visions. Débat riche sur une question fondamentale: cela change des batailles d’égo ou clochemerlesques dans lesquels sombrent encore souvent les dirigeants européens.

S’ils n’ont pas vu leurs efforts couronnés de succès cette fois-ci, les nationalistes écossais n’en ont pas moins engrangé, à la faveur de la campagne référendaire, des avancées autonomistes, celles promises par les dirigeants des trois principaux partis britanniques (conservateurs, travaillistes, libéraux) dans une déclaration solennelle, le Serment, à la veille du scrutin. Si elle a pu infléchir l’opinion des derniers indécis, elle les engage surtout à une « dévolution » plus approfondie de pouvoirs en faveur du Parlement et du gouvernement écossais.

Enfin, au-delà du succès ponctuel de jeudi, les partisans du maintien de l’Écosse au sein du Royaume-Uni auront ouvert les yeux sur les aspirations, ni illégitimes ni fantasques, d’une forte minorité de leurs concitoyens. Une prise de conscience de nature à favoriser le nécessaire dialogue à venir et à éventuellement préparer demain une nouvelle campagne référendaire.

Ecosse: l’échec du u0022ouiu0022 dessert davantage les nationalistes catalans que les nationalistes flamands.

La victoire du « non » ne sera pas non plus sans conséquence pour l’avenir de l’Union européenne. Au Royaume-Uni d’abord, où le Premier ministre conservateur David Cameron, décidé à soumettre l’appartenance à l’Union à une consultation populaire, ne pourra pas ignorer les 46 % d’électeurs nationalistes écossais favorables à plus d’Europe que ne l’est le gouvernement de Londres.

Enfin, si la montée du nationalisme écossais résonne comme un avertissement pour les Etats centralisateurs d’Europe, l’échec du Scottish national Party dessert davantage les nationalistes catalans que les nationalistes flamands. Les premiers ont bâti leur dessein indépendantiste sur un référendum que Madrid leur dénie tandis que les seconds, qui avaient insisté sur leurs différences avec la voie écossaise, parient sur un délitement, sans révolution, de l’Etat belge pour faire triompher leurs idéaux. À vrai dire, s’il y a une comparaison à faire, l’aspiration des nationalistes de centre-gauche d’Edimbourg renvoie davantage à un indépendantisme… wallon qui, demain, serait lassé de la politique de droite que plusieurs gouvernements fédéraux lui auraient imposée. On en reparle après cinq ans de suédoise…

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