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Syrie : Pourquoi la trêve a échoué?

Le Vif

La fragile trêve, présentée comme « la dernière chance » pour arrêter cinq ans de bain de sang en Syrie, a échoué lundi soir laissant de nouveau place à des raids aériens à Alep et contre un convoi d’aide de l’ONU.

Quelles sont les raisons de l’échec? Que s’est-il passé durant la semaine de cessez-le-feu? Que risque-t-il de se produire désormais?

1. Pourquoi la trêve a échoué?

L’accord de cessez-le-feu est entré en vigueur le 12 septembre après des discussions marathon à Genève entre le secrétaire d’État américain John Kerry et son homologue russe Serguei Lavrov.

L’armée syrienne a déclaré lundi soir, soit une semaine après jour pour jour, la fin de la trêve, accusant les rebelles d’avoir commis au cours de la semaine plus de 300 violations.

« Nous n’avons pas eu sept jours de calme, ni d’acheminement d’aide humanitaire » aux localités assiégées, a affirmé M. Kerry après l’annonce de la fin de la trêve.

Mais l’accord était semé d’embûches dès le départ. Si l’armée syrienne s’était engagée à respecter le cessez-le-feu, les groupes rebelles ne l’ont jamais formellement endossé, en critiquant notamment les mécanismes de contrôle de la trêve.

Le texte de l’accord n’a jamais été rendu public et ni le Conseil de sécurité de l’ONU ni la principale coalition de l’opposition et des rebelles, le Haut comité des négociations (HCN), n’ont eu entre les mains le texte intégral.

L’accord a été en outre déstabilisé durant le weekend par des raids sur Alep et des frappes de la coalition, conduite par les États-Unis, contre l’armée syrienne dans l’est du pays, tuant des dizaines de soldats.

Cet incident est « un mauvais présage » pour le maintien de l’accord américano-russe en Syrie, avait alors déclaré à la presse l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine.

A cela s’ajoute le peu de progrès sur l’acheminement de l’aide humanitaire, qui était un point fondamental de l’accord.

Quelques heures à peine après que l’armée a annoncé la fin de la trêve, un raid meurtrier a visé un convoi d’aide dans la province d’Alep.

2. Que s’est-il passé durant la trêve?

Dans les premiers jours du cessez-le-feu, les activistes et les correspondants de l’AFP à travers le pays ont fait état d’un calme relatif sur la majorité des fronts.

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a dénombré 27 civils tués dans les zones concernées par la trêve, un nombre infiniment plus faible que d’habitude.

Les Alépins ont affirmé que le bruit des raids et des bombardements, qui était leur univers habituel, avait disparu lors des premiers jours de la trêve.

Mais comme à chaque fois, les combats ont progressivement repris, notamment dans les provinces centrales de Homs et Hama, dans la région montagneuse de Lattaquié(ouest) et dans la banlieue est de Damas.

Il y a eu seulement trois acheminements d’aide durant la semaine: à Mouadamiyat al-Cham, près de Damas, à Talbissé, une ville rebelle dans la province de Homs, et à Orum al Koubra dans celle d’Alep.

L’aide qui devait venir de Turquie pour sustenter et soigner les 250.000 habitants affamés du secteur rebelle de la ville d’Alep divisée, n’a jamais franchi la frontière, en raison du refus des belligérants de s’éloigner de la route stratégique que devait emprunter le convoi.

3. Que peut-il se passer désormais?

Les principaux acteurs internationaux, notamment la Russie et les États-Unis, se rencontrent mardi à New York pour sauver le processus de paix, avant la réunion mercredi du Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais après la reprise des combats, les espoirs sont minces.

L’ONU a suspendu ses convois humanitaires pour des raisons de sécurité ce qui risque d’entraîner une dégradation des conditions de vie dans les régions assiégées.

« Les échecs des cessez-le-feu (…) ont un coût politique », explique Emile Hokayem, analyste à l’International Institute for Strategic Studies (IISS).

« L’échec du cessez-le-feu signifie que les autres composantes de l’accord (l’accès humanitaire et les discussions politiques) sont ruinées », a-t-il dit à l’AFP.

Une trêve entrée en vigueur en février et également initiée par la Russie et les Etats-Unis, s’était évanouie après quelques semaines de calme relatif.

Et la reprise des négociations sous les auspices de l’ONU n’est pas à l’ordre du jour.

« En raison de la perte de crédibilité des États-Unis et de l’ONU, les groupes rebelles, qui sont désespérés, furieux et perméables à une radicalisation, sont enclin à bafouer les lois humanitaires internationales et à ignorer les appels en faveur d’une désescalade », estime M. Hokayem.

Mais le chercheur ne désespère pas que les Etats-Unis accroissent leurs efforts pour arriver à un nouvel accord, même si tous les signes vont dans le sens d’une escalade de la violence.

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