Talbisseh, dans la province d'Homs. © AFP

Syrie: les Russes frappent à nouveau et vont discuter avec les Américains

La Russie a mené jeudi de nouvelles frappes en Syrie en affirmant vouloir combattre le groupe Etat islamique (EI), tout en concentrant son action contre des groupes rebelles qui menacent son allié Bachar al-Assad.

Au lendemain des premiers bombardements aériens menés par Moscou, Américains et Russes devaient entamer jeudi des discussions militaires pour se coordonner un minimum afin d’éviter tout incident entre leurs avions de chasse. L’espace aérien syrien est en effet désormais encombré, entre les missions aériennes des pays de la coalition menée par les États-Unis, les raids de l’armée syrienne et désormais les Russes qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères.

Jeudi, des avions russes ont pris pour cible des bases de « l’Armée de la conquête », une importante coalition regroupant le Front Al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda), et des groupes islamistes comme Ahrar al-Cham, selon une source de sécurité syrienne. « L’Armée de la conquête », financée notamment par des pays du Golfe, combat à la fois le régime Assad et l’EI. Cette coalition de djihadistes et d’islamistes avait infligé au printemps de terribles revers à l’armée syrienne dans Idleb et menace le « pays alaouite » sur le littoral qui, s’il tombait, sonnerait le glas du régime.

Les frappes ont été menées justement dans cette province d’Idleb ainsi que sur « des positions de groupes armés, des bases et des dépôts d’armes » dans la province de Hama, selon la source de sécurité.

En outre, selon l’influent sénateur américain John McCain, les bombardements russes en Syrie de mercredi ont visé des rebelles entraînés et financés par la CIA notamment pour combattre l’EI. Un groupe rebelle soutenu par les Américains –Souqour al-Jabal– a affirmé avoir également été visé par des missiles de l’aviation russe.

Selon Moscou, l’armée russe a détruit durant la nuit « un quartier général des groupes terroristes et un stock de munitions dans la zone d’Idleb », ainsi qu’un atelier de fabrication de voitures piégées au nord de Homs et un camp de combattants de Hama. En fait, d’après les sources de sécurité et des experts, aucune position de l’EI n’a été visée, car ces djihadistes sont inexistants à Idleb, et leur présence est marginale à Hama. A Homs, ils se trouvent dans la région désertique et à Palmyre.

Selon des analystes, Moscou essaye avant tout de diminuer la pression rebelle sur les territoires tenus par le régime dans l’ouest et le centre. Les Occidentaux soupçonnent Moscou de vouloir voler au secours de l’armée d’Assad sous couvert de combattre le « terrorisme ».

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a toutefois balayé ces accusations. « Les rumeurs indiquant que les objectifs de ces frappes n’étaient pas l’EI ne sont en rien fondées », a-t-il déclaré, ajoutant n’avoir « aucune information » concernant d’éventuelles victimes civiles. Une ONG a évoqué un bilan de 28 morts civils à la suite des raids de mercredi dans le centre.

M. Lavrov a indiqué avoir « en toute honnêteté » dit à son homologue américain que la Russie intervenait, à la demande de la présidence syrienne, pour combattre « exclusivement l’État islamique et les autres groupes terroristes ».

Or Russes et Occidentaux divergent sur la définition de « terroriste ». Les Européens, les Arabes et les Américains font le distinguo entre l’EI, le Front Al-Nosra et les rebelles modérés qu’ils soutiennent. Pour Moscou, tout opposant armé au régime d’Assad est un « terroriste ».

Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a jugé que les frappes ne visaient « probablement pas » les djihadistes de l’EI et a estimé que l’approche russe « tournera mal » si elle se fixe pour unique objectif de défendre le régime Assad.

Plus conciliant, John Kerry a déclaré devant le Conseil de sécurité que Washington était disposé à « bien accueillir » le recours à la force aérienne russe, à condition de viser « réellement » l’EI et Al-Qaïda.

Damas a « applaudi » l’intervention russe, qui a également reçu le soutien de l’Iran et de l’Irak, des pays qui ont récemment décidé de mieux collaborer dans le partage de renseignement avec la Russie contre l’EI.

Contenu partenaire