Vue aérienne sur Alep. © REUTERS

Syrie: Alep bombardée avant de nouveaux pourparlers internationaux

Le Vif

Les secouristes travaillaient sans relâche vendredi dans les quartiers rebelles de la ville syrienne d’Alep soumis à des bombardements du régime et de son allié russe, à la veille d’une réunion internationale en Suisse pour tenter de mettre fin au bain de sang.

La rencontre est prévue samedi à Lausanne entre les chefs de la diplomatie russe et américaine Sergueï Lavrov et John Kerry, et devrait inclure la Turquie, l’Arabie saoudite et peut-être le Qatar, parrains régionaux de l’opposition armée au régime du président syrien Bachar al-Assad.

En Syrie, pour la troisième semaine consécutive, des bombardements secouaient la partie rebelle de la deuxième ville du pays, cible depuis le 22 septembre d’une offensive d’envergure de l’armée syrienne pour la reconquérir.

Des frappes aériennes très intenses ont visé plusieurs quartiers d’Alep-Est (le secteur aux mains des rebelles) dans la nuit et la matinée, a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui n’était pas en mesure de donner un bilan de morts dans l’immédiat.

« A n’importe quel prix »

« La violence des raids démontre qu’il y a une décision russe pour prendre Alep-Est à n’importe quel prix », a indiqué M. Abdel Rahmane.

Débordés, les Casques blancs, les secouristes en zone rebelle, sont à l’oeuvre sans relâche jour et nuit. « Il y une grande escalade », a affirmé à l’AFP l’un d’eux, Ibrahim Abou Laith. « Cela fait quatre jours que je ne dors pas en raison des bombardements », confie-t-il. « Les opérations de secours n’ont pas cessé depuis ce matin. Même nos véhicules sont fatigués. »

Selon le correspondant de l’AFP à Alep, les Casques blancs ne peuvent utiliser leurs torches à la nuit tombée car la lumière attire les frappes des avions militaires. Les habitants n’osent pas allumer la lumière chez eux pour ne pas être visés.

Dans le quartier-Est de Boustane al-Qasr, les secouristes tentent tant bien que mal de dégager des corps qui se trouvent depuis des jours sous les gravats, a-t-il ajouté.

Dans la partie rebelle assiégée où vivent 250.000 habitants, plus de 370 personnes, essentiellement des civils dont 68 enfants, ont été tuées depuis le 22 septembre dans les bombardements aériens et d’artillerie, selon l’OSDH.

La Russie, qui intervient militairement dans le pays en appui au régime depuis plus d’un an, s’est dit prête jeudi à assurer aux rebelles un retrait en toute sécurité d’Alep.

Moscou continue de renforcer sa présence militaire et son arsenal en Syrie pour mener des raids aériens notamment à Alep, malgré les critiques des Occidentaux qui l’accusent de participer à des crimes de guerre.

Alep comme ‘tremplin’

Le président Vladimir Poutine a d’ailleurs ratifié un accord entre Damas et Moscou sur le déploiement « pour une durée indéterminée » des forces aériennes russes sur l’aérodrome militaire de Hmeimim, dans l’ouest de la Syrie, a annoncé vendredi le Kremlin.

Dans une interview au quotidien russe Komsomolskaya Pravda publiée vendredi, Bachar al-Assad a déclaré qu’il utiliserait une victoire à Alep comme un « tremplin » pour capturer d’autres bastions rebelles. « En tant que grande ville, elle sera un tremplin pour (…) libérer d’autres zones des terroristes », a-t-il déclaré. Le régime syrien qualifie de « terroriste » tous les opposants qui le combattent.

Le président syrien a précisé que sa prochaine cible pourrait être la province d’Idleb (nord-ouest), contrôlée par une alliance de rebelles et de jihadistes dont le Front Fateh al-Cham, ex-front al-Nosra qui a renoncé à son rattachement à Al-Qaïda.

« Il faut continuer de nettoyer cette zone et de renvoyer les terroristes en Turquie, d’où ils sont venus, ou de les tuer. Il n’y a pas d’autre option », a déclaré M. Assad.

Depuis mars 2011, le conflit en Syrie s’est complexifié et internationalisé, provoquant la mort de plus de 300.000 personnes et dévastant le pays. Plus de 13,5 millions de Syriens, dont six millions d’enfants, ont besoin d’aide humanitaire, selon l’ONU.

Et la communauté internationale s’avère toujours incapable d’arrêter le bain de sang qui dure depuis plus de cinq ans. Les Etats-Unis et la Russie, qui avaient « suspendu » début octobre leur dialogue sur la Syrie, ont annoncé deux réunions internationales avec des puissances arabes et européennes: la première samedi à Lausanne, la seconde dimanche à Londres.

La semaine dernière, la Russie avait mis son veto à une résolution française au Conseil de sécurité de l’ONU, qui prévoyait un cessez-le-feu à Alep et l’interdiction de tout survol militaire.

Après Lausanne, M. Kerry se rendra dimanche à Londres pour retrouver ses « partenaires internationaux » – très probablement ses homologues des puissances européennes, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France.

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